Journée nationale des Patriotes, 23 mai
Vive le projet d’édification nationale
des patriotes d’aujourd’hui!
L’Assemblée des Six Comtés les 23 et 24 octobre 1837, réunissant quelque 6 000 patriotes à Saint-Charles, Bas-Canada, malgré l’interdiction d’assemblées publiques par proclamation britannique
Aujourd’hui, Journée nationale des patriotes, nous célébrons l’effort du peuple pour affirmer son droit d’être. Dès le printemps de 1837, face au refus de la couronne britannique de répondre aux revendications de l’Assemblée législative du Bas-Canada, telles que formulées dans les 92 Résolutions de 1834, de grandes assemblées populaires éclatèrent spontanément dans tous les coins du Québec. C’est le peuple qui réclamait ses droits démocratiques.
Au coeur de cette grande expression de la volonté populaire, les patriotes proclamèrent « par ordre du gouvernement provisoire » un important manifeste appelé « Déclaration d’indépendance de la République du Bas-Canada ». Ils y énoncèrent les principes et les droits démocratiques propres à une république. L’article 3 appelle à la défense des droits de tous : « 3. Que sous le gouvernement libre du Bas-Canada, tous les individus jouiront des mêmes droits : les sauvages ne seront plus soumis à aucune disqualification civile, mais jouiront des mêmes droits que tous les autres citoyens du Bas-Canada. » L’article 15 proclame que c’est le peuple qui rédigera sa constitution : « Que dans le plus court délai possible, le peuple choisisse des délégués, suivant la présente division du pays en comtés, villes et bourgs, lesquels formeront une convention ou corps législatif pour formuler une constitution suivant les besoins du pays, conforme aux dispositions de cette déclaration, sujette à être modifiée suivant la volonté du peuple. »
La Rébellion de 1837-1838 fut écrasée par la force des armes, avec la suspension des libertés civiles, des arrestations massives, l’incendie de demeures, la pendaison de 12 patriotes et l’exil forcé de 64 autres. Plus de 1 700 personnes furent jetées en prison. Rien qu’à Montréal, 816 personnes furent arrêtées en 1838, sur une population de 30 000 personnes. Par rapport à la population de Montréal aujourd’hui, ce serait l’équivalent de 40 000 personnes. De ce nombre, 108 furent traduits en cour martiale. C’est sans compter les centaines qui durent fuir aux États-Unis pour éviter la persécution, y compris dix accusés de « meurtre » qui faisaient face à la peine de mort s’ils revenaient au pays. Ces événements marquèrent la suppression de l’État-nation moderne du Québec dont l’existence continue d’être niée à ce jour en la privant de son droit à l’autodétermination en tant qu’entité légale indépendante, libre de former une union avec le reste du Canada si tel est son propre désir.
La Rébellion de 1837-1838 est un événement important dans l’histoire du Québec et du Canada et il faut en saisir la signification pour comprendre la situation aujourd’hui et ne pas se laisser détourner par les illusions que les institutions dites démocratiques sont le point final des institutions dont le peuple a besoin pour exprimer son pouvoir de décision — c’est-à-dire sa souveraineté. Au contraire, l’établissement d’un État moderne du Québec sur sa propre base demeure nécessaire pour résoudre la crise des institutions démocratiques en faveur du peuple, pour mettre fin à l’emprise des institutions issues de la répression du projet d’édification nationale des patriotes de 1837-1838. Les institutions dites démocratiques étaient basées sur des « accommodements raisonnables », c’est-à-dire les arrangements que les oligarques britanniques ont jugés « raisonnables » pour renforcer la domination coloniale britannique établie après la défaite de la France sur les plaines d’Abraham en 1759 et après que le Québec soit passé de colonie française à colonie anglaise. Le pouvoir britannique a divisé le peuple sur une base ethno-culturelle et enchâssé cette division dans l’Acte d’Union de 1840. Depuis, la stratégie de diviser pour régner a servi, d’abord à l’État britannique et ensuite à l’État anglo-canadien, à imposer le diktat des élites dominantes au peuple du Québec et au peuple du Canada, ainsi qu’aux Premières Nations. Il a toujours été clair qu’après la Rébellion de 1837-1838, tous les patriotes qui refusaient de se réconcilier avec ces soi-disant accommodements raisonnables ont été soit pendus, soit exilés et que les institutions démocratiques actuelles du « gouvernement responsable », sorties de l’infâme Acte d’Union, ont toujours eu pour but d’écarter le peuple de tout arrangement de partage du pouvoir.
