Numéro 733 décembre 2021
|
Philippines et Asie-Pacifique
L’engagement honteux du Canada dans la diplomatie de la canonnière
– Steve Rutchinski –
En octobre de cette année, le navire de guerre canadien NCSM Winnipeg a accosté au port de Manille pour une « visite de bonne volonté » aux Philippines. Alors qu’elle était amarrée, la frégate a reçu le 11 octobre l’ambassadeur du Canada aux Philippines, Peter MacArthur.
Dans son discours d’occasion, l’ambassadeur MacArthur a déclaré : « […] En tant que nation maritime, les Philippines ont toujours été un très bon hôte pour notre flotte et je sais que cette visite renforcera davantage une relation qui jette un pont sur l’océan Pacifique […] les opérations menées par le NCSM Winnipeg avec nos alliés et partenaires dans la région, démontrent l’engagement continu du Canada à soutenir une région indo-pacifique libre et ouverte. »
« Nous sommes fiers de compter à bord 11 marins d’origine philippine. Saviez-vous que le Canada abrite l’une des plus grandes communautés philippines au monde ? Le navire porte le nom de la ville de Winnipeg, qui abrite la troisième plus grande communauté philippine du Canada », a ajouté l’ambassadeur MacArthur.
C’est un discours qui vise à dissimuler le rôle agressif du Canada dans la région de l’Asie-Pacifique, sous le commandement des États-Unis, tout en militarisant les relations entre le peuple canadien et le peuple des Philippines. Cela n’augure rien de bon pour la paix ou les liens fraternels entre nos deux peuples.
Le NCSM Winnipeg est engagé dans des exercices militaires à grande échelle auxquels participent d’autres « alliés » dominés par les États-Unis, notamment l’Australie, la République de Corée et le Japon, pour projeter la puissance impérialiste américaine en Asie-Pacifique sous prétexte de « contrer l’agression » de la Chine et de la Russie. La projection de la puissance américaine signifie une participation active à l’asservissement des peuples de la région. Les Philippines, malgré leur indépendance nominale, sont dominées par l’impérialisme américain. La participation du Canada à ces préparatifs de guerre dirigés par les États-Unis dans la région de l’Asie-Pacifique montre à quel point le Canada est intégré à la machine de guerre des États-Unis et participe également à l’assujettissement des peuples de la région, y compris les Philippines.
En 2018, par exemple, le Canada était sur le point de vendre pour 233 millions de dollars d’hélicoptères Bell aux Philippines, pour être utilisés par les « programmes de contre-insurrection » de l’administration Duterte ciblant le mouvement politique du peuple pour la libération nationale. C’est seulement en raison de la lutte des organisations patriotiques philippines, comme la Coalition internationale pour les droits de l’homme aux Philippines (ICHRP-Canada), qui ont mobilisé largement parmi les Canadiens et les gens d’origine philippine pour s’opposer à cette vente, que celle-ci a été bloquée.
Dans une présentation au webinaire No Harbour for War le 19 novembre, Rhea Gamana, secrétaire générale de Bayan Canada, une alliance patriotique nationale de Canadiens progressistes et de résidents d’origine philippine, a souligné la résistance de longue date du peuple philippin à l’impérialisme américain et aux colonisateurs espagnols avant eux. Elle a expliqué la relation entre les préparatifs de guerre de l’impérialisme américain dans la région de l’Asie-Pacifique et la guerre brutale de « contre-insurrection » de Duterte contre les forces communistes et patriotiques aux Philippines aujourd’hui.
Dans sa présentation intitulée « Le pivot vers l’Asie et la stratégie COIN des États-Unis — soutenir le terrorisme d’État et la tyrannie aux Philippines », Mme Gamana a souligné comment les États-Unis sont intervenus et ont usurpé le pouvoir après que la résistance patriotique philippine ait vaincu les colonisateurs espagnols à la fin de la guerre hispano-américaine. Plus de 1,5 million de patriotes philippins ont été tués entre 1899 et 1914 en résistant aux envahisseurs américains. Mme Gamana a souligné que malgré l’indépendance nominale accordée par les États-Unis en 1946, après la Deuxième Guerre mondiale, au cours de laquelle le peuple des Philippines a joué un rôle sans égal dans la défaite du militarisme japonais, les États-Unis continuent aujourd’hui de dominer la nation insulaire par une série de traités inégaux imposés par les administrations fantoches successives, saignant le peuple à blanc et pillant ses ressources naturelles.
