Nous défendons la santé et la sécurité de tout le monde
– Evans Dupuis, directeur de l’Union des opérateurs grutiers– (local 791G de la FTQ-Construction) –
Le Renouveau : Quels sont les plus récents développements dans la lutte des grutiers pour la sécurité des travailleurs et du public ?
Evans Dupuis : Nous avons dénoncé la position du ministre du Travail parce qu’il a décidé de mettre en oeuvre les recommandations du comité d’experts indépendants. [1] Nous avons dénoncé ces recommandations comme étant inacceptables du point de vue de la santé et de la sécurité. Nous avons interpellé le gouvernement pour qu’il intervienne pour que le ministre du Travail revienne sur sa décision mais le gouvernement n’a pas bougé. Nous avons également interpellé le ministre de l’Éducation pour qu’il intervienne dans le dossier. On n’a pas de eu de réponse de lui, il fait juste refiler le dossier au ministre du Travail.
Le milieu dans son ensemble, les grutiers, les affiliés de la FTQ-Construction, le syndicat des professeurs qui représente les enseignants en conduite de grues, l’Association des propriétaires de grues, nous avons tous dénoncé la position du ministre du Travail. En ce qui concerne le ministre de l’Éducation, nous avons publié un extrait des commentaires qu’il a faits, quand il était dans l’opposition, contre l’affaiblissement de la formation des grutiers par le Parti libéral au pouvoir à ce moment-là. Maintenant qu’il est lui-même au pouvoir avec le gouvernement de la Coalition Avenir Québec de François Legault, il joue le même jeu que le Parti libéral de l’époque.
Le ministre du Travail entérine les recommandations du comité d’experts indépendant. Le comité recommande une formation initiale de trois semaines dans une maison d’éducation, il conserve la formation en entreprise pendant la période d’apprentissage et exige des cours de perfectionnement pendant la période d’apprentissage.
Ce que nous disons c’est que les recommandations ne respectent pas l’analyse que fait le comité indépendant. Dans son analyse, le comité dit que la meilleure formation pour les grutiers, celle qui respecte les normes de sécurité, c’est le Diplôme d’études professionnelles de 870 heures. Si on dit que la meilleure formation c’est le DEP, on ne peut pas recommander trois semaines de formation. Ça ne tient pas la route. Comment peut-on comparer la formation professionnelle de 870 heures avec une formation professionnelle initiale de 3 semaines ? Selon nous, la formation initiale, c’est le DEP de 870 heures. En plus, comment peut-on maintenir la formation des opérateurs de camions-flèches avec seulement 80 heures de formation au lieu du DEP ?
Nous demandons que la formation professionnelle de 870 heures soit rétablie. En plus, nous sommes d’accord avec une reconnaissance d’acquis et de compétences des travailleurs qui proviennent d’une autre industrie, dans le cadre du DEP. Cela veut dire, comme c’est prévu par le ministère, que compte tenu de leurs acquis et compétences, ils n’ont peut-être pas besoin de suivre tout le programme de 870 heures mais cela se fait quand même à l’intérieur du DEP obligatoire.
Le ministre a maintenant donné le mandat à la Commission de la construction du Québec de mettre en place les recommandations du comité même si la question de la sécurité n’est absolument pas réglée.
Le milieu dénonce ces changements, même le comité d’experts a admis que le milieu s’y oppose, mais le ministre ne tient pas compte de l’opinion de ceux qui sont au coeur du secteur. Le ministre écoute le lobbyisme patronal et le lobbyisme de la CCQ. C’est la même chose que les libéraux ont fait. Comment est-ce qu’on peut refuser d’écouter la majorité ?
La santé et la sécurité des travailleurs et du public est au coeur du problème. Cela a été le cas depuis le début. Les grutiers ont besoin de savoir que leurs collègues ont reçu une formation adéquate pour faire leur métier.
Notes
1. En avril 2018, le gouvernement du Québec a décrété de façon unilatérale une nouvelle réglementation qui gouverne la formation des grutiers du Québec. Cette décision a renversé les normes et la formation établies que les nouveaux grutiers doivent suivre pour garantir leur sécurité et celle des autres travailleurs de la construction et du public. Cette nouvelle réglementation a aboli le caractère obligatoire du Diplôme d’études professionnelles (DEP) de 870 heures de formation en institution professionnelle pour devenir grutier. Le DEP est maintenant facultatif. Une nouvelle formation de 150 heures fournie directement sur les chantiers et sous la responsabilité des entreprises a été introduite. Le gouvernement a aussi remplacé le diplôme par un cours de 80 heures pour les camions-flèches d’une capacité maximale de 30 tonnes. C’est pourtant ce type de grues qui basculent le plus et qui causent le plus de dommages.
Les grutiers et leur syndicat