Les élections à date fixe
Un des sujets de discussion durant la 44e élection générale a été la loi sur les élections à date fixe et la raison pour laquelle elle est rarement, voire jamais, respectée. Dans une discussion à Calgary, des participants ont souligné que, comme Stephen Harper avant lui, le premier ministre Justin Trudeau a déclenché une élection surprise en dépit du fait qu’il existe une loi prévoyant des élections à date fixe tous les quatre ans.
Les élections à date fixe sont la norme dans de nombreux pays et sont considérées comme un moyen d’empêcher le parti au pouvoir de déclencher des élections à mi-mandat lorsqu’il estime que c’est à son avantage de le faire, de prendre les autres partis au dépourvu, d’utiliser sa position du pouvoir pour bénéficier d’une couverture médiatique gratuite, etc.
La loi canadienne sur les élections à date fixe a été adoptée en mai 2007 par le gouvernement conservateur de Stephen Harper. À l’époque, celui-ci avait déclaré que « les élections à date fixe empêchent les gouvernements de déclencher des élections à l’improviste pour obtenir des avantages politiques à court terme. Elles mettent tous les partis sur un pied d’égalité et les règles sont claires pour tout le monde[1]. »
La loi préserve toutefois les pouvoirs de prérogative du gouverneur général dont peut se prévaloir le premier ministre pour déclencher une élection en dehors du calendrier prévu. La loi sur les élections à date fixe modifie la Loi électorale du Canada, mais stipule clairement qu’elle « n’a pas pour effet de porter atteinte aux pouvoirs du gouverneur général, notamment celui de dissoudre le Parlement lorsqu’il le juge opportun. » Bien que le gouverneur général soit censé agir sur les conseils du premier ministre, la Constitution lui permet de conserver une certaine discrétion quant à l’acceptation ou non du conseil du premier ministre de dissoudre le Parlement. Le gouverneur général représente le monarque étranger qui est le chef d’État du Canada. En d’autres termes, il s’agit d’une fonction qui place les pouvoirs de l’État au-dessus de ceux de tous les gouvernements qui vont et viennent[2].
Un peu plus d’un an après l’adoption de la loi, Stephen Harper a lui-même déclenché une élection anticipée le 7 septembre 2008. Le résultat a été un autre gouvernement conservateur minoritaire.
À l’époque, l’organisation Democracy Watch avait entamé des procédures judiciaires, arguant que le premier ministre avait violé sa propre loi sur les élections à date fixe. Or, les tribunaux ont jugé que la loi n’avait pas été violée puisque le pouvoir du premier ministre « trouve sa source dans le pouvoir historique du monarque ». La Cour a également déclaré que la prérogative royale ne peut être limitée par une loi ordinaire et qu’il fallait un amendement à la Constitution canadienne.
Lorsqu’il est devenu évident que Justin Trudeau déclencherait des élections en 2021, certains milieux ont dit que la gouverneure générale devrait refuser sa demande. Le NPD a fait grand cas de la publication d’une lettre ouverte sur la question et un débat s’est engagé sur la question de savoir si la gouverneure générale avait le pouvoir de passer outre à l’avis du premier ministre.
Ce que les experts politiques et les partis du cartel n’ont pas voulu discuter, c’est que, qu’il s’agisse de la prérogative du premier ministre, du gouverneur général, de la police politique ou d’autres organes de l’État, tout cela provient de la Couronne et tout cela laisse le peuple en dehors de l’équation. Cette situation illustre bien à quel point les « institutions démocratiques » dans lesquelles la souveraineté est confiée à une personne d’État fictive sont conçues pour priver le peuple du pouvoir.
La nécessité d’investir le peuple du pouvoir de décider est le problème le plus important à résoudre aujourd’hui.
Notes
1. Tel que cité par CBC News le 26 mai 2006 et traduit de l’anglais par Le Renouveau.
2. « Le gouverneur général », Procédures de dissolution du Parlement et de déclenchement d’élections générales.