
Numéro 596 novembre 2021
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Humanisons l’environnement naturel et social
Une semaine d’actions de masse audacieuses réitère la demande de justice climatique des peuples du monde
Marche à Glasgow le 5 novembre 2021
Les activistes ont convergé vers Glasgow, en Écosse, à l’occasion du Sommet de la Conférence des parties sur le changement climatique de l’ONU (COP26) qui a lieu du 31 octobre au 12 novembre. De nombreuses actions de masse ont eu lieu durant les journées qui ont précédé le sommet et durant la première semaine à différents endroits à Glasgow, y compris près des clôtures qui encerclent le lieu des délibérations. Il y a également eu des activités virtuelles et des manifestations dans le monde entier.
Les grands rassemblements qui ont eu lieu à Glasgow les 30 et 31 octobre, lors de l’ouverture de la COP26, ont fait en sorte que ce soient les revendications des peuples qui donnent le ton aux négociations qui allaient avoir lieu dans les enceintes sacrées, où des décisions sont prises à l’insu des peuples. Pendant ce temps, la Coalition COP26 a organisé ses propres assemblées, indépendantes des procédures officielles de l’ONU, où les peuples du monde entier et leurs collectifs peuvent s’exprimer en leur propre nom et faire connaître leurs préoccupations.
Ces actions donnent une expression vivante à la demande des peuples qui réclament des gestes significatifs et justes pour contrer les changements climatiques, pas des paroles en l’air. Le monde exige des actions et des gestes qui prennent comme point de départ le bien-être et les droits de toute l’humanité, et non l’exploitation des peuples et des pays vulnérables avec des projets qui servent les intérêts étroits de l’élite riche et des oligopoles supranationaux.
Une journée mondiale d’action a eu lieu le vendredi 29 octobre appelant à un « avenir sans fossile », en plus des grèves pour le climat que les étudiants continuent de mener chaque vendredi.
Du 28 au 31 octobre, il y a eu la « marche pour la vie » des femmes de Greenham allant de la base navale de Faslane, sur le Gare Loch, à Argyll and Bute, en Écosse, jusqu’à Glasgow. Les marcheuses ont voulu souligner le lien entre les armes nucléaires, l’action militaire et l’urgence climatique. Elles ont entre autres exigé que la pollution militaire ne soit plus excluses des accords de la COP26.
Le 30 octobre, le groupe Peace Education Scotland et la Campagne écossaise pour le désarmement nucléaire ont tenu un événement virtuel sous le thème : « Exploitation des ressources, conflits violents et militarisme : moteurs de la catastrophe climatique ».
Le lundi 1er novembre, un rassemblement de masse a été appelé par le mouvement Vendredi pour l’avenir, le réseau mondial de jeunes qui coordonne des grèves hebdomadaires pour le climat dans les écoles depuis plus de trois ans.
Pour coïncider avec le Jour des morts au Mexique, le 2 novembre, le groupe antiguerre écossais Dove Tales a présenté une soirée virtuelle de poésie et de musique et a examiné « les changements climatiques sous l’angle de la guerre et de la destruction qu’elle impose à notre planète ».
Le 3 novembre, Extinction Rebellion a organisé une action pour dénoncer l’écoblanchiment, la pratique des gouvernements et les entreprises qui donnent l’impression de se préoccuper de l’environnement pour dissimuler le fait qu’ils poursuivent leurs activités comme si de rien n’était.
Un des points culminants des actions du 4 novembre a été la Marche pour la paix organisée par le Scottish Peace Network, qui a souligné la nécessité de s’opposer à l’agression, à la guerre et au commerce des armes comme composante essentielle du combat pour mettre fin à la destruction de l’environnement et affronter les changements climatiques. La marche s’est arrêtée devant les chantiers du fabricant d’armes BAE Systems à Glasgow. Il y a également eu des manifestations pour protester contre une foire de l’armement à Malvern, en Angleterre. Puis il y a eu la « tournée toxique » de la COP26, qui a attiré l’attention sur « le passé, le présent et l’avenir toxiques de l’Écosse ».
Le vendredi 5 novembre, un rassemblement de masse organisé par le chapitre écossais du mouvement Vendredi pour l’avenir a réuni des dizaines de milliers de personnes. L’énergie et l’optimisme qui s’en sont dégagés laissent présager une grande réussite du rassemblement de masse à Glasgow le 6 novembre, alors que le sommet sur le climat COP26 arrive à mi-parcours.
