
Numéro 8016 décembre 2021
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Tout en oeuvre pour appuyer les Wet’suwet’en et ceux et celles qui luttent contre les changements climatiques
Une conversation avec Marlene Hale
– Diane Johnston –
Une discussion a eu lieu le 10 décembre en soirée avec Marlene Hale, une activiste et aînée du clan des Likhsilyu de la nation wet’suwet’en. La réunion a eu lieu à Montréal avec une participation en présentielle et virtuelle. Des jeunes luttant pour que les universités cessent d’investir dans les compagnies de combustibles fossiles, des environnementalistes, des dirigeants du Parti vert et du Parti marxiste-léniniste du Québec, des représentants syndicaux toujours actifs ou à la retraite, ainsi que des travailleurs industriels, du transport, des soins de santé, des services sociaux et de l’éducation étaient parmi les participants.
Marlene est une activiste de longue date et représentante du peuple wet’suwet’en qui vit à Montréal depuis près d’une décennie. Depuis le début de la pandémie, elle organise des webinaires hebdomadaires avec des jeunes défenseurs de la terre et des conservationnistes, qui se réunissent régulièrement pour discuter comment aller de l’avant dans la lutte en appui aux Wet’suwet’en, pour l’environnement et contre les changements climatiques.
Elle a débuté en évoquant la lutte de son peuple le 8 janvier 2019 contre Coastal GasLink au poste de contrôle Gidimt’en, lorsque près de 130 agents de la GRC ont été déployés pour arrêter 14 personnes.
Merlene participe aussi à la lutte pour conserver la forêt ancienne à Fairy Creek, sur l’île de Vancouver, où des aînés et des activistes autochtones, y compris des aînés et des jeunes en première ligne, se battent pour empêcher la coupe de bois par le Teal-Jones Group. Ils font face régulièrement aux incursions de la GRC et à la brutalité ciblant les jeunes.
Elle a commencé sa présentation en parlant des plus récents événements sur le territoire de sa nation, lorsque des hélicoptères, des unités canines et des tireurs d’élite avec « le doigt sur la gâchette et nous prenant pour cibles » ont été déployés pour expulser les défenseurs de la terre et de l’eau. « La situation aujourd’hui n’a pas changé depuis le 8 janvier 2019 », a-t-elle dit, ajoutant que la situation à laquelle ils sont confrontés est encore pire. « Il n’y a aucun respect quand la GRC empiète sur notre territoire. » Elle a dit que la situation des Wet’suwet’en était comparable à celle des autres peuples autochtones partout au Canada, comme pour ceux de Land Back Lane 1492, ainsi que la lutte des Premières Nations du Québec.
« Il n’y rien de pacifique lorsqu’il s’agit de la GRC et de ses pouvoirs », a dit Marlene, rappelant que le pire jour de tous a été le 9 août, lorsque la police a violemment agressé les activistes qui bloquaient l’accès à la forêt ancienne à Fairy Creek. Les jeunes présents se sont fait arracher leur masque par les agents de la GRC qui leur ont ensuite aspergé les yeux et la bouche de poivre de cayenne pendant une des journées les plus chaudes de l’été, pour ensuite en confiner certains pendant plusieurs heures dans des véhicules sans aucun accès à de l’eau.
Pour ce qui est des tribunaux et du gouvernement, a-t-elle dit, « il ne reste plus rien. Les principaux médias ont fermé les yeux sur tout ce qui se passe présentement. » Au sujet de la GRC, elle a dit : « Une fois de plus, elle est venue empiéter le territoire wet’suwet’en. » Marlene a aussi contredit les rapports médiatiques qui prétendent que le problème relève du provincial. « Ce n’est pas un problème provincial !, a-t-elle affirmé. Nous sommes autochtones, nous sommes les Premières Nations. C’est notre terre. »
Des participants se joignent à la discussion
Un des participants a posé une question sur les différentes tactiques mises de l’avant par les activistes dans les deux luttes. Marlene a expliqué que les deux luttes sont interreliées, donnant pour exemple les changements climatiques. Elle a souligné le fait que les récents glissements de terrain en Colombie-Britannique sont le résultat des coupes à blanc, comme à Fairy Creek. Elle a souligné à quel point c’est irrationnel de construire un pipeline sous la rivière Morice qui est la source d’eau potable pour les Wet’suwet’en et source de vie pour les poissons, les animaux et la terre.
