
Numéro 4615 octobre 2021
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Prorogation de l’Assemblée nationale du Québec
Les plaintes que c’est «une diversion» sont
elles-mêmes une diversion
Le 13 octobre, la session en cours de l’Assemblée nationale du Québec a été prorogée. La période de prorogation coïncide avec un congé planifié. La raison invoquée par le premier ministre est que l’Assemblée doit repartir à zéro avec un nouveau discours « d’ouverture » le 19 octobre.
Annonçant la prorogation par communiqué le 7 octobre, le premier ministre François Legault a dit : « Cela marquera le début d’une nouvelle session parlementaire et sera l’occasion de préparer le Québec à l’après-pandémie. »
Il a ajouté : « Grâce aux efforts de tous les Québécois, nous pouvons commencer à planifier l’après-pandémie. La dernière année et demie nous a transformés et a mis de l’avant des enjeux cruciaux pour le Québec. En plus de finir de remplir nos engagements de 2018, nous devons amorcer, dès maintenant, les grands changements des prochaines années. »
En d’autres termes, avec la nouvelle session, la Coalition avenir Québec au pouvoir commencera sa campagne pour se faire réélire à l’élection prévue pour octobre 2022. François Legault pourrait également utiliser ses pouvoirs de prérogative pour déclencher une élection plus tôt s’il considère que cela augmente ses chances d’être reporté au pouvoir.
Tous les partis ayant des sièges à l’Assemblée nationale ont souligné la manoeuvre, comme l’ont également fait les médias et les analystes. Or, les partis présents à l’Assemblée nationale affirment que l’ouverture d’une nouvelle session vise à « détourner l’attention des électeurs de ce qui se passe réellement », laissant évidemment entendre qu’eux feraient mieux.
Les plaintes concernant les diversions sont elles-mêmes une diversion, car ces manoeuvres révèlent une seule chose, et c’est la nécessité d’investir le peuple du pouvoir de décider et non les partis politiques qui sont censés le représenter.
L’inauguration d’une nouvelle session signifie que les projets de loi devant l’Assemblée nationale meurent au feuilleton sauf si le premier ministre les rappelle. François Legault a déjà indiqué qu’il ne va pas rappeler le projet de loi 39, Loi établissant un nouveau mode de scrutin, qui prévoit un mode de scrutin mixte avec une forme de représentation régionale. Cela va évidemment contrarier tous ceux qui ont travaillé fort pendant plusieurs années pour que ce projet de loi arrive finalement à l’Assemblée nationale. Le fait que le premier ministre décide de le laisser mourir au feuilleton souligne précisément ce qui ne va pas dans un système où des gouvernements non représentatifs peuvent gouverner en toute impunité. Ce gouvernement est passé maître dans le recours à ses prérogatives pour faire avancer les programmes et politiques décidés dans le dos du peuple par des intérêts privés étroits.
Le gouvernement Legault semble vouloir enterrer son engagement à offrir une alternative au mode de scrutin uninominal majoritaire à un tour, comme l’a fait le gouvernement de Justin Trudeau. Cela semble être de l’opportunisme crasse, François Legault étant convaincu que le système électoral non représentatif favorise son parti à l’heure actuelle. Mais aussi inacceptable que cela puisse être, la réalité est qu’aucune combinaison de gouvernement de parti ne sera représentative du peuple, qui a besoin d’un système qui lui donne le pouvoir de décider de ses affaires. Les élites dirigeantes ne veulent rien savoir de répondre à cette réalité.
Aujourd’hui, le rôle des gouvernements est simplement de dicter des mesures qui conviennent aux oligopoles. Ces oligopoles ont pris le contrôle des fonctions de l’État et des organisations de la société civile qui sont systématiquement remplacées par des agences privées. Les syndicats, les organisations de la société civile et l’électorat sont devenus gênants pour l’élite dirigeante qui veut un contrôle direct sur les salaires, les conditions de travail et les conditions de vie et qui traite les travailleurs comme des objets jetables.
En ce qui concerne le système de représentation, les groupes de réflexion et les experts font la promotion de systèmes dans lesquels les partis n’ont pas de membres et où d’autres prétextes sont créés pour justifier le vol du trésor public pour financer de coûteuses campagnes électorales menées par des agences de marketing. Ils proposent une combinaison de système de vote préférentiel bâti sur le modèle de campagnes de marketing dont l’objectif est d’amener les gens à préférer un produit à un autre. Leur système comprend le maintien de vastes banques de données emmagasinant les informations personnelles des électeurs pour les soumettre au microciblage.
Le système de vote préférentiel est basé sur l’établissement d’un ordre de préférence des électeurs pour les candidats, de 1 à 5. Les candidats qui reçoivent le moins de voix sont éliminés et leurs voix sont transférées aux candidats restants, jusqu’à ce qu’il n’en reste qu’un, qui est alors déclaré élu. Les gouvernements formés à l’aide de cette méthode de redistribution des votes sont censés refléter un consensus parmi l’électorat, c’est-à-dire le choix avec lequel tout le monde est disposé à s’accommoder.
Tout cela n’a rien à voir avec la représentation des citoyens et des résidents au sein du gouvernement.