Vidéo
Humanisons l’environnement naturel et social
Présence policière massive à la «COP la plus excluante de tous les temps»
Une des grandes caractéristiques de la COP26, le sommet des Nations unies sur le climat, est de bien faire voir que « les dirigeants gouvernent » alors que les peuples sont gouvernés et n’ont pas voix au chapitre. L’application du principe est garanti par une présence policière massive qui, dans le cas de la COP26, serait la plus importante jamais vue pour assurer l’exclusion générale des personnes les plus touchées par le changement climatique.
Le gouvernement britannique dépenserait jusqu’à 250 millions de livres sterling pour le maintien de l’ordre lors du sommet, ce qui constituerait le plus grand déploiement de policiers jamais réalisé au Royaume-Uni, plus important que celui du sommet du G7 de juin 2021 en Cornouailles ou que celui des Jeux olympiques de Londres de 2012. Pendant trois semaines, environ 10 000 policiers venus de tout le Royaume-Uni seront en service tous les jours à Glasgow, dont 7 000 provenant de l’extérieur de l’Écosse. Des agents armés avec des chiens formés pour le dépistage patrouilleront les réseaux ferroviaires souterrains et de surface de la ville pendant toute la durée du sommet. En plus, « l’armée a été mobilisée pour assurer la sécurité, tandis que des troupes de l’ONU seront présentes dans la principale zone de conférence », rapporte The Time. Les coûts comprennent également la haute clôture en acier qui entoure le Scottish Event Campus (SEC) où se déroulent les procédures officielles. Cette clôture serait nécessaire pour créer « un tampon contre toute attaque terroriste potentielle ». On rapporte également que la police écossaise utilise « un ordre de régulation du trafic anti-terroriste pour fermer les routes et les chemins autour du SEC ».
Le nombre de policiers déployés dépassait le nombre de participants aux actions de la semaine dernière, rapportent des militants.
Tout cela envoie un message clair : les travailleurs et surtout les jeunes qui se sont battus pour mettre les changements climatiques à l’ordre du jour sont une menace et doivent être criminalisés, tandis que les responsables du pillage et de la spoliation incontrôlée de la Terre Mère, qui agissent pour leur propre enrichissement, ne sont pas tenus de rendre des comptes.
Les difficultés rencontrées par les délégués qui ne sont pas des représentants des pays riches
De nombreux délégués aux délibérations de la COP26 à Glasgow, en Écosse, ont fait part de nombreux obstacles à leur participation. Nombreux sont ceux qui, venant des pays les plus pauvres, n’ont même pas pu se rendre à Glasgow en raison du coût élevé des voyages et des restrictions liées à la COVID-19. Ces problèmes, auxquels s’ajoute une présence policière massive, ont amené les gens à conclure qu’il s’agit de l’été climatique de l’ONU le plus exclusif de tous les temps, malgré les affirmations du gouvernement britannique selon lesquelles la COP26 serait la plus inclusive à ce jour.
Un rapport du site SciDev.net, qui offre « d’opinions et d’analyses sur les informations relatives à la science et à la technologie pour le développement mondial », fait état de la situation à laquelle sont confrontés les délégués des pays les plus pauvres et les moins développés (appelés le « Sud ») à la COP26 :
« Une révolution est nécessaire pour mettre fin à l’exclusion ‘scandaleuse’ de la société civile et des pays du Sud des grands pourparlers internationaux, ont déclaré les défenseurs du développement qui accusent la COP26 d’être le sommet sur le climat le moins inclusif depuis une décennie.
« Les complications liées aux vaccins et aux visas, associées aux restrictions imposées par la COVID-19 sur la capacité d’accueil des espaces de négociation officiels, ont laissé la société civile et les scientifiques du Sud en dehors des principales procédures à Glasgow, au Royaume-Uni, selon ces experts.
« Ils pensent que les organisateurs du sommet de l’ONU ont l’obligation légale de veiller à ce que les personnes les plus touchées par le changement climatique puissent contribuer aux négociations et aux groupes de travail.
« Sébastien Duyck, avocat principal au Center for International Environmental Law, déclare que ‘les gens sont venus de toutes les régions, malgré tous les obstacles — le coût économique pour être ici à Glasgow, les risques pour la santé associés au retour dans leurs communautés — pour participer au processus.’
