
Numéro 6110 novembre 2021
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L’Association canadienne des producteurs d’acier applaudit le stratagème pour payer les riches
– K.C. Adams –
Il est temps d’établir une nouvelle direction avec laquelle les travailleurs
ont leur mot à dire et un contrôle.
L’Association canadienne des producteurs d’acier (ACPA) est une organisation qui regroupe treize entreprises sidérurgiques au Canada. Ces treize entreprises sont toutes détenues et contrôlées par des intérêts étrangers.
Réagissant aux annonces de financement du gouvernement canadien pour ArcelorMittal Dofasco (AMD) à Hamilton et Algoma Steel à Sault Ste. Marie, pour un total de 820 millions de dollars, Catherine Cobden, présidente et cheffe de direction de l’ACPA, écrit : « Cet investissement permettra d’améliorer considérablement le climat pour AMD, la ville de Hamilton et notre pays dans son ensemble. C’est maintenant le deuxième projet du secteur sidérurgique canadien à contribuer à une réduction combinée de près de 6 millions de tonnes (de CO2). »
Mme Cobden estime que les subventions fédérales accordées aux entreprises sidérurgiques aideront « les producteurs d’acier du Canada à jouer un rôle important dans l’écologisation des chaînes d’approvisionnement essentielles en Amérique du Nord ». Elle ajoute que le financement public des deux aciéries renforce l’intégration du secteur canadien de l’acier à l’économie américaine et sa capacité à « concurrencer les importations à plus forte intensité de carbone », notamment la Chine.
L’ACPA considère qu’il est approprié que les gouvernements financent les entreprises privées pour qu’elles passent à « l’écologisation des chaînes d’approvisionnement essentielles » pour être en mesure de concurrencer les producteurs hors de l’Amérique du Nord. Elle ne tient pas compte du point de vue des métallos et de tous les autres qui estiment que, bien que cette transition financée par le gouvernement aura une incidence considérable sur leur vie, elle se fait dans leur dos, sans discussion et sans considération pour leur bien-être et leur sécurité.
Pour l’ACPA, l’économie canadienne est devenue synonyme d’économie nord-américaine. Les importations aux États-Unis ou au Mexique sont en fait considérées comme des importations au Canada. L’économie canadienne a disparu dans un marché nord-américain en même temps que toute prétention à l’édification nationale. Qui plus est, l’ACPA présente ses treize membres comme des entreprises canadiennes, alors qu’elles sont toutes détenues et contrôlées par des intérêts étrangers, la plus grande d’entre elles, ArcelorMittal, contrôlée par des intérêts situés en dehors de l’Amérique du Nord.
L’ACPA demande aux gouvernements du marché nord-américain d’appliquer des politiques d’approvisionnement pour leurs projets publics qui « évaluent le rôle du carbone » à la frontière, vraisemblablement la frontière nord-américaine, avant d’autoriser l’importation d’acier.
Tout cela est très obscur et étrange. Par exemple, ArcelorMittal produit de l’acier au Canada, mais en tant que deuxième producteur mondial d’acier, le cartel mondial est aussi un concurrent des autres producteurs d’acier pour les ventes en Amérique du Nord et dans le monde entier. La majeure partie de la production d’acier d’ArcelorMittal se trouve en dehors du Canada et de l’Amérique du Nord, avec des installations importantes en Europe, en Inde, en Afrique du Sud, en Chine et ailleurs. Son principal propriétaire, Lakshmi Mittal, est l’un des oligarques les plus riches du monde. Sa famille mène un style de vie somptueux, avec des demeures rivalisant avec celles des rois et reines d’hier et d’aujourd’hui.
Tous ceux qui contrôlent et possèdent les entreprises membres de l’ACPA rivalisent pour obtenir un profit maximum pour leurs intérêts privés. Les ressources et les travailleurs canadiens sont des moyens de production destinés à faire des profits pour leurs propriétaires dans une folle compétition pour la richesse et le pouvoir. ArcelorMittal est le deuxième plus grand producteur d’acier au monde, juste derrière la société chinoise China Baowu SteelGroup. Celle-ci est un concurrent important d’ArcelorMittal pour les ventes en Chine et dans le monde.
