«Nous activons un processus constituant populaire pour faire face à la crise et créer la base pour la paix», déclare le président du Venezuela
– Sam Heaton, 14 mai 2017 –
Le président vénézuélien Nicolás Maduro avec les membres de la Commission présidentielle constituante à Caracas le 12 mai 2017
Le 12 mai, le président du Venezuela Nicolás Maduro s’est réuni avec des invités étrangers provenant de plus de 35 pays, comprenant des travailleurs organisés, des législateurs élus, des représentants de partis politiques et de mouvements sociaux et des personnalités du monde académique. Il était accompagné de membres de la Commission présidentielle constituante.[1]
L’assemblée constituante a été convoquée le 1er mai par le président Maduro en réponse à la crise politique actuelle que connaît le Venezuela et comme base de l’établissement de la paix dans le pays. Il a émis deux décrets présidentiels qui appellent le peuple vénézuélien à « décider de l’avenir du pays en réaffirmant les principes de l’indépendance, de la souveraineté, de l’égalité, de la paix et de la démocratie participative, multiethnique et pluriculturelle », et il a établi une Commission présidentielle chargée d’élaborer la proposition et de déterminer le fonctionnement de l’assemblée constituante.[2]
Lors de la réunion du 12 mai, dont le but était d’expliquer le processus aux amis du Venezuela, le président Maduro a déclaré qu’après 18 années de révolution pacifique et de processus bolivarien populaire, il est devenu important de renouveler la Constitution sur laquelle ce processus repose. Le Venezuela, a dit Maduro, active le pouvoir suprême de la république pour faire face à la crise et à l’agression auxquelles le pays est confronté et pour reconstruire la base de la paix et de la reprise économique.
« Nous devons nous engager dans un processus de renouveau, de fondation renouvelée. Cela ne peut être fait que par les forces populaires, au moyen d’un processus populaire et d’un processus constituant, qui est le seul pouvoir capable de changer les choses », a-t-il dit.
La première Assemblée constituante du Venezuela a été convoquée en 1811 dans le contexte des débats de l’époque sur la voie à suivre : faire l’indépendance par rapport à l’Empire espagnol ou demander des réformes tout en maintenant les privilèges du roi d’Espagne. Une deuxième Assemblée constituante a été convoquée par Simon Bolivar en 1819, qui a pris la Constitution de 1811 comme base et consolidé l’indépendance de la nation et préparé le terrain pour de nouvelles victoires.
« La constitution qui va émerger de ce processus aura un poids historique comme ce fut le cas en 1819. Elle marquera la consolidation du progrès de la révolution », a dit Maduro aux invités étrangers.[3]


Des réunions en appui à l’Assemblée constituante à Lara ( gauche) et Quibor le 14 mai 2017 (Voices Urgentes)
Le président Maduro a expliqué qu’en dépit des progrès réalisés, le Venezuela fait maintenant face à une violence qui vise à ramener le pays en arrière. Il a rappelé les attaques similaires de 2002, 2004 et 2014, qui ont duré plusieurs mois chacune. Cependant, en dépit du fait que les « guarimbas », les émeutes et les blocus de rues dans les quartiers riches soient plus concentrés que par le passé et affectent seulement 1 % du territoire national, ils « sont beaucoup plus violents que ceux du passé ». Le président Maduro a trasmis ses condoléances à toutes les familles des victimes et appelé à des mécanismes qui vont assurer la justice et permettre la réconciliation et l’unité entre les Vénézuéliens. Il a appelé à la prudence et dit que l’objectif de la violence est d’engendrer encore plus de violence.
« J’ai interdit l’utilisation des armes à feu, y compris des petits fusils chargés de balles de caoutchouc qui sont permis par la loi », a-t-il dit.
Le président Maduro a dit qu’il y a trois raisons qui expliquent cette « ambuscade » contre le Venezuela qui a été organisée en avril. La première est la nouvelle administration Trump aux États-Unis, qui a mené des actions agressives comme l’attaque contre la Syrie et l’utilisation de la « mère de toutes les bombes » contre l’Afghanistan et a accru sa pression sur les pays latino-américains et caribbéens. La deuxième est le lent rétablissement des forces révolutionnaires du Venezuela suite à leur défaite aux élections de 2015 à l’Assemblée nationale. « Nous devons construire une nouvelle majorité bolivarienne et nous allons le faire », a dit le président Maduro. La troisième, ce sont les sérieux problèmes économiques auxquels le Venezuela fait face et les tentatives de faire dérailler la reprise.
« Si une reprise économique a lieu en 2017, si on consolide les Comités de fourniture et de production locale d’aliments [les CLAP qui desservent à l’heure actuelle 6 millions de foyers], et qu’on panse les plaies de la guerre économique, les forces de l’oligarchie savent qu’en 2018, année des élections présidentielles, nous allons être victorieux », a dit le président Maduro.
