Numéro 3629 septembre 2021
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Les Six Nations rejettent l’ingérence électorale dans leurs affaires
La manipulation du Canada en ce qui concerne les affaires autochtones
Dans Le Renouveau d’aujourd’hui, nous informons nos lecteurs de la prise de position très significative du Conseil des chefs de la Confédération des Haudenosaunee et des mères de clan qui exigent le retrait d’un bureau de vote électoral du territoire des Six Nations. Le Parti marxiste-léniniste du Canada soutient pleinement cette action. Lorsqu’il s’agit des Autochtones, ce qu’on appelle l’émancipation, c’est-à-dire le fait d’en faire des citoyens canadiens, est un exemple horrible des tentatives du Canada de nier leurs droits ancestraux et de les soumettre au génocide. Cela va au coeur de la revendication de justice pour les enfants perdus et les femmes et les filles disparues et de réparations pour les crimes commis contre les peuples autochtones dans le passé et qui continuent d’être commis dans le présent.
Ce dont parlent les Haudenosaunee est directement lié à l’expérience de l’enlèvement d’enfants et de leur emprisonnement dans des pensionnats pour assimiler les peuples autochtones au soi-disant mode de vie européen, aux violations des droits humains et aux tentatives de génocide qui en découlent et que nous déplorons aujourd’hui. En outre, les Six Nations de la rivière Grand ont servi de « terrain d’essai » pour l’imposition d’institutions coloniales censées être élues et démocratiques — les conseils de bande — que les gouvernements fédéraux créent et abolissent à leur guise, selon qu’ils se soumettent ou non à ce que la Couronne détermine être bon pour eux.
Le droit d’être est au coeur de la lutte des Haudenosaunee pour la défense des droits ancestraux. Il est au coeur de la lutte des peuples du monde entier à l’heure actuelle contre la domination par ceux qui ont usurpé le pouvoir par la force et l’utilisent pour avancer des intérêts privés très étroits.
Nous sommes une seule humanité qui mène une seule lutte pour la défense des droits de toutes et tous. Tous ensemble à la défense des droits ancestraux des peuples autochtones, inuits et métis !
Le retrait des bureaux de vote du territoire Haudenosaunee est un des nombreux enjeux importants
Lors de l’élection générale, le Conseil des chefs de la Confédération Haudenosaunee et les mères de clan ont défendu fermement leur souveraineté et leur territoire en insistant pour que le gouvernement du Canada retire son bureau de vote du territoire des Six Nations. Le 15 septembre, cinq jours avant l’élection, ils ont publié une déclaration avisant « les personnes concernées » de « retirer immédiatement les bureaux de vote et le matériel électoral du territoire », car il s’agit d’une violation du traité du Wampum à deux rangs, qui remonte à 400 ans et qui engage les Haudenosaunee et la Couronne à ne jamais s’ingérer dans la gouvernance et les lois et façons de faire de l’autre partie.
Le jour de l’élection, lorsque le gouvernement canadien a voulu garder les bureaux de vote ouverts, plus de 30 personnes de la communauté sont venues pour protester et bloquer pacifiquement toutes les entrées du bureau de vote. La police a été appelée mais les bureaux de vote ont finalement été déplacés hors du territoire des Six Nations.
Le Renouveau s’est entretenu avec Skyler Williams, porte-parole des Défenseurs de la terre au 1492 Land Back Lane, sur l’importance d’insister pour que les bureaux de vote soient retirés du territoire des Six Nations.
Skyler a expliqué que le retrait des bureaux de vote n’est qu’un des nombreux enjeux importants dans cette affaire.