Parmi les principaux accords qu’elle a cités figurent la Loi sur le commerce de Bell, l’Accord d’assistance économique et technique de 1951, l’Accord Laurel-Langley ou accord sur la parité, la Loi sur les incitations à l’investissement — tous conçus pour accorder au gouvernement et aux entreprises américaines un accès illimité aux terres et aux ressources naturelles des Philippines.
La secrétaire générale de Bayan Canada a également souligné que depuis 1946, les États-Unis ont imposé divers traités de défense comme le Traité de défense mutuelle de 1952, l’accord sur les forces en visite signé sous l’administration de Fidel Ramos en 1998 et l’Accord de coopération renforcée en matière de défense (EDCA) de 2014, qui placent tous les Philippines sous le contrôle militaire des États-Unis.
Le président des États-Unis Donald Trump et le président des Philippines Rodrigo Duterte ont réaffirmé en 2017 leur engagement envers l’EDCA ainsi que le traité de défense mutuelle de 1952. C’est précisément à cette époque que Duterte a annulé unilatéralement les pourparlers de paix avec le Front démocratique national des Philippines (NDFP). Celui-ci avait participé à des négociations de plusieurs décennies avec les gouvernements philippins successifs pour mettre fin à la guerre civile qui se déroule depuis plus de 50 ans dans la nation insulaire. L’opération contre-insurrectionnelle « Pacific Eagle-Philippines » (OPE-P) a ensuite été conçue, organisée et mise en oeuvre sous la direction des États-Unis, malgré les déclarations du gouvernement de Rodrigo Duterte selon lesquelles les Philippines avaient une politique étrangère indépendante.
Après avoir annulé pour une durée indéterminée les pourparlers de paix avec le NDFP en novembre 2017, le président Duterte a également mené la classification du Parti communiste des Philippines (PCP) et de sa branche armée, la Nouvelle armée populaire (NAP), comme « organisations terroristes » dans sa Proclamation numéro 374 — semblable à leur désignation par les États-Unis comme « organisations terroristes étrangères » en 2002 pendant la « guerre contre la terreur » des États-Unis. En effet, le président Duterte a affirmé qu’il « suivrait l’Amérique » en déclarant unilatéralement le PCP et la NPA des « organisations terroristes ».
Le conseiller politique en chef du NDFP, José Maria Sison, note : « L’opération Pacific Eagle est définitivement un plan interventionniste des États-Unis visant à écraser la révolution philippine par le biais d’une coordination beaucoup plus étroite entre les forces armées américaines et les forces armées des Philippines, semblable au Plan Colombie du département d’État des États-Unis. »
En décembre 2018, le président Rodrigo Duterte a signé l’ordre exécutif 70, institutionnalisant l’approche « toute la nation » pour soi-disant régler le conflit armé interne aux Philippines. Elle porte le nom d’Oplan Kapanatagan (Tranquillité).
Mme Gamana a déclaré que l’opération Pacific Eagle-Philippines et l’Oplan Kapanatagan sont tous deux calqués sur le programme américain de contre-insurrection (COIN). La stratégie COIN des États-Unis consiste à stabiliser un pays, c’est-à-dire à le rendre moins vulnérable aux conflits en s’attaquant aux causes de l’insurrection. L’aide AID des États-Unis dans le cadre de l’OPE-P est déclarée et évaluée comme des « activités de stabilisation » dont les objectifs sont l’aide aux sinistrés et la réhabilitation à long terme afin d’atténuer les facteurs d’« extrémisme » tout en « aidant à créer des marchés »par la promotion de modèles américains de croissance économique.
L’approche « toute la nation » utilise non seulement la police et les opérations militaires de contre-insurrection, mais aussi les agences gouvernementales et l’organisation de la société civile pour supprimer la rébellion communiste, et avec elle, le mouvement démocratique du peuple philippin.