Un autre participant a dit que ce qui l’avait frappé ,c’est le choc des cultures, alors que d’une part « vous avez les Wet’suwet’en qui disent ‘ceci est notre terre souveraine’ et, de l’autre, la GRC, formée dans l’esprit du colonialisme, qui lance : ‘Allez-vous quitter pacifiquement ou allons-nous devoir vous sortir ?’ »
Pour la GRC, a-t-il observé, « défendre ta culture et ton droit, c’est être violent. C’est cela la culture de l’oppresseur. » Il a dit que, d’après lui, il ne peut y avoir de solution au problème « à moins d’avoir des relations de nation à nation, ce qui entend défendre tes droits, ta culture, selon la façon que tu les définis ». Il a ajouté que le point de départ de la mentalité colonialiste n’est pas que tu reconnais et que tu défends ce droit souverain en tant que tel. « Donc, ce qu’ils disent du colonialisme n’est qu’une abstraction. » Il a souligné l’importance d’appuyer les Premières Nations et leur droit d’être souveraines, ce qui comprend leur droit de véto sur les activités qui se déroulent sur leurs territoires. « Seulement à ce moment-là, a-t-il souligné, peut-il y avoir une véritable solution. »
Marlene a dit de la plus récente intrusion par la GRC en territoire wet’suwet’en que c’était comme retourner chez soi et être accueilli par un arsenal de fusils. « Vous ne pouvez rentrer chez vous. Vous ne pouvez pas tourner la clé pour ouvrir votre porte et vous ne pouvez pas rentrer. Ce n’est plus votre maison. Vous n’avez aucun droit et aucun titre. […] Il y a ce fusil qui menace les deux communautés. » Elle a ensuite dit qu’« au gouvernement, personne ne dit non à ce fusil et c’est ce qui doit cesser. »
Une autre personne a fait valoir que ce qui devenait clair est le « véritable problème » auquel nous sommes confrontés. Elle a relaté comment en mai dernier, à la suite de la découverte des tombes anonymes où gisaient les restes de milliers d’enfants autochtones, tous les politiciens avaient exprimé leur émoi. Elle a fait valoir qu’à ce moment-là ils « s’exclamaient tous qu’il fallait faire quelque chose et qu’il devait y avoir réconciliation ». Cependant, cinq mois plus tard, la GRC attaque les Wet’suwet’en. Elle s’est demandé ensuite où étaient passés tous les politiciens maintenant. « À cette époque, ils voulaient les terres. C’est pour cela qu’ils ont élaboré un plan consistant à ‘extirper l’indien de l’enfant’ », a-t-elle dit. Leur silence aujourd’hui, a-t-elle poursuivi, porte à penser que la raison de leur silence est que s’ils accèdent au pouvoir, ils vont faire la même chose, et ils veulent donc éviter d’être pris au piège. C’est la situation à laquelle nous sommes confrontés en tant que Canadiens aux prises avec un manque total de sens moral de la part de nos politiciens. »
Un autre participant a souligné qu’il y avait « un tournant dans la conscience des Canadiens solidaires des peuples des Premières Nations et défendant les droits de tous et toutes ». Il a ajouté : « Le fait que les gens sont conscients des lois des peuples autochtones, je pense qu’on peut le voir parmi les jeunes gens. » Affirmant que l’État canadien et colonial et que la GRC ont été formés pour supprimer les peuples autochtones, il a dit qu’il ressentait « la force qui grandit dans le mouvement même des peuples autochtones et des peuples canadien et québécois ensemble, luttant pour les droits des peuples autochtones dans le contexte de la lutte pour les droits de tous et toutes. » Pour ce qui est de la lutte pour les droits autochtones, il a ajouté : « Nous avons besoin de changer la constitution de ce pays. C’est une constitution coloniale et ce travail appartient vraiment aux Premières Nations, au peuple du Québec et aux autres sur l’île de la Tortue. »
Un étudiant de l’Université McGill, actif dans Divest McGill, a informé les participants de la lutte de plusieurs années et sans relâche menée par les étudiants pour obliger l’université à arrêter d’investir dans le fonds de dotation en combustibles fossiles.
Les participants ont quitté la réunion, inspirés par le courage et la détermination des Wet’suwet’en et des autres Premières Nations à la défense de leurs droits et voués à la protection de la Terre Mère. Ils ont aussi reconnu la conscience grandissante des Canadiens et des Québécois par rapport aux luttes des Premières Nations contre le colonialisme et la défense de leur droit d’être et de la place de cette lutte en tant que partie intégrante de leur propre lutte à la défense des droits de tous et du droit de déterminer leur propre destin. Ils ont aussi reconnu la nécessité d’élargir cette lutte pour que les êtres humains finissent par occuper la place qui leurs revient. Ensemble, nous pouvons le faire !
Action militante à Toronto en appui aux défenseurs de la terre wet’suwet’en
Un rassemblement et une marche militants ont eu lieu à Toronto le 11 décembre, dans le cadre des actions en cours pour soutenir les défenseurs de la terre des Wet’suwet’en qui font face à la violence et à la terreur les plus brutales de la part de la GRC dans leur lutte pour empêcher le gazoduc Coastal GasLink (CGL) de traverser leur territoire.