À quoi s’attendre de la nouvelle session de l’Assemblée nationale du Québec
L’inauguration d’une nouvelle session de l’Assemblée nationale du Québec marque le début d’une année électorale. La prochaine élection provinciale est prévue pour le 3 octobre prochain en vertu de la Loi modifiant la Loi électorale afin de prévoir des élections à date fixe. La loi prévoit que le premier ministre maintient sa prérogative de déclencher les élections plus tôt s’il le désire, mais voilà que le gouvernement choisit d’utiliser la prorogation pour renforcer son avantage sur les autres partis du cartel. La prorogation est un moyen de mieux contrôler l’ordre du jour jusqu’à l’élection d’octobre.
Le premier ministre François Legault a annoncé qu’il rappellera le projet de loi 96, Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français. Le projet de loi 96 a été déposé le 13 mai 2021 à l’Assemblée nationale par Simon Jolin-Barette, le leader parlementaire du gouvernement. Ce dernier est également ministre responsable de la Langue française, ministre de la Justice, ministre responsable de la Laïcité et de la Réforme parlementaire et ministre responsable de la région de la Montérégie.
C’est un projet de diversion politique, d’étroitesse d’esprit et de déploiement de pouvoirs de police contre la population du Québec. En entrevue, le ministre Jolin-Barette a dit clairement qu’un des buts premiers du projet de loi est d’augmenter les plaintes, les dénonciations et les poursuites judiciaires pour un échec, par exemple, à se faire servir en français dans un commerce. À cela correspondent les pouvoirs de police accrus conférés à l’État en ce qui concerne l’entrée dans les établissements, la fouille de tout ordinateur, tout matériel, tout équipement pour y examiner les données et imposer des amendes en cas d’infraction à la loi.
Ce projet de loi n’a rien à voir avec la résolution d’un quelconque problème, il n’encouragera pas les gens à apprendre le français et n’entraînera pas l’amélioration de la qualité de la langue. Il n’est pas représentatif de la solidarité sociale qui motive les Québécois et qui ne peut s’exprimer que dans la défense des droits de toutes et tous et dans l’édification d’une nation moderne qui affirme le droit du peuple d’être le décideur de toutes les questions qui le concernent, y compris sur les droits linguistiques.
De telles choses ne sont pas nouvelles mais elles sont néanmoins inacceptables. Elles n’ont rien à voir avec la question de la langue ou avec la manière de défendre et de développer une langue. Ce projet de loi, comme tous les autres présentés par le gouvernement de la CAQ, est une manifestation évidente de la tendance néolibérale et antisociale à répondre à tous les problèmes en augmentant le recours aux prérogatives.
La criminalisation des problèmes et le recours à la force sont les compagnons de l’offensive antisociale de privatisation et de destruction des arrangements et des organisations de la société civile. C’est ce que le gouvernement Legault a fait sur toutes les questions liées à l’infrastructure, au système de santé, à l’éducation et aux ressources, où des intérêts privés étroits exigent des arrangements qui les servent.
Le gouvernement Legault est déjà engagé dans une très mauvaise voie avec son plan de contrôler les immigrants en recourant aux pouvoirs de l’État, au nom de l’intégration au marché du travail néolibéral. Et maintenant s’ajoute à cela une réforme de la santé qui modifierait de nombreuses lois. Le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, a annoncé que le projet de loi sera déposé à l’automne et qu’il souhaite le faire adopter d’ici un an.
L’objectif de la nouvelle loi, selon le ministre, est d’augmenter l’efficacité du système de santé. Dans le jargon gouvernemental, cela veut dire la privatisation. Par un mépris flagrant pour l’expérience vécue par les Québécois pendant la pandémie, il a parlé de la performance du système de santé pendant la pandémie comme un exemple d’« efficacité retrouvée » dans le système de santé. Une affirmation étonnante compte tenu de la crise du système de santé et du fait que des services entiers, considérés comme urgents, doivent fermer en pleine pandémie en raison d’un manque de personnel et que même des chirurgies urgentes sont reportées de plusieurs mois, avec toutes les souffrances qu’il en coûte aux personnes qui doivent attendre encore et encore.
Un système dans lequel les ministres peuvent parler d’une manière aussi désinvolte est un système en grande difficulté. La promulgation de nouvelles lois qui renforcent le contrôle de la population sous des prétextes inventés n’est pas une bonne chose pour la société.
En plus d’être source de divisions, la loi sur la langue introduit de nouveaux pouvoirs de police pour criminaliser ceux qui ne la respectent pas. Entre-temps, au nom de la reprise économique, les Québécois peuvent s’attendre à d’autres stratagèmes pour payer les riches, y compris une privatisation accrue des services de santé grâce à la nouvelle loi sur la santé, et l’intégration de l’économie québécoise à la machine de guerre impérialiste américaine.
Ce sont des temps dangereux qui exigent que le peuple ait sa voix. Les Québécois devront intensifier leur lutte pour les conditions de vie et de travail dont eux et leur société ont besoin en ce moment.
L’avenir sera garanti par la lutte pour les droits de toutes et tous.
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