Discussion sur la 44e élection générale
De qui doit émaner le pouvoir politique ?
– Peter Ewart –
Beaucoup de Canadiens n’ont pas du tout aimé que les libéraux de Justin Trudeau leur imposent une élection générale deux ans avant la fin de leur mandat de quatre ans et au milieu d’une crise sanitaire sans précédent. S’il est vrai que le gouvernement libéral aurait dû attendre, ce geste d’imposer une élection non désirée révèle un problème beaucoup plus profond.
Dans une démocratie moderne, le pouvoir souverain doit émaner du peuple et tout pouvoir du gouvernement doit en découler. Le fait que Justin Trudeau puisse arbitrairement lancer une élection contre la volonté de la grande majorité de la population, dans ce qui s’apparente à une attaque surprise contre l’électorat, montre que le pouvoir souverain n’appartient pas au peuple et qu’il a été usurpé par le premier ministre, son parti et la haute fonction de l’État. En fait, c’est toute la structure politique qui est organisée de façon à priver le peuple de tout pouvoir.
Au lieu que les élections soient l’occasion de se réunir et d’échanger les points de vue sur les problèmes et qui peut le mieux nous représenter, les enjeux de l’élection sont décidés par d’autres, dans les coulisses du pouvoir où vivent les partis qui forment un cartel, par des manipulateurs d’images et des sondeurs, puis imposés à l’électorat par l’intermédiaire des médias de l’establishment. Les élections sont à toutes fins pratiques réduites à un match de lutte professionnelle où les partis du cartel s’affrontent et se lancent des injures dans une grande mise en scène bien préparée, tandis que les électeurs sont relégués au statut de spectateurs.
La démocratie ne doit pas se résumer à voter tous les deux, trois ou quatre ans pour ensuite se faire dire de rentrer chez soi et laisser les partis cartellisés prendre le relais. Cela revient à un jour de démocratie et 1000 jours de dictature pratique. Une démocratie moderne a besoin de mécanismes et de processus par lesquels les citoyens ont leur mot à dire, qui confèrent au peuple le pouvoir de décision, des mécanismes par lesquels les candidats sont sélectionnés par l’électorat plutôt que par les stratèges des partis et qui, une fois élus, sont tenus responsables devant cet électorat.
Au lendemain de l’élection générale de 2021, beaucoup parlent du besoin d’une réforme électorale et d’un renouveau démocratique, en particulier quand on voit les distorsions inhérentes au système uninominal majoritaire à un tour. Par exemple, les libéraux ont perdu le vote populaire au profit des conservateurs, mais ces derniers ont obtenu environ 39 sièges de moins. Si l’on tient compte de ceux qui n’ont pas voté, les libéraux n’ont reçu l’appui que d’environ 19 % de l’électorat, soit un électeur sur cinq, ce qui n’empêche pas Justin Trudeau de prétendre avoir un « mandat clair » des Canadiens.
Le système comporte plusieurs autres distorsions, comme les mesures qui défavorisent l’élection de candidats indépendants et qui marginalisent les petits partis.
Cela dit, il est clair qu’on ne doit pas laisser l’initiative de la réforme électorale et de la modernisation du système politique au parti au pouvoir et aux partis représentés au Parlement. Leurs réformes ne font qu’amplifier la marginalisation du peuple. Il faut un processus dans lequel le peuple a la possibilité de discuter et de décider du système politique qui lui donnera les moyens de décider de ses affaires, que ce soit par une assemblée citoyenne de quelque sorte ou un autre processus véritablement démocratique.