Aujourd’hui, la cause pour laquelle les patriotes ont combattu en 1837-1838 met au premier plan la nécessité que la classe ouvrière devienne la nation et investisse le peuple du pouvoir souverain de décider de ses affaires politiques, économiques, sociales et culturelles et celles de la nation. C’est d’autant plus urgent à l’heure où les gouvernements du Québec et du Canada intensifient la braderie des ressources naturelles et humaines, et cherchent à établir de nouveaux arrangements pour faciliter l’annexion politique, économique et militaire du Canada et du Québec aux États-Unis des monopoles d’Amérique du Nord et restructurer l’État au service des monopoles les plus puissants comme partie de l’édification d’empire américain. Plus ils refusent de partager le pouvoir avec qui que ce soit, plus ils parlent d’« accommodements raisonnables ».
En conséquence de ce programme de destruction nationale, les élites dominantes ont plongé le Québec et le Canada dans une crise constitutionnelle et politique sans précédent. Leur refus d’ouvrir la voie au progrès de la société se voit dans les tentatives continuelles d’imposer la politique de divisions sur la base de la langue, de l’origine nationale, de la culture, des croyances, de la couleur de la peau et autres. Nous assistons au spectacle quotidien des factions politiques qui rivalisent pour savoir laquelle représentera le mieux les valeurs québécoises ou réduisent l’identité du peuple québécois à une affaire de langue ou divisent les gens sur une base ethnoculturelle pour pouvoir ensuite imposer de nouveaux « accommodements raisonnables » pour supprimer le droit d’être de la nation québécoise et le droit du peuple de décider lui-même quels genres d’arrangements il a besoin pour s’épanouir.
En cette occasion, le PCC(M-L) salue tous ceux et celles qui épousent la cause des patriotes du Québec, en particulier ceux qui sont résolus à élaborer un projet d’édification nationale qui réponde aux exigences de l’heure.
Que la classe ouvrière devienne la nation et investisse le
peuple du pouvoir souverain !
Souveraineté oui ! Annexion non !
Déclaration d’indépendance de la République du Bas-Canada


Déclaration d’indépendance du Bas-Canada et Robert Nelson, président du gouvernement provisoire
Caldwell’s Manor (NOYAN), le 28 février 1838
Attendu que le solennel contrat fait avec le peuple du Bas-Canada et enregistré dans le livre des Statuts du Royaume de la Grande-Bretagne et d’Irlande, comme le ch. 31 de 1’Acte passé dans la troisième année du règne du roi George III, a été continuellement violé par le gouvernement britannique, et nos droits usurpés ; et attendu que nos humbles pétitions, adresses, protêts, remontrances contre cette conduite préjudiciable et inconstitutionnelle, ont été faits en vain ; — que le gouvernement britannique ait disposé de notre revenu sans le consentement constitutionnel de notre législature locale, qu’il a pillé notre trésor, qu’il a arrêté et emprisonné grand nombre de nos concitoyens, qu’il a répandu par tout le pays une armée mercenaire dont la présence est accompagnée par la consternation et l’alarme, dont la trace est rougie du sang de notre peuple, qui a réduit nos villages en cendres, profané des temples, et semé par tout le pays la terreur et la désolation ; et attendu que nous ne pouvons plus longtemps souffrir les violations répétées de nos droits les plus chers et supporter patiemment les outrages et les cruautés multiples du gouvernement du Bas-Canada,
Nous, au nom du peuple du Bas-Canada, reconnaissant décrets de la divine Providence qui nous permet de renverser le gouvernement qui a violé l’objet et l’intention de sa création et de faire choix de cette forme de gouvernement qui rétablira l’emploi de la justice, assurera la tranquillité domestique, pourvoira à la défense commune, augmentera le bien général, et garantira à nous et à notre postérité les avantages de la liberté civile et religieuse ;
Déclarons solennellement
1. Que de ce jour et à l’avenir, le peuple du Bas-Canada est libre de toute allégeance à la Grande-Bretagne, et que le lien politique entre ce pouvoir et le Bas-Canada est maintenant rompu.
