Le besoin pour des services de garderie et d’éducation préscolaire modernes
– Peggy Morton –
Le combat des femmes et des familles pour des services modernes de garde d’enfants et d’éducation préscolaire remonte à plus de cinquante ans, comme en témoigne le rapport de la Commission royale d’enquête sur les femmes publié en 1970, qui réclamait un tel effort.
Depuis, le besoin n’a fait que croître, car les gouvernements qui se succèdent s’assurent de ne pas concevoir un programme national de garde d’enfants comme un droit. Les partis cartellisés traitent les services de garde d’enfants comme un enjeu électoral pour attirer des votes tandis que les différents gouvernements utilisent des systèmes compliqués de crédits et créent des catégories budgétaires de toutes sortes dans lesquelles les familles doivent patauger et se débrouiller seules, jonglent avec leurs finances et s’inquiètent de la sécurité de leurs enfants.
Au cours des 28 dernières années, les libéraux ont promis à maintes reprises, au moment des élections, de créer des places en garderie. Tous les partis cartellisés offrent diverses formes de subventions ou de remboursements d’impôt en guise de paiement partiel aux familles pour la garde d’enfants et l’éducation préscolaire. Entre-temps, la situation est allée de mal en pis. Avec des coûts moyens par enfant dans les grandes villes allant de 1 100 à 1 700 dollars ou plus par mois, les services de garderie sont à la fois inabordables et inaccessibles pour la plupart des familles.
Il est désormais admis que des services de garderie d’enfants abordables sont une nécessité dans une économie moderne. La pandémie a mis en évidence l’échec du système existant et les intérêts commerciaux privés demandent aux gouvernements d’allouer davantage de fonds aux services de garde d’enfants, affirmant qu’ils sont confrontés à une pénurie de travailleurs et qu’ils souhaitent que davantage de femmes retournent sur le marché du travail. Ces employeurs veulent acheter la capacité de travail d’un plus grand nombre de femmes mais ils refusent de payer les frais de garde d’enfants nécessaires pour que les femmes puissent rejoindre ou réintégrer la population active. L’oligarchie financière s’attend à ce que tous ces coûts soient supportés par les frais des usagers et par le trésor public.
Les intérêts privés considèrent également les services de garderie comme un « marché » sur lequel ils veulent étendre leur emprise et leur contrôle, avec des profits garantis par l’État. Un monopole déclare ouvertement qu’il vise à s’emparer à lui seul de 10 % de plus du « marché », ce qui porterait la part du secteur privé à profits à 46 %, contre 36 % actuellement.
Lors d’une discussion organisée le 8 septembre par Women for Rights and Empowerment, la conclusion claire était que les femmes s’en tiennent à leurs propres revendications et se battent pour elles. Nous fixons les normes, nous prenons la mesure. Les travailleuses ont établi depuis longtemps ce dont nous avons besoin pour garantir le droit à la garde d’enfants et les droits des travailleurs qui assurent la garde et l’éducation préscolaire en fonction des besoins des femmes et des familles et de la société elle-même.
Pour défendre le droit à des services modernes de garde d’enfants et d’éducation préscolaire, il faut défendre les droits des travailleurs qui s’occupent de la garde d’enfants et de l’éducation préscolaire. Ces travailleurs sont en grande majorité des femmes (environ 96 %). Alors que le salaire moyen est d’un peu moins de 20 dollars l’heure au Canada et au Québec, beaucoup gagnent moins et leurs emplois sont souvent précaires. Ils ont droit à des salaires, des avantages sociaux et des conditions de travail décents et tous ceux qui sont recrutés à l’étranger comme main-d’oeuvre bon marché pour s’occuper de nos enfants doivent bénéficier d’un statut à part entière à leur arrivée au Canada. Il faut mettre fin à la surexploitation des femmes migrantes amenées au pays pour s’occuper des enfants dans des établissements privés.
Le Québec a mis en place un programme de garderie à 9 dollars par jour il y a longtemps. Cela semble formidable, bien sûr, mais la réalité est que les listes d’attente pour les services de garderie agréés sont longues, le nombre de places disponibles n’a jamais été suffisant pour répondre aux besoins et les travailleurs sont toujours mal payés. Tout indique que la promesse des libéraux de services de garderie à 10 dollars par jour d’ici cinq ans et de 40 000 travailleurs de la petite enfance supplémentaires ne se concrétisera jamais.
Avec 1,3 million de places réglementées au Canada et au Québec avant la pandémie et 20 % d’entre elles fermées pendant la pandémie, il manque 280 000 places juste pour revenir au niveau d’avant la pandémie. En février 2021, environ 63 000 travailleurs en garderie avaient perdu leur emploi par rapport à l’année précédente. Les promesses sur lesquelles personne n’exerce de contrôle sont en effet douteuses : c’est la marque de commerce des partis en quête du pouvoir.
On soupçonne que les promesses actuelles feront partie de programmes néolibéraux visant à payer les riches pour qu’ils étendent leur emprise et leur contrôle sur l’éducation préscolaire et les services de garde d’enfants, remplaçant les programmes qui ont fermé par des chaînes d’entreprises subventionnées par les deniers publics, tandis que les femmes et les familles doivent continuer à se débrouiller pour avoir accès à ces services et couvrir « leur part » des coûts. Sont oubliés : les travailleurs sur des quarts de nuit.
Au cours de la lutte d’un demi-siècle depuis la Commission royale de 1970, les femmes et leurs organisations de défense ont établi les standards de ce qui constitue des services modernes de garde d’enfants et d’éducation préscolaire en fonction des besoins des femmes, des familles et de la société. C’est à cela qu’il faut se mesurer, et non aux affirmations contradictoires et aux promesses cyniques des partis qui se disputent le pouvoir.
Des services de garde d’enfants de haute qualité doivent être disponibles pour tous ceux qui en ont besoin, en particulier les plus marginalisés, et sans « frais d’utilisation ». Les centres doivent être dotés d’un personnel adéquat, être situés dans des lieux appropriés et offrir des normes de service modernes. Les peuples autochtones doivent avoir le contrôle de tous les aspects de la prise en charge de leurs enfants. Il ne peut y avoir de place pour la propriété et le contrôle privés, et il faut mettre fin à tous les stratagèmes pour payer les riches et reconnaître qu’ils sont une source de corruption qui prive les services de garde d’enfants des ressources nécessaires.
Les possibilités de nouveaux arrangements novateurs sont infinies. Les services de garde d’enfants, ainsi que les autres entreprises et services publics destinés à tous les enfants, y compris les sports et la culture, les repas nutritifs et délicieux et l’éducation, doivent activer le facteur humain/conscience sociale. Une chose est sûre : nous ne pouvons pas compter sur les gouvernements qui paient les riches pour créer les institutions modernes dont nous avons besoin et nous devons nous battre pour les créer nous-mêmes, tout comme nous devons nous battre pour établir un système d’éducation qui réponde aux besoins d’une société qui cherche à humaniser l’environnement social et naturel.