Des sujets de préoccupation pour le corps politique
La nécessité de financer le processus démocratique et non les partis
– Anna Di Carlo –
Le fait que le processus démocratique ne soit pas financé, mais que les partis cartellisés le soient, constitue un problème majeur pour le corps politique et l’électorat. Malgré les limites imposées sur les dépenses électorales des partis et des candidats et les contrôles des contributions aux partis politiques, afin que les élections ne soient pas influencées par l’argent et les intérêts puissants, l’abreuvoir des subventions publiques aux partis cartellisés est sans fond.
Les cinq partis de la Chambre des communes – le cartel dont la principale raison d’être est de maintenir le peuple à l’écart du pouvoir – ont le droit de faire évaluer le coût de leurs promesses électorales par le Bureau du directeur parlementaire du budget (DPB). Ceci grâce à une loi d’initiative libérale adoptée en 2017.
Le DPB annonçait dans un gazouillis le 7 septembre qu’il a reçu 100 demandes d’estimation de ces partis. Il indiquait que 75 d’entre elles ont été renvoyées aux partis et que seulement 12 avaient été rendues publiques à cette date. Le DPB expliquait que « nous publions ces estimations de coûts aux dates choisies par les partis qui ont fait les demandes ».
En d’autres mots, le DPB ne se contente pas de chiffrer gratuitement les plateformes des partis, il est également à la disposition de leurs stratégies électorales. Ainsi, nous avons assisté à la publication de plusieurs estimations le 8 septembre lorsque les conservateurs ont demandé que l’estimation de 31 éléments de leur plateforme soient publiée quelques heures avant le débat des chefs en français.
Combien d’employés sont payés par le DPB pour ce service « gratuit » pour les partis cartellisés ?
Le Bureau du directeur parlementaire du budget a été créé en décembre 2006 sous le gouvernement conservateur de Stephen Harper. Il était censé répondre aux critiques concernant « l’exactitude et la crédibilité du processus de prévision financière du gouvernement » et aux craintes que « les gouvernements successifs […] aient fait, à des fins politiques, des projections financières gonflant les déficits et sous-estimant les excédents ». Ainsi, sa justification initiale était de contrer la perte de crédibilité du gouvernement. Le mandat élargi reçu du gouvernement libéral en 2017 a permis aux partis cartellisés d’avoir accès aux services du DPB, contournant ainsi les règles sur les limites de dépenses et contribuant à la fraude selon laquelle les promesses électorales fournissent en quelque sorte un mandat qui permet au parti qui forme le gouvernement de prétendre légitimement « représenter le peuple ».
Loin de restaurer la crédibilité du gouvernement de parti, le nouveau mandat du DPB est une autre mesure en crise qui souligne la corruption inhérente à ce qu’on appelle les institutions démocratiques libérales. Il montre la nécessité d’un renouveau démocratique plutôt que la véracité des promesses électorales !
Le DPB indique dans son rapport annuel qu’il dispose d’un budget annuel de 7,3 millions de dollars. Les candidats indépendants (sauf les candidats sortant) et les partis sans représentation à la Chambre des communes n’ont pas le « droit » de soumettre des demandes d’évaluation des coûts. Pour l’élection de 2019, le DPB indique que du 24 juin au 20 octobre, jour de l’élection, il a chiffré 216 demandes des partis politiques, dont seulement 115 ont été rendues publiques. Le rapport indique que les « ressources limitées » du DPB ont été réparties de manière égale entre tous les partis de la Chambre.
Il ajoute que cela « s’est traduit en théorie par 2 600 heures de travail des analystes allouées à chacun [notre souligné] des partis politiques pendant la période d’évaluation de 120 jours ». Le DPB dit qu’il a eu recours aux services du personnel de Finances Canada, d’Emploi et Développement social Canada et de Statistique Canada qui « a pu donner accès aux données en temps opportun et, dans certains cas, fournir des analyses approfondies ».
Imaginez si les partis cartellisés avaient dû embaucher les firmes KPMG ou Deloitte pour les 2 600 heures « théoriques » de traitement des données et d’« analyses approfondies » au taux horaire normatif de 300 $ et plus. Cela représente 780 000 dollars par parti. Ce service financé par l’État et offert aux partis du cartel n’est ni déclaré comme une dépense électorale, ni traité comme une « contribution en nature » de l’État.
Telle est la farce des « limites de dépenses » qui sont censées créer un « terrain de jeu équitable » lors d’une élection !
Cet arrangement du DPB est un fait de plus qui révèle comment les partis cartellisés sont devenus des appendices de l’État. L’appel au DPB pour calculer les coûts des promesses électorales est une autre tentative désespérée de secourir le système de gouvernement des partis cartellisés dont la crédibilité est aujourd’hui nulle. Si c’est fait pour donner aux promesses électorales un air de légitimité, cela ne fait en réalité que montrer encore une fois que les institutions démocratiques ne servent plus le peuple dans aucune de leurs fonctions et d’aucune manière. Parce que les promesses sont chiffrées, le peuple est censé penser qu’elles sont significatives et il est censé pouvoir faire confiance à ceux qui les énoncent puisqu’ils peuvent être tenus responsables devant le peuple.
Cela représente une moyenne « théorique » de 780 000 dollars de fonds non comptabilisés par parti, mes chers amis. Si cela ne prouve pas encore une fois la nécessité d’un renouveau démocratique, rien ne le prouvera jamais.
Dans cette élection, votez marxiste-léniniste ou pour les candidates et candidats indépendants et les petits partis qui prônent le renouveau démocratique et pour qui la responsabilité commence chez soi!