2. Qu’une forme républicaine de gouvernement est celle qui convient le mieux au Bas-Canada, qui est en ce jour déclaré être une république.
3. Que sous le gouvernement libre du Bas-Canada, tous les individus jouiront des mêmes droits : les sauvages ne seront plus soumis à aucune disqualification civile, mais jouiront des mêmes droits que tous les autres citoyens du Bas-Canada.
4. Que toute union entre l’Église et l’État est par la présente déclarée être dissoute, et toute personne aura le droit d’exercer librement telle religion ou croyance qui lui sera dictée par sa conscience.
5. La tenure féodale ou seigneuriale des terres est par la présente abolie, aussi complètement que si telle tenure n’avait jamais existé au Canada.
6. Que toute personne qui prendra les armes ou qui donnera autrement de l’aide au Canada, dans sa lutte pour l’émancipation, sera et est déchargée de toutes dettes ou obligations réelles ou supposées résultant d’arrérages des droits seigneuriaux ci-devant en existence.
7. Que le douaire coutumier est, pour l’avenir, aboli et prohibé.
8. Que l’emprisonnement pour dettes n’existera pas davantage excepté dans certains cas de fraude qui seront spécifiés, dans un acte à être plus tard passé à cette fin par la Législature du Bas-Canada.
9. Que la condamnation à mort ne sera plus prononcée ni exécutée, excepté dans les cas de meurtre.
10. Que toutes les hypothèques sur les terres seront spéciales et pour être valides seront enregistrées dans des bureaux à être établis pour cette fin par un acte de la Législature du Bas-Canada.
11. Que la liberté et l’indépendance de la presse existera dans toutes les matières et affaires publiques.
12. Que le procès par jury est assuré au peuple du Bas-Canada dans son sens le plus étendu et le plus libéral, dans tous les procès criminels, et aussi dans les procès civils au-dessus d’une somme à être fixée par la législature de l’État du Bas-Canada.
13. Que comme une éducation générale et publique est nécessaire et est due au peuple par le gouvernement, un acte y pourvoyant sera passé aussitôt que les circonstances le permettront.
14. Que pour assurer la franchise électorale, toutes les élections se feront au scrutin secret.
15. Que dans le plus court délai possible, le peuple choisisse des délégués, suivant la présente division du pays en comtés, villes et bourgs, lesquels formeront une convention ou corps législatif pour formuler une constitution suivant les besoins du pays, conforme aux dispositions de cette déclaration, sujette à être modifiée suivant la volonté du peuple.
16. Que chaque individu du sexe masculin, de l’âge de vingt et un ans et plus, aura le droit de voter comme il est pourvu par la présente, et pour l’élection des susdits délégués.
17. Que toutes les terres de la Couronne, et aussi celles qui sont appelées Réserves du Clergé, et aussi celles qui sont nominalement la possession d’une certaine compagnie de propriétaires en Angleterre appelée « La Compagnie des Terres de l’Amérique britannique du Nord » sont de droit la propriété de l’État du Bas-Canada, et excepté telles parties des dites terres qui peuvent être en possession de personnes qui les détiennent de bonne foi, et auxquelles des titres seront assurés et accordés en vertu d’une loi qui sera passée pour légaliser la dite possession et donner un titre pour tels lots de terre dans les townships qui n’en ont pas, et qui sont en culture ou améliorés.
18. Que les langues française et anglaise seront en usage dans toutes les affaires publiques.
Et pour l’accomplissement de cette déclaration, et pour 1e soutien de la cause patriotique dans laquelle nous sommes maintenant engagés avec une ferme confiance dans l protection du Tout-Puissant et la justice de notre conduite, nous, par ces présentes, nous engageons solennellement les uns envers les autres, nos vies et nos fortunes et notre honneur le plus sacré.
Par ordre du gouvernement provisoire.
ROBERT NELSON, Président.