AMD et d’autres membres de l’ACPA veulent faire passer leurs concurrents pour inférieurs sur tous les fronts, y compris pour ce qui est de la production « verte ». Le fait que les gouvernements financent la transition vers une production verte, en l’occurrence l’utilisation de fours à arc électrique, et que les politiques d’approvisionnement des gouvernements soient axées sur l’achat de leur acier autoproclamé « vert » sert leur objectif de profit maximal pour défendre et faire croître leur propriété privée et leurs empires.
Partout, les entreprises utilisent des « crédits verts » pour battre leurs concurrents. Le fait que les gouvernements financent l’« écologisation » de leur production et utilisent ensuite cette écologisation comme un aspect des politiques d’approvisionnement est devenu une procédure opérationnelle standard dans le monde entier. L’ACPA et le gouvernement fédéral entraînent les Canadiens dans cette rivalité internationale pour les marchés et utilisent la « production nationale d’acier vert » comme une arme pour y parvenir.
Les oligopoles comme ArcelorMittal sont prêts à dire n’importe quoi pour servir leurs intérêts, partout où ils sont actifs. Sur son site Web en Chine, ArcelorMittal parle en termes élogieux de son partenariat public-privé avec le producteur d’acier public Valin. Un article intitulé « High Strength Automotive Steel, the Key to Peak Emission & Carbon Neutrality » (Acier automobile à haute résistance, la clé du pic d’émission et de la carboneutralité) indique que « l’acier étant un matériau dominant dans la construction automobile, la mise à niveau technologique pour une meilleure performance de l’acier devient également cruciale. Entièrement dévouée à l’acier automobile à haute résistance, Valin ArcelorMittal Automotive Steel Co., Ltd (VAMA) fournit des produits et des technologies innovants, qui sont de plus en plus reconnus par les constructeurs automobiles comme la clé de la réduction des émissions. » L’auteur ajoute : « C’est particulièrement vrai pour ArcelorMittal et sa coentreprise nationale VAMA, qui a confiance dans le marché chinois, car la conservation de l’énergie et la réduction des émissions ont été élevées au rang de stratégie nationale par une autorité de haut niveau du gouvernement chinois. »
Beaucoup de Canadiens, et beaucoup de métallos, se demandent comment des oligopoles non contrôlés par les travailleurs et les personnes concernées peuvent contribuer à l’édification nationale et à l’humanisation de l’environnement social et naturel si ce n’est pas leur objectif. L’édification nationale au service des Canadiens et de leur économie doit avoir comme un de ses principaux piliers la création d’un secteur sidérurgique indépendant qui suffit aux besoins de l’économie canadienne. Ce n’est pas l’objectif des treize membres de l’ACPA qui appartiennent tous à des intérêts étrangers. Au cours des trente dernières années, le secteur de l’acier ne cesse de faire les manchettes pour son instabilité et ses crises successives. Les faillites, les réductions d’effectifs, l’échange de propriétés entre les oligarques mondiaux, le dépouillement des entreprises de leurs éléments productifs et la destruction des pensions et des emplois ont été les caractéristiques de l’histoire récente de ce secteur.
Le secteur canadien de l’acier souffre d’un déficit continu de la production d’acier par rapport à la demande apparente et d’une balance commerciale négative, principalement dans les importations en provenance des États-Unis, qui sont de loin le principal exportateur vers le Canada. La production chinoise d’acier représente 5 % des importations au Canada, tandis que les importations américaines représentent 43 % du total. Un aspect crucial à retenir de tout cela est que les Canadiens n’ont pas voix au chapitre ni de contrôle sur le secteur de l’acier. Toutes les régions en dehors de l’Ontario sont complètement dépendantes de la production extérieure d’acier brut et, dans de nombreux cas, d’acier fini.
Ajoutons à cela le fait que la transition vers la production avec fours à arc électrique dans les deux grandes usines de l’Ontario sera financée en partie par le gouvernement fédéral et se fera sans que les métallos et les autres personnes concernées aient leur mot à dire.
Les Canadiens exigent d’avoir leur mot à dire sur la direction de l’économie. Ils n’apprécient pas de se faire embobiner pour soutenir des oligopoles dont l’objectif est contraire à l’édification nationale et aux intérêts des peuples du monde entier. Seul le peuple a la capacité et la motivation d’humaniser l’environnement social et naturel et de sauver la Terre Mère des ravages de l’oligarchie. Cette dictature des oligarques et de leurs gouvernements représentatifs doit cesser. C’est à nous de nous organiser pour changer la situation. À qui l’économie ? À nous ! Qui décide ? Nous décidons ! Qui contrôle ? Nous contrôlons ! Nous devons faire de ces slogans une réalité par nos efforts conscients et organisés.