« Ces choses nous sont imposées, a-t-il dit, et c’est allé trop loin. » Lorsqu’il est question de Land Back Lane, ou les années qui ont suivi Kanesatake, beaucoup d’entre nous ont dû faire les frais de l’inaction politique tant au niveau fédéral que provincial. Tant de nos gens ont été traînés devant les tribunaux et mis derrière des barreaux, moi y compris. J’ai passé beaucoup de temps derrière les barreaux dans ma vie, simplement pour avoir défendu nos droits. Alors, qu’ils poussent notre communauté à nous donner une ‘opportunité’ de participer à un système qui ne fait rien d’autre que de perpétuer le génocide contre les Indiens, c’est totalement scandaleux. »
Selon Skyler, « il n’y a pas eu de consultation avec notre communauté » alors les bureaux de vote pour l’élection canadienne doivent quitter le territoire des Six Nations. « On ne nous a pas demandé si nous voulions que ce genre de système soit autorisé au sein de notre communauté. »
Turtle Island News rapporte qu’environ 450 membres de la communauté ont voté lors de l’élection fédérale canadienne. Le territoire des Six Nations compte une population de 27 000 personnes.
(Photo : Confédération des Haudenosaunee)
Déclaration à propos des bureaux de vote sur
le territoire Haudenosaunee
Les entrées du bureau de vote sur le territoire des Six Nations sont bloquées par des membres de la Confédération Haudenosaunee et des copies de la déclaration du Conseil des chefs de la Confédération Haudenosaunee expliquant la raison sont remises à la police et aux travailleurs d’Élections Canada, le 20 septembre 2021.
La Confédération Haudenosaunee — pays de Grand River, Ohsweken, Ontario,
a publié la déclaration suivante le 15 septembre, demandant au gouvernement
fédéral du Canada de retirer ses bureaux de vote et son matériel électoral des territoires des Six Nations.
Sgeno Swagwe.hoh,
Salutations au nom des chefs et des mères de clan de la Confédération Haudenosaunee. Il a été porté à notre attention que le gouvernement canadien a placé des bureaux de vote sur le territoire Haudenosaunee.
Le Conseil de la Confédération a découragé et continuera toujours de décourager les Onkwehonwe de participer aux élections des dirigeants d’autres gouvernements. Il s’agit d’une violation des traités et des engagements pris par nos ancêtres entre les Onkwehonweh et les immigrants qui sont arrivés au cours des 400 dernières années. Nous avons convenu, en vertu du traité du Wampum à deux rangs, de ne jamais s’ingérer dans la gouvernance, les lois et les façons de faire de l’un l’autre. Nous sommes également liés par le traité de la Chaîne d’alliance d’argent, qui est un traité de paix, d’amitié et de respect mutuel. Nous nous sommes engagés à nous entraider en cas de besoin. Le Canada a l’obligation, en vertu de ce traité, de respecter notre statut de nation, car nous n’avons jamais renoncé à notre souveraineté et nous considérons les actions de toutes les personnes qui ont à voir avec les élections canadiennes comme une violation des droits et responsabilités du traité que nous sommes tous tenus de respecter.
Nous demandons instamment aux personnes concernées de retirer immédiatement les bureaux de vote et le matériel électoral du territoire. Il s’agit d’une violation non seulement des droits issus de traités mais aussi de notre droit humain d’exister en tant que peuple distinct. « Nous voulons rappeler à nos citoyens nos enseignements au sein du Cercle Wampum et nous rappeler de rester dans notre cercle où se pratiquent encore nos lois, nos droits, nos cérémonies, notre langue et notre identité. »
Dans la paix et l’amitié,
La Confédération Haudenosaunee
(Photo : Confédération des Haudenosaunee. Traduit de l’anglais par LR.)
Bref rappel de la « politique indienne » du Canada
À l’époque de la conquête et jusqu’au XIXe siècle, ce qu’on appelle la « politique indienne » avait une orientation diplomatique et militaire. Les conquérants, tant anglais que français, ont reconnu les nations des peuples autochtones. On sait, entre autres, qu’ils ont recherché et formé des alliances avec différentes nations sur une base souveraine et indépendante. Ils ont également conclu le traité du Wampum à deux rangs qui établissait des relations de nation à nation. Leur politique militaire et diplomatique envers ces nations les obligeait à s’allier avec elles à des fins de défense et pour avancer le commerce des fourrures, l’exploration, etc. En 1763, alors que le problème de la colonisation commençait à se poser, la Couronne a assuré par Proclamation royale que les « Indiens » ne seront pas dérangés dans leurs territoires au-delà des colonies établies. Les « territoires indiens » ne pouvaient être cédés qu’à la Couronne et uniquement par une « Assemblée générale des Indiens ».
