Numéro 4718 octobre 2021
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Personne ne doit être laissé pour compte
Cri du coeur de la Nuit
des sans-abri dans l’Outaouais
Le 15 octobre, le Collectif régional de lutte à l’itinérance en Outaouais (CRIO) a tenu sa 19e édition de la Nuit des sans-abri au parc Fontaine à Gatineau. L’événement n’a pas eu lieu l’an dernier en raison de la pandémie. Cette année, l’événement a été un franc succès avec la participation de plusieurs centaines de personnes, dont près de 250 ont marché par solidarité à travers les rues du Vieux-Hull.
La Nuit des sans-abri se veut une soirée de sensibilisation à la situation de pauvreté, de désaffiliation sociale et d’itinérance affectant de plus en plus de Québécois. Chaque année, depuis 1989, la Nuit s’organise autour d’une vigile de solidarité nocturne ponctuée d’animations de toutes sortes. Ainsi, tous sont invités à passer la nuit ensemble pour dénoncer la pauvreté et manifester de la solidarité envers les personnes sans-abri. Cet événement permet également de mettre en lumière les conditions précaires auxquelles les personnes itinérantes sont confrontées quotidiennement.
Dès 17 h, nourriture, dons de vêtements, vaccination contre la COVID et bien plus encore étaient à la disposition de la population en situation d’itinérance de Gatineau.
Les gens étaient encouragés à faire don de vêtements chauds qu’ils ne portent plus et qui ont été distribués durant la soirée aux personnes en ayant besoin. Il y a aussi eu un moment de recueillement pour rendre hommage aux personnes disparues depuis le dernier événement il y a deux ans.
Le thème adopté à l’échelle du Québec était « Voir au-delà des apparences », pour faire ressortir les causes économiques, politiques et sociales de la pauvreté et le fait que les gens aux prises avec l’itinérance ont des droits en tant qu’êtres humains et en tant que membres de la société.
(Photos : CRIO)
Voir au-delà des apparences, c’est reconnaître le plein contrôle qu’une personne a le droit d’avoir sur sa vie, c’est mettre l’humain au centre de nos décisions
– Mot de bienvenue d’Alexandre Deschênes à la 19e édition de la Nuit
des sans-abri à Gatineau –
C’est avec beaucoup d’émotion que le Collectif régional de lutte à l’itinérance organise avec ses alliés cette Nuit des sans-abri. C’est sous le thème « L’itinérance, voir au-delà des apparences » que se déroule l’événement à l’échelle nationale.
Quand on s’en tient aux apparences, on est figé dans des stéréotypes et dans nos préjugés. Rester pris dans les apparences de ce qu’est l’itinérance, c’est oublier l’humain derrière la personne qui vit une situation difficile.
Dans la personne en situation d’itinérance, nous voyons une forme d’exclusion sociale, nous y voyons une disqualification par une condition inhumaine qui influe sur la psyché de l’individu, causant des lésions, des stigmates profonds. Nous y voyons une résilience et un instinct de survie incalculable, immense, louable, impressionnant pour pallier le manque de ressources qui devraient être garanties par cette société.
Voir au-delà des apparences, c’est sortir de la logique du mérite. C’est reconnaître le plein contrôle qu’une personne a légitimement le droit d’avoir sur sa vie. Ce n’est pas à nous de décider qui doit recevoir telle ou telle réponse à des besoins de base. Ce n’est pas à nous à poser un jugement de valeur selon notre propre conception de la moralité. Le jugement social, le regard de l’autre peut être violent. Voir au-delà des apparences, c’est aussi un refus de faire violence à l’autre. C’est mettre l’humain au centre de nos décisions. C’est faire preuve d’humilité envers l’autre.
Regarder le phénomène de l’itinérance, c’est regarder le miroir de ce qui fait défaut socialement, économiquement, politiquement. C’est regarder des frères et des soeurs laissés pour compte, c’est regarder comment les droits fondamentaux sont bafoués, niés, réduits à des questions d’acceptabilité sociale. Alors on entend : C’est inacceptable de fouiller dans les poubelles, c’est inacceptable de dormir dans une tente, etc., sans pour autant emmener des solutions concrètes.
Mais qu’est-ce qui est inacceptable ? Voir des citoyens et citoyennes comme vous et moi voir leur droit au logement nié, leur droit à la dignité relégué à une question de budget, leur droit de vivre, et non pas seulement de survivre, ignoré. Ce qui est inacceptable, c’est de hiérarchiser les besoins de divertissements au-dessus des besoins fondamentaux. Ce qui est inacceptable, c’est de séparer les citoyens selon des strates socio-économiques pour mieux les écraser.
En Outaouais, il y a longtemps que nous disons que personne n’est à l’abri d’une situation d’itinérance. Avec les écarts de richesse grandissants et la crise du logement qui s’accentue, cette affirmation est encore pertinente, et sera toujours pertinente. L’itinérance est un phénomène qui ne disparaîtra pas avec de savants calculs comptables pour revoir l’indice à la pauvreté. Elle ne disparaîtra pas par des voeux pieux politiques, tout en maintenant un système économique qui favorise son apparition.
Alors que nous reste-t-il à faire ? Nous ne pouvons que réduire les impacts de l’itinérance à bout de force et d’actions, par le travail acharné de tous les acteurs du milieu. Le communautaire ne peut pas et ne veut pas répondre seul à cette tâche. Ce que nous appelons partenariat est plus que jamais essentiel. Car, bien au-delà des statistiques, se retrouvent des gens forts et fiers, fortes et fières, qui suscitent toute notre admiration, notre soutien de par leur histoire, tout aussi valable que la nôtre.
Nous vous souhaitons à toutes et tous, vous qui êtes ici ce soir, une excellente Nuit des sans-abris. Nous allons entamer cette marche ensemble, unis, et nous crierons haut et fort que nous sommes valides, que nous avons droit d’être considérés pour ce que nous sommes, des humains, des humaines immensément grands et grandes, beaux et belles, et que nous faisons nous aussi partie de cette société, et ce, sans condition.
Alexandre est poète et organisateur communautaire pour le Collectif régional de lutte à l’itinérance (CRIO)
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