La présentation de Mme Rhea Gamana a également permis de mieux comprendre ce qui sous-tend la visite « de bonne volonté » du Canada avec le NCSM Winnipeg et les autres soutiens que le Canada apporte dans le cadre du programme impérialiste américain dans la région Asie-Pacifique. Cela comprend la formation par le Canada du personnel de la police et de l’armée philippines. Par exemple, deux jeunes Philippins ont été diplômés du Collège militaire royal de Kingston l’été dernier, dont la première femme philippine cadette de l’Académie militaire des Philippines à être formée au Canada, Carrie Banglag Magannon. Il est ironique que pendant que Mme Banglag Magannon, membre de la nation autochtone Igarot des Philippines, est entraînée pour réprimer le mouvement politique du peuple philippin pour l’indépendance et l’autodétermination, les sociétés minières canadiennes déplacent et pillent la Cordillère, les terres du peuple Igarot, pour les ressources naturelles, et financent les forces paramilitaires qui attaquent et déplacent les peuples autochtones qui résistent au pillage et à l’exploitation de leurs terres.
Le rôle des forces patriotiques philippines aux Philippines et au Canada est décisif dans la lutte pour la paix, la justice, la démocratie et la libération nationale aux Philippines, et fait partie intégrante de l’importante lutte du peuple canadien pour un gouvernement anti-guerre au Canada, qui défend des relations avec les autres nations et peuples basées sur la paix, le commerce pour un avantage réciproque et la non-ingérence dans les affaires des autres.
(Photos : LR, Bulatlat, Cordillera Peoples Alliance)
Journée internationale de solidarité avec le peuple palestinien
Les Torontois à la défense du peuple palestinien
Plus de 200 Torontois se sont rassemblés par un temps glacial le 27 novembre devant le consulat d’Israël à l’angle de Yonge et Bloor pour marquer la Journée internationale de solidarité avec le peuple palestinien et dénoncer la collaboration continue du gouvernement Trudeau avec l’État sioniste d’Israël qui commet un génocide et d’innombrables atrocités contre le peuple palestinien dans une tentative désespérée de le faire disparaître en tant que peuple.
L’action était organisée par Actions4Palestine, le Mouvement de la jeunesse palestinienne, Voix juives indépendantes, Students for Justice in Palestine, l’Association des étudiants palestiniens UTM, Samidoun et d’autres. Le thème principal de l’action était d’affirmer énergiquement le droit au retour du peuple palestinien à l’unisson avec tous ceux qui, au Canada et dans le monde, exigent qu’Israël soit tenu responsable de ses crimes.
Les orateurs ont décrit la campagne de terreur menée depuis des décennies par l’État sioniste israélien contre le peuple palestinien, notamment le vol continu de ses terres et de ses fermes, la démolition des maisons palestiniennes, la décimation des moyens de subsistance des Palestiniens et l’emprisonnement de plus de 4 500 Palestiniens. Plus de 520 autres sont sous le coup d’ordres de détention illégale. De plus, sous le prétexte frauduleux de « légitime défense », des dizaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants palestiniens ont été tués et blessés par les forces de défense israéliennes agissant en toute impunité avec le soutien tacite des États-Unis, du Canada, de la Grande-Bretagne et d’autres États.
De nombreux automobilistes ont klaxonné et des passants ont levé le poing, reflétant le soutien généralisé au Canada pour la juste cause du peuple palestinien, malgré la désinformation de l’État canadien et des médias de masse qui présentent les Palestiniens comme des « terroristes » et répètent d’autres mensonges flagrants pour justifier les tentatives criminelles d’éteindre la lutte historique des Palestiniens pour leur droit d’être depuis leur naissance.
Les jeunes organisateurs de l’événement ont également souligné que la police locale commence à intimider et à menacer les manifestants qui descendent dans les rues et les espaces publics pour défendre le peuple palestinien au Canada, et que cette tactique de criminalisation de ceux qui se tiennent aux côtés des Palestiniens ne sera pas tolérée.
L’action s’est terminée avec beaucoup d’enthousiasme, tous les participants étant énergisés et engagés à parler à leurs voisins et amis, à écrire à leurs représentants gouvernementaux et à poursuivre les actions de soutien au peuple palestinien héroïque.
(Photos : LR)
Envoyez vos articles, photos, rapports, points de vue et commentaires à redactionpmlc@cpcml.ca.