« Mais il déclare que sur les milliers d’observateurs accrédités venant de pays du Sud, des communautés autochtones et des organisations environnementales, ‘quatre représentants ont été autorisés dans toute la salle où se déroulent les négociations. Pas seulement dans le segment de haut niveau de cette COP, mais, dans l’ensemble de la zone de travail où se déroulent les véritables négociations.’
« Sébastien Duyck déclare qu’avec au moins six négociations se déroulant à la fois, cela signifie que le Sud et la société civile sont absents de certains processus.
« ‘Nous assistons au début d’une conférence des partis qui est la moins inclusive depuis plus d’une décennie’, affirme-t-il.
« Sébastien Duyck ajoute que ‘les restrictions liées à COVID-19 ne peuvent pas justifier le fait qu’un réseau entier d’organisations environnementales et de développement soit autorisé à n’envoyer que quatre délégués dans la zone de négociations.’
« L’une des seules actions de la société civile autorisée à ce jour dans la zone bleue — la zone réglementée de la COP26 — a été annulée mercredi [3 novembre], alors que le service de sécurité luttait pour contrôler le nombre de journalistes et de sympathisants qui s’étaient réunis pour voir les communautés autochtones protester contre un événement sur les marchés du carbone.
« Sébastien Duyck a appelé le secrétariat de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) et le Royaume-Uni, en tant qu’hôtes, à prendre des mesures immédiates pour garantir que les voix des communautés vivant avec les impacts du changement climatique soient ‘effectivement et significativement entendues dans les salles de négociation’.
« Le gouvernement britannique avait promis que l’événement serait la COP la plus inclusive jamais organisée.
« Le Secrétariat de la CCNUCC n’avait pas répondu à la sollicitation de SciDev.Net au moment de la publication de cet article.
« L’équipe d’organisation de la COP26 s’est excusée mardi [2 novembre] pour les retards importants observés dans l’accès des délégués sur le site et pour les problèmes techniques qui avaient rendu difficile l’accès à la plate-forme numérique où les événements sont diffusés en continu.
« Danny Sriskandarajah, directeur général de l’organisation caritative britannique Oxfam GB, a déclaré à SciDev.Net que la participation était vitale au sommet, car les personnes qui n’avaient ‘presque en rien’ contribué à la crise climatique vivaient avec ses impacts désastreux.
« ‘Leurs voix sont à peine entendues dans ce genre d’environnement. Nous devons combler cet écart relevé dans la participation si nous voulons avoir une sorte de processus réussi autour du changement climatique’, a-t-il dit.
« Les processus intergouvernementaux génèrent un ‘double déficit démocratique’, soutient Danny Sriskandarajah, car les personnes les plus pauvres et les plus marginalisées sont exclues de leurs systèmes politiques nationaux, entraînant leur plus grande invisibilité au niveau mondial.
« ‘Les personnes dont la vie est affectée maintenant sont privées à deux niveaux de la possibilité d’influencer ce genre de processus qui devrait, au fond, être une question de justice envers elles’, ajoute-t-il.
« ‘Nous avons besoin d’une révolution en matière de participation’, conclut Danny Sriskandarajah.
« Plusieurs délégués du Nord ont confié à SciDev.Net que leurs collègues du Sud se sont vu refuser ou retarder le visa, ce qui leur a fait manquer des allocutions.
« La directrice exécutive du mouvement Act On Sahel, Kaossara Sani, du Togo, fait savoir qu’elle est ‘une voix manquante dans le débat et les négociations sur le climat’ et se demande pourquoi les gens les plus touchés par le changement climatique sont exclus.
L’exclusion du processus décisionnel sur les changements climatiques, la guerre et d’autres questions cruciales est le problème le plus grave auquel sont confrontés les peuples du monde entier. Cela inclut les personnes qui vivent dans tous les pays où les institutions dépassées de la démocratie libérale privent les gens de leur pouvoir et les empêchent d’avoir leur voix, et où les gouvernements agissent pour servir des intérêts privés supranationaux, en contradiction avec les droits et le bien-être des citoyens, chez eux et à l’étranger. Une révolution de la participation est effet ce qu’il faut.
Semaine d’action à la COP26
Galerie de photos: 31 octobre au 5 novembre
31 octobre

1er novembre



2 novembre
3 novembre




4 novembre



5 novembre
