Numéro 4413 octobre 2021
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Vigiles et marches des Soeurs par l’esprit
Pour honorer la mémoire des femmes et des filles autochtones disparues et assassinées
Chaque année depuis 2006, des vigiles ont lieu partout au Canada le 4 octobre pour honorer la mémoire des plus de 4 000 femmes et filles autochtones disparues et assassinées et pour réclamer justice et des mesures pour mettre fin à cette violence. Cette année, l’Association des femmes autochtones du Canada a organisé sa vigile nationale en ligne, tandis que des marches et des vigiles locales ont eu lieu dans plusieurs villes.
Les disparitions et les décès de femmes et de filles autochtones s’inscrivent dans le traitement raciste et colonial des peuples autochtones par un système qui les considère comme un tracas et qui ne tient personne responsable de la condition qui leur est faite. Ce n’est pas une « très grande priorité », disait l’ancien premier ministre Steven Harper, et les actions du gouvernement actuel sont également fondées sur des considérations coloniales. La police et les autorités ferment souvent les yeux sur les cas de femmes et de filles autochtones disparues ou assassinées, ayant déjà décidé qu’il s’agit de suicides ou de fugues par des femmes qui « ne veulent pas être retrouvées », sans jamais se pencher sur les conditions que vivent les autochtones dans les réserves ou dans les centres urbains.
Le traumatisme est énorme et continuel. Il a été exprimé avec éloquence par Bethany Stewart, une survivante de la « rafle du millénaire », opération durant laquelle un nombre catastrophique de jeunes autochtones ont été retirés de leurs familles et de leurs communautés et placés dans des foyers d’accueil, où la perte d’identité est une conséquence assurée. Bethany a parlé de son expérience lors d’une vigile des familles des Soeurs par l’esprit au parc Vincent-Massey, sur le territoire algonquin d’Ottawa. Elle a été séparée de sa famille et de sa culture cries lorsqu’elle a été placée dans un foyer d’accueil. Elle a finalement réussi à renouer avec sa famille à l’âge de douze ans dans des circonstances tragiques : le procès du meurtrier de sa mère, qui s’est tenu à Ottawa en 2010.
La douleur d’avoir perdu sa mère a été alourdie par l’insensibilité des médias qui dépeignent les femmes autochtones en usant de stéréotypes racistes et les déshonorent. Sa famille a été contrainte de fréquenter le pensionnat indien de Sainte-Anne, à Fort Albany, dans le nord de l’Ontario, notoire pour les agressions sexuelles et la violence faite aux enfants. Bethany a dit que si sa mère n’avait pas subi un tel traumatisme, si ses enfants ne lui avaient pas été enlevés, la vie aurait été différente et sa mère serait encore en vie aujourd’hui.
Un feu sacré et trois bougies ont été allumés au parc Vincent-Massey pour rendre hommage aux femmes, aux filles et aux personnes bispirituelles disparues ou assassinées, aux survivants des pensionnats, à leurs familles et à leurs enfants, ainsi qu’aux survivants des rafles du millénaire.
Des cérémonies en l’honneur des femmes, des filles et des personnes bispirituelles autochtones disparues ou assassinées ont eu lieu d’un océan à l’autre. L’héritage des pensionnats et de la continuation pour les survivants et leurs enfants ont été profondément ressentis. Le refus des autorités gouvernementales de rendre des comptes et d’assumer la responsabilité des crimes commis a été fermement condamné. Aujourd’hui encore, chaque jour, une femme, une fille ou un garçon autochtone disparaît ou est tué. Le système qui est constitué pour perpétuer cet état de fait doit être remplacé par un système qui affirme les droits de toutes et tous et qui rend des comptes, qui fait respecter les droits ancestraux et qui établit de véritables relations de nation à nation.
Les photos ci-dessous ont été prises lors des vigiles qui ont eu lieu à Ottawa, Hamilton, Windsor, Calgary, Lethbridge et Vancouver à l’occasion de la Journée des soeurs par l’esprit.
Ottawa
Hamilton
Windsor
Calgary
Lethbridge
Vancouver
(Photos : LR, BWSS, Alpha House, PBI, Awo Taan Healing Lodge Society D. Day.)
Le pensionnat Sainte-Anne
Géré par l’Église catholique,
financé par le gouvernement fédéral
Le pensionnat Sainte-Anne, situé près de Fort Albany dans le nord de l’Ontario, a été ouvert de 1902 à 1976. Il était géré par les Oblats de Marie Immaculée, un ordre catholique, et financé par le gouvernement fédéral. Ce sont les enfants cris des Premières Nations de Fort Albany et les enfants autochtones des environs qui se sont retrouvés à Sainte-Anne durant cette période. La soi-disant école a laissé un legs de violence émotive, physique, sexuelle, mentale et spirituelle pour les survivants, leurs familles et leurs enfants.
Au début des années 1990, réagissant au récit de souvenirs d’un groupe de survivants du pensionnat, la Police provinciale de l’Ontario (PPO) a entrepris une enquête sur le pensionnat Sainte-Anne. L’enquête, qui a pris fin en 1996 et qui a donné une collection volumineuse de preuves documentaires, a mis en lumière la nature omniprésente et systématique des expériences vécues par les élèves du pensionnat. Sept anciens membres du personnel du pensionnat ont éventuellement été accusés d’actes criminels.