Ce principe constitue la base du système des traité qui est l’instrument expansionniste de la « politique indienne » et de nombreux traités controversés ont été signés. La Couronne, qui est chef du Canada, interprète ces traités d’une manière très intéressée, une interprétation qui tolère le vol, criminalise toute opposition, justifie le recours à la force contre les défenseurs des terres et tourne en dérision le sens du mot consultation et la conception de relations de nation à nation que le Canada a le devoir de faire respecter. Aujourd’hui encore, il existe de nombreuses régions au Canada où aucun traité n’a été conclu, notamment Terre-Neuve-et-Labrador, le Québec, le Haut-Arctique, la majeure partie des Territoires du Nord-Ouest, le Yukon, la majeure partie de la Colombie-Britannique et certaines parties des provinces maritimes.
Au moment de la Confédération, en 1867, la Constitution du Canada attribuait au Parlement la compétence législative sur « les Indiens et les terres réservées aux Indiens ». Un ministère distinct s’occupait des « droits civils et des Indiens inscrits » et un autre des « terres des réserves ». La première loi fédérale en cette matière a été adoptée en 1868 et elle s’inspirait en grande partie de lois antérieures de la Province du Canada. En 1869, une autre loi a été adoptée qui consacrait la politique d’assimilation et jetait les bases du traitement génocidaire des peuples autochtones pour toute la période qui allait suivre jusqu’à aujourd’hui. La loi de 1869 considérait le « statut d’Indien » comme un simple statut transitoire, jusqu’à ce que les « Indiens » soient assimilés au « mode de vie européen ». À cette fin, des mesures ont été prises pour leur faire adopter les méthodes agricoles européennes et pour enlever et emprisonner les enfants dans des écoles de missionnaires, loin de leurs familles et de leurs tribus, afin qu’ils perdent leur langue, leur culture, leur spiritualité et leurs traditions. La loi prévoit l’« émancipation », c’est-à-dire que tout autochtone qui demande la citoyenneté canadienne perd son « statut d’Indien ». Cette politique d’émancipation a conduit plus de 20 000 personnes d’origine autochtone à « perdre » leur identité indienne entre 1876 et 1974. La première loi dite Loi sur les Indiens a été adoptée en 1876. Elle remplaçait l’autorité militaire sur les « Indiens » par un « ministère civil des Affaires indiennes ». La définition juridique raciste de « statut d’Indien » conféré aux individus selon la jurisprudence européenne est devenue la politique en vigueur pour le traitement des nations autochtones.
Jusqu’à la révision de la Loi sur les Indiens de 1876 en 1951, la « politique indienne » était élaborée par le gouvernement fédéral sans consulter les « Indiens ». Au milieu du XXe siècle, en raison de l’échec total de la politique d’assimilation qui visait à éliminer les peuples autochtones qui continuaient de défendre leurs droits ancestraux, et en raison de l’état de misère auquel ils ont été réduits, le gouvernement a été contraint, en 1968-1969, de tenir une série de consultations.
Cela a conduit à ce qu’on a appelé la troisième phase de la politique indienne, avec la publication, en juin 1969, du Livre blanc qui ne retenait aucune des priorités énoncées par les peuples autochtones. Le gouvernement proposait tout simplement de se débarrasser du problème en mettant fin au « statut d’Indien » et en abrogeant la Loi sur les Indiens. L’opposition des peuples autochtones et de l’opinion publique à cette tentative du gouvernement de se laver les mains de toutes ses obligations fiduciaires à la suite du vol des territoires autochtones et de sa responsabilité sociale pour les crimes commis contre les peuples autochtones a été si forte que le gouvernement a dû battre en retraite. Néanmoins, il n’a pas modifié la loi et tout ce qu’il a fait par la suite et continue de faire est une poursuite des tentatives de préserver la relation coloniale raciste afin d’atteindre les mêmes objectifs par d’autres moyens.