(Avec des informations du site Web de VAMA China)
L’ACPA cherche à brouiller les cartes
Dans un communiqué de presse publié le 30 juillet, l’Association canadienne des producteurs d’acier (ACPA) écrit : « Une analyse comparative internationale réalisée par Global Efficiency Intelligence a classé les producteurs d’acier canadiens au premier et au deuxième rangs mondiaux par type de production, bien avant la Chine et d’autres pays producteurs d’acier. »
L’ACPA concocte une vision de l’industrie sidérurgique canadienne qui n’existe pas. Elle présente le secteur comme étant contrôlé et détenu par des Canadiens et fonctionnant dans leurs intérêts et ceux de ses employés au sein d’un marché nord-américain. Tous ceux qui ne font pas partie du marché nord-américain sont vilipendés et considérés comme des concurrents ennemis inférieurs.
Cela déforme la réalité : les Canadiens ne possèdent et ne contrôlent pas leur industrie sidérurgique. Celle-ci exerce ses activités dans une zone de libre-échange nord-américaine qui a été décidée à l’encontre de leurs souhaits. La principale entreprise sidérurgique du Canada, ArcelorMittal, produit plus d’acier à l’extérieur du Canada et de l’Amérique du Nord qu’elle n’en produit ici. Selon la logique de l’ACPA, ArcelorMittal est un concurrent pour elle-même.
Mentionner la Chine comme concurrent sur le marché canadien de l’acier est trompeur car ce pays producteur d’acier ne représentait que 5 % des importations d’acier au Canada en 2019, alors que les importations des États-Unis en représentaient 43 %. En outre, ArcelorMittal est un grand investisseur en Chine, dans la production d’acier mais aussi dans d’autres secteurs.
Le Canada importe et exporte de l’acier principalement dans la zone de libre-échange nord-américaine contrôlée par les États-Unis et il importe plus d’acier qu’il n’en exporte à l’intérieur de cette zone, ce qui entraîne un déficit commercial dans le secteur de l’acier.
Selon le Global Steel Trade Monitor publié par le département du Commerce des États-Unis : « Les 10 principaux pays sources d’où le Canada importe de l’acier représentent 78 % du volume total des importations d’acier en 2019, soit 5,4 millions de tonnes métriques (mtm). Les États-Unis ont représenté la plus grande part des importations du Canada par pays source avec 43 % (2,9 mtm), suivis de la Corée du sud avec 7 % (0,5 mtm), de la Chine avec 5 % (0,4 mtm) et du Japon avec 4 % (0,3 mtm). »
L’ACPA aime parler « des producteurs d’acier du Canada », mais pas une seule de ses 13 entreprises productrices d’acier membres n’est de propriété canadienne, et encore moins contrôlée par des intérêts canadiens. L’ACPA s’oppose à la mise sur pied d’un secteur sidérurgique indépendant, autosuffisant et contrôlé par des Canadiens, qui répondrait aux besoins de l’économie et de la population canadiennes, et qui serait un facteur important d’indépendance économique. Un secteur sidérurgique indépendant et autosuffisant serait en mesure de faire du commerce international, notamment avec les États-Unis, le Mexique, la Chine et d’autres pays, pour l’avantage, la coopération et le développement réciproques. Le commerce pour l’avantage réciproque ne conduirait pas à des guerres commerciales et à des guerres armées qui sont motivées par les intérêts privés des oligarques qui cherchent à défendre et à élargir leurs propriétés privées et leurs empires mondiaux.
ArcelorMittal et d’autres oligarques de l’ACPA disposent d’un recueil de chansons et ils en ont une pour chaque pays où ils opèrent. Et elles ont toutes le même refrain, qui est de diaboliser les concurrents, obtenir des fonds publics et des réglementations gouvernementales favorables et faire en sorte que les métallos et les autres travailleurs qu’ils embauchent soient constamment sur la défensive et désorientés dans la défense de leurs droits et la formulation de leurs revendications. Le but des oligarques est de grossir le plus possible leur portefeuille à partir de la valeur que les travailleurs produisent. Ce but et ce contrôle doivent cesser. Pour changer la direction, les métallos et leurs alliés dans tout le pays doivent s’organiser pour lutter pour une nouvelle direction, vers une économie contrôlée par le peuple et servant ses intérêts.
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