En 2000, plus de 150 anciens élèves ont engagé une procédure civile en rapport avec la maltraitance au pensionnat Sainte-Anne. Six ans plus tard, avant qu’aucune des réclamations des anciens du pensionnat ne puisse être réglée, le Canada et une multitude d’autres parties ont négocié la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens. Signée le 8 mai 2006, la Convention a été approuvée par différents tribunaux canadiens entre décembre 2006 et janvier 2007.
La Convention de règlement relative aux pensionnats indiens a fixé un cadre pour la résolution de « toutes les réclamations liées à un pensionnat indien ou à la gestion d’un pensionnat indien par les participants au recours collectif », y compris les personnes qui avaient fréquenté Sainte-Anne et dont les réclamations civiles antérieures n’ont jamais fait l’objet d’un procès.
Le procès pour une des composantes de la Convention, le Processus d’évaluation indépendant pour toute demande liée à des abus sexuels ou physiques graves, a débuté en 2007. Même s’il existait une grande quantité de preuves dévoilées par l’enquête de la PPO, le Canada n’a pas divulgué le contenu des documents de cette enquête, ni même leur existence, aux individus présentant des réclamations dans le processus d’évaluation. Par conséquent, les survivants de Sainte-Anne ont dû tout reconstituer les abus dont ils ont souffert. Pour certains, sans ces documents il était difficile, voire impossible, de prouver qu’il y avait eu abus.
En fait, le Canada avait obtenu les documents de la PPO en 2003 lorsqu’il s’était défendu contre les premières réclamations déposées par les survivants de Sainte-Anne, mais ne l’a avoué qu’en juin 2013, suite à de nombreuses requêtes des avocats des demandeurs. Les documents avaient été entreposés dans les bureaux du ministère de la Justice à Toronto pendant tout ce temps.
À la fin, la Cour a ordonné au Canada de divulguer les documents de la PPO qu’il avait en sa possession, y compris les transcriptions notant des incidents d’abus. En dépit de l’ordre de la cour, le Canada n’a pas cessé d’entraver tout accès réel aux dits documents.
En 2015, les demandeurs ont entrepris une deuxième démarche juridique au sujet des documents de la PPO en faisant valoir que le Canada n’avait pas adéquatement mis à jour les rapports des faits et des auteurs allégués liés à Sainte-Anne, avait grandement caviardé les documents qu’il avait fournis et, de façon générale, n’avait pas rendu publics les documents de sorte à ce qu’ils soient utiles aux demandeurs et aux arbitres du Processus d’évaluation indépendant.
Un avocat ayant participé à ces procédures a exprimé l’acharnement du gouvernement contre les demandeurs comme suit : « Le Canada a toujours recours à l’interprétation la plus complexe, la plus alambiquée qui, mystérieusement, finit toujours par laisser les victimes d’abus physiques et sexuels sans recours. »
Pour consulter le texte intégral, cliquer ici.
30e marche annuelle « La rue, la nuit, les femmes
sans peur » à Prince George
Des appels à mettre fin à toutes formes de violence
contre les femmes et les enfants
La 30e marche annuelle « La rue, la nuit, les femmes sans peur » s’est tenue à Prince George le 23 septembre pour honorer la mémoire des femmes qui n’ont pas survécu à la violence, pour célébrer celles qui y ont survécu et pour exiger la fin à toutes les formes de violence à l’égard des femmes et des enfants.
Rassemblées à l’esplanade des Jeux du Canada, les participantes ont été accueillies chaleureusement par Edith Frederick, aînée des Lheidli T’enneh, et par Dawn Hemingway, professeure à l’Université du Nord de la Colombie-Britannique (UNBC) et membre du comité organisateur de « La rue, la nuit, les femmes sans peur », qui a souligné l’importance de travailler ensemble, d’élever nos voix collectives et de se donner le pouvoir de créer le changement que nous recherchons – créer une communauté et une société sans violence. Si Transken, poète et professeure à l’UNBC, a ensuite partagé un poème engageant écrit spécialement pour l’occasion, suivi de remarques du maire de Prince George, Lyn Hall.
Une prestation impressionnante des batteuses Khast’an a été le coup d ‘envoi de la marche dans les rues de Prince George, qui comprenait un arrêt au palais de justice pour une minute de silence. Les organisatrices ont dit que « les femmes devraient pouvoir se promener dans les rues de la ville en toute sécurité – et non accompagnées – ce que nous avons justement l’intention de faire. » Des slogans ont résonné dans les rues qui exprimaient ce sentiment : « Femmes unies – Reprenez la nuit ! », « Les femmes unies ne seront jamais vaincues ! », « Où que nous allions, quelle que soit notre tenue vestimentaire » et « Non veut dire non et oui veut dire oui ! ». De nombreux résidents et organisations locales ont partagé ce sentiment et se sont réunis pour parrainer et organiser cet événement réussi.
(Photos : LR)
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