Dans l’actualité
Nouvel assaut sanctionné par l’État contre
les droits ancestraux des Wet’suwet’en
Barrage érigé par les Wet’suwet’en pour
empêcher le forage de gazoducs côtiers sous des eaux d’amont sacrées
–Brigade de solidarité Unist’ot’en, 27 septembre 2021–
Le matin du 25 septembre 2021, la route d’accès au site de forage de Coastal GasLink (CGL) à la rivière Wedzin Kwa a été détruite. Des barrages ont été mis en place et des sites ont été occupés afin d’empêcher le forage sous les sources sacrées qui nourrissent les Wet’suwet’en Yintah et tous ceux qui vivent dans son bassin versant. Cas Yikh et ses partisans ont pris le contrôle de la zone et refusent de laisser la destruction se poursuivre.
Il y a quelques jours, CGL a détruit le site de notre ancien village, Ts’elkay Kwe. Lorsque Sleydo’, porte-parole du poste de contrôle de Gidimt’en, a tenté de surveiller l’équipe archéologique de CGL et de contester la destruction du patrimoine culturel Wet’suwet’en, elle a été agressivement intimidée par les agents de sécurité de CGL. Les tensions n’ont cessé de monter à Yintah où CGL poursuit un calendrier de construction imprudent et destructeur avec le soutien de services de sécurité privés et de la GRC.
CGL est maintenant prête à commencer à forer sous notre source sacrée, Wedzin Kwa. Nous savons que cela sera catastrophique, non seulement pour les Wet’suwet’en, mais aussi pour tous les êtres vivants qui dépendent de Wedzin Kwa, et pour les communautés vivant en aval. Wedzin Kwa est une frayère pour le saumon et une source essentielle d’eau potable vierge.
« Notre mode de vie est en danger. Wedzin Kwa est la rivière qui alimente tout le territoire Wet’suwet’en et qui donne vie à notre nation », dit Sleydo’, porte-parole du poste de contrôle Gidimte’en
Alors que CGL poursuit ses intrusions, nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour protéger nos eaux et faire respecter nos lois. Le poste de contrôle Gidimt’en a lancé un appel au soutien, demandant aux gens de se rendre sur le territoire de Cas Yikh pour se tenir avec eux.
Soutien sur le terrain sur yintahaccess.com/come-to-camp
(Traduit de l’anglais par LR)
Vidéos
Victoire à Fairy Creek
Un juge de la Colombie-Britannique
refuse de prolonger l’injonction contre les protecteurs de Fairy Creek
Le 28 septembre, le juge Douglas Thompson de la Cour suprême de la Colombie-Britannique a rejeté la demande de Teal Cedar Products Ltd. de prolonger d’un an une injonction qui devait prendre fin le 5 octobre et qui empêche les défenseurs de la terre de bloquer les activités forestières dans la région de Fairy Creek. L’injonction a été accordée en avril, alors que les défenseurs de la terre empêchent depuis plus d’un an l’entreprise d’exploiter la forêt ancienne de Fairy Creek.
Dans sa décision, le juge Thompson a indiqué que les actions violentes des agents de la GRC ont mis en péril la réputation des tribunaux. Il a dit que d’une part le fait de permettre l’expiration de l’injonction pourrait causer un préjudice grave aux intérêts de l’entreprise et à l’état de droit.
« D’autre part, les méthodes pour faire respecter l’ordonnance du tribunal ont conduit à une atteinte grave et substantielle aux libertés civiles, y compris une atteinte marquée à la liberté de la presse », a-t-il déclaré, selon un reportage de la CBC.
Les défenseurs de la terre ont juré de continuer à défendre la forêt ancienne et la terre mère. Pour en savoir plus sur les actions de Fairy Creek, voir Le Renouveau : Dénonçons les attaques de la GRC contre les défenseurs de la terre et Ce qu’il faut savoir de la confrontation à Fairy Creek, en Colombie-Britannique.
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