Plus de 300 personnes ont participé à l’événement qui comprenait des discours de militants autochtones qui ont partagé leurs expériences de lutte pour leurs droits contre l’État colonial canadien raciste et ses gouvernements.
Un des principaux thèmes du rassemblement était la résistance grandissante des peuples autochtones à travers le pays pour leurs droits et leur souveraineté, ainsi que l’unité entre les Canadiens et les peuples autochtones. Les orateurs ont souligné que les peuples autochtones et les Canadiens ne font qu’un, face au même État raciste qui viole les droits de tous. Les participants au rassemblement ont joint leurs voix pour dénoncer les actions des gouvernements et des tribunaux à tous les niveaux qui violent les droits des peuples autochtones tout en faisant respecter les intérêts privés des monopoles des ressources et de leurs bailleurs de fonds tels que la Banque TD et la Banque Royale du Canada, le Régime de pensions du Canada et d’autres.
Un certain nombre d’intervenants ont souligné que la lutte menée par les Haudenosaunee, les Wet’suwet’en et d’autres peuples autochtones crée une « incertitude » pour tous les intérêts privés et leurs bailleurs de fonds engagés dans l’extraction des ressources ou dans la construction de pipelines sur les terres autochtones en violation du droit autochtone et sans le consentement des peuples autochtones. Cette incertitude continuera de croître, ont-ils dit, puisque les peuples autochtones et leurs alliés se dressent ensemble contre les mensonges et la violence de l’État canadien et de sa police, dont l’objectif est de créer une « certitude » pour les intérêts privés par tous les moyens.
Les rapports des défenseurs de la terre mohawk, Layla Staats et Skyler Williams des Six Nations, qui se sont rendus à Yintah pour se tenir aux côtés des défenseurs de la terre wet’suwet’en, sont particulièrement intéressants. Staats, en particulier, a décrit les tactiques dignes de la Gestapo utilisées par la GRC contre les défenseurs de la terre et leurs alliés. Parmi ces tactiques, celle de se présenter devant les défenseurs de la terre en formation militaire, avec des chiens d’attaque, des fusils d’assaut pointés sur des hommes, des femmes et des aînés non armés, des arrestations violentes et des passages à tabac. Staats a parlé de son arrestation violente et des efforts déployés pour la déshumaniser, elle et les autres. Depuis leur arrestation jusqu’à leur comparution devant le tribunal, ils ont dû faire face à des tentatives constantes de briser leur moral, comme les forcer à se présenter devant le juge en sous-vêtements, et d’autres tactiques de guerre psychologique.
Sous les acclamations des participants, Layla Staats a déclaré que son esprit et celui des autres restent inébranlables parce que leur cause est juste. Skyler Williams a souligné les avancées obtenues grâce à la large unité du peuple dans la lutte et à l’amour social entre les peuples autochtones et leurs alliés canadiens.
Après le rassemblement à l’hôtel de ville de Toronto, les participants ont marché jusqu’à Bay Street, s’arrêtant aux intersections et devant les bureaux des banques pour scander des slogans et demander l’arrêt du financement du pipeline CGL. La marche s’est terminée par des chants animés devant les bureaux de TC Énergie, propriétaire du gazoduc CGL.
(Photos: Rising Tide Toronto)
Semaine d’action en appui aux Wet’suwet’en!Désinvestissez de Coastal GasLinkCalendrier d’événements |
L’Université McGill doit désinvestir du gazoduc Coastal GasLink
Le 1er décembre, les étudiants de McGill ont organisé une action pour dénoncer la répression violente de l’État canadien contre les défenseurs de la terre autochtones wet’suwet’en qui exigent la fin de la construction du gazoduc Coastal GasLink (CGL) sur leur territoire non cédé, et la fin de son soutien par l’État canadien, y compris les attaques militaires de la GRC pour chasser les défenseurs de la terres de leur territoire.
L’Université McGill a investi 4 770 450 $ dans TC Energy Corp dans le cadre de son portefeuille de dotation. McGill investit directement dans la construction de l’oléoduc CGL sur les terres des Wet’suwet’en.
L’événement était co-organisé par Divest McGill, Indigenous Student Alliance, avec le soutien de CKUT 90.3FM, QPIRG/GRIP McGill, Students in Solidarity for Palestinian Human Rights McGill – SPHR McGill, Divest for Human Rights Campaign at McGill, McGill Nurses for Planetary Health et le Black Students’ Network de McGill.
La pétition ci-dessous a été remise à l’administration de McGill pour exiger que l’université désinvestisse de TC Energy.