Le président Maduro a ensuite expliqué la proposition d’Assemblée constituante sur laquelle se penche la Commission. Cette assemblée sera élue directement au scrutin universel et secret sur la base du registre des électeurs. La moitié de ses 500 membres sera composée de représentants territoriaux et l’autre moitié de représentants de secteurs. C’est la classe ouvrière qui va avoir le plus grand nombre de représentants de secteurs, soit 100 personnes élues dans les usines et les autres endroits de travail. Les autres secteurs reconnus où des représentants seront élus parmi leurs pairs sont les petits fermiers et pêcheurs, les communes et les missions sociales, les jeunes, les personnes handicapées, les peuples autochtones, les gens d’affaires, les travailleurs culturels et les retraités.[4]


À gauche : réunion des résidents de Warao le 11 mai 2017 (Digna Sucre). À droite : rassemblement de petits fermiers et pêcheurs en appui à l’Assemblée constituante le 10 mai 2017 (TeleSUR).
La stratégie de l’établissement d’une Assemblée constituante a été le résultat d’un « intense débat au sein du leadership politique de la révolution », a dit Maduro, et son objectif est de « faire échec à la stratégie de nos ennemis nationaux et internationaux. Quelles étaient nos options ? Les contre-révolutionnaires ont décidé de prendre d’assaut le pouvoir au moyen de la rébellion dans les rues. Jusqu’à quand, Dieu seul le sait. La grande majorité des gens au pays, plus de 80 %, rejettent la violence. Nous allons développer un nouvel horizon de paix au moyen de l’Assemblée constituante », a dit Maduro.
L’Assemblée constituante est « notre arme pour faire avancer le pays et affronter et écarter les menaces à la nation. C’est l’option qui va nous permettre de résoudre les problèmes sociaux, politiques et économiques par le dialogue national, afin de commencer à faire échec aux tentatives de coup et à l’intervention impériale », a dit Maduro.
Le président Maduro a annoncé la décision de convoquer une Assemblée constituante au rassemblement du 1er Mai dans la capitale Caracas. La Commision présidentielle a alors commencé son travail de convocation de réunions de tous les secteurs et de tous les collectifs du peuple vénézuélien. La Commission a rencontré des représentants de travailleurs organisés, de femmes, d’étudiants, d’aînés, de communes, de médias, de corps diplomatiques, de plus de 17 partis politiques, de petits fermiers et pêcheurs, de gens d’affaires, d’institutions religieuses, de personnes handicapées, de dirigeants d’universités et d’autres secteurs et elle a reçu leurs propositions et opinions. Des réunions et des rassemblements de masse se sont tenus dans tout le pays. Toutes les forces politiques du pays ont été invitées formellement à y participer et à soumettre leurs propositions.
Manifestation pour la reconnaissance constitutionnelle des communes et des conseils communaux du Venezuela le 9 mai 2017 (Venezuelanalysis)
Notes
1. Le président de la Commision est Elías Jaua, l’ancien Vice-Président du Venezuela. Ses membres sont Aristobulo Isturiz, Hermann Escarra, Isaias Rodriguez, Earle Herrera, Cilia Flores, Delcy Rodriguez, Iris Varela, Noeli Pocaterra, Francisco Ameliah, Elvis Amoroso et Reinaldo Munoz.
2. Les décrets ont été publiés dans la Gazette officielle du pays. Ils convoquent l’Assemblée constituante nationale et en définissent les paramètres selon les articles 348, 347, 70 et 236.1 de la Constitution de la République bolivarienne du Venezuela. L’article 347 souligne que « le pouvoir constituant originaire repose sur le peuple du Venezuela » et que ce pouvoir peut être exercé « à des fins de transformation de l’État, de création d’un nouvel ordre juridique ou de rédaction d’une nouvelle constitution ».
3. Ce pouvoir constituant a été activé pour la première fois dans l’histoire moderne du Venezuela par le président Hugo Chávez en 1999. La constitution de 1961 ne permettait pas que le peuple soit convoqué et renouvelle la constitution et le président Chávez n’a pu établir une Assemblée constituante que sur la base d’un référendum consultatif dont les paramètres ont été établis par la Cour suprême du pays. La constitution de 1999 de la République bolivarienne du Venezuela, tenant compte de cette situation, permet la convocation d’une assemblée constitutionnelle (par une initiative du président, d’autres niveaux de gouvernemnt ou de citoyens) et interdit même au président de s’opposer à ses résultats et à toute autorité étatique de faire entrave à son travail ( articles 348 et 349).
4. La Commission présidentielle va également examiner neuf « objectifs programmatiques » que mettrait de l’avant la nouvelle Assemblée constituante :
i. La paix en tant que besoin, droit et aspiration de la nation.
ii. L’amélioration du système économique national pour qu’il réalise le potentiel du Venezuela.
iii. La reconnaissance constitutionnelle des missions et programmes sociaux.
iv. La consolidation de la capacité du système juridique et l’éradication de l’impunité.
v. La reconnaissance constitutionnelle des nouvelles formes de démocratie participative et à protagonistes, au moyen notamment des communes et conseils communaux et des conseils ouvriers.
vi. La défense de la souveraineté et de l’intégrité de la nation et sa défense contre l’interventionnisme étranger.
vii. La réaffirmation du caractère pluriculturel de la patrie.
viii. La garantie d’un avenir pour la jeunesse.
viv. La préservation de la vie et de la planète.