Une pétition en solidarité avec les Wet’suwet’en demandant que l’Université McGill désinvestisse immédiatement de TC Energy Corporation
Tiohtià : ke, Montréal, mai 2021
Ceci est un appel urgent pour répondre à la persistante crise d’injustice coloniale envers la nation wet’suwet’en dans le contexte où la corporation TC Energy continue de construire le gazoduc destructeur de 6,2 milliards de dollars Coastal GasLink, construction qui va à l’encontre de la décision des Wet’suwet’en.
Aujourd’hui, l’Université McGill détient d’importants investissements dans le gazoduc Coastal GasLink, ce qui est inacceptable. Cela doit changer dès maintenant. En effet, l’Université McGill détient un investissement de $4,770,450 dans TC Energy Corp dans le cadre de son portefeuille de dotation[1]. Cet investissement, dans un pipeline colonial et destructeur de l’environnement, doit cesser dès maintenant.
Trouvez des détails supplémentaires à ce sujet dans une lettre ouverte publiée dans le McGill Daily[2].
Il se doit d’être clair, qu’en étant actionnaire de TC Energy Corp, McGill finance directement un projet qui viole les droits humains autochtones. D’autant plus, l’institution favorise l’acceptabilité sociale de ce projet violent, tout en profitant de son opération et des dites violations.
Bien que nous soyons physiquement éloigné.e.s du territoire wet’suwet’en, nous sommes scandalisé.e.s que des institutions de Montréal, y compris McGill, soient complices de la construction du pipeline CGL. Ces connexions sont devenues évidentes suite aux mouvements de solidarité initiés par des résidents du Grand Montréal en janvier et février 2020, visant à soutenir la Nation des Wet’suwet’en. Depuis le début de la pandémie COVID-19, le territoire wet’suwet ‘en et le gazoduc Coastal GasLink ne font plus la une des journaux, toutefois, le projet se poursuit à un rythme soutenu.
Cette pétition mondiale est présentée par Divest McGill, en collaboration avec un réseau d’activistes communautaires de Montréal qui travaillent à bâtir un soutien durable à la lutte des Wet’suwet’en pour les souverainetés autochtones et à arrêter la construction du gazoduc Coastal GasLink sur leur territoire. Collectivement, nous disons non à TC Energy.
Nous soutenons les demandes des chefs héréditaires de la nation wet’suwet’en qui demandent l’arrêt de la construction du gazoduc CGL, le retrait immédiat de la GRC, des forces de sécurité et de police du territoire wet’suwet’en, et que le droit à l’autodétermination des Wet’suwet’en soit honoré en respectant leurs décisions, leurs lois et leurs structures de gouvernance.
De plus, nous reconnaissons aujourd’hui que la construction présente et non autorisée du gazoduc CGL a permis la transmission de la COVID-19 à la nation wet’suwet’en. La communauté a dû faire face à la pandémie en raison des travailleur.euse.s de pipeline transporté.e.s de partout au Canada, directement chez la nation wet’suwet’en. Cela a eu un impact dévastateur chez les aîné.e.s wet’suwet’en, dont plusieurs ont perdu la vie après avoir contracté la COVID- 19. Cette réalité qui se déroule présentement chez la nation wet’suwet’en a été documentée par l’Association canadienne des médecins pour l’environnement (ACEP)[3].
Les signataires de cette pétition exigent que l’Université McGill et son conseil d’administration :
1. retirent immédiatement leurs investissements de dotation dans l’action TC Energy Corp ;
2. utilisent leur influence afin de faire pression sur le gouvernement fédéral pour demander le retrait immédiat de la GRC, des forces de sécurité et de police du territoire wet’suwet’en ;
3. utilisent leur influence pour faire pression sur les gouvernements fédéral et provinciaux pour cesser la construction du gazoduc Coastal GasLink ;
4. utilisent leur influence pour faire pression sur les gouvernements fédéral et provinciaux afin d’honorer les droits à l’autodétermination et la souveraineté de la nation wet’suwet’en en respectant ses décisions, lois et structures de gouvernance ;
5. utilisent leur influence pour travailler avec d’autres universités, y compris l’U de M, Concordia et l’UQAM, des banques, y compris la TD, la CIBC, la Banque Scotia, RBC et BMO, et des institutions privées pour qu’à leur tour ils désinvestissent de l’action TC Energy et coupent toute relation économique et / ou financière avec TC Energy Corporation.
Nous vous remercions sincèrement d’avoir pris le temps de considérer cette pétition et de vous engager à être solidaire avec cette cause qui nous tient tous à coeur.
Notes
1. McGill investments in TC Energy Corp..
2. Voir le texte de la lettre ouverte
3. Association canadienne des médecins pour l’environnement .
Envoyez vos articles, photos, rapports, points de vue et commentaires à redactionpmlc@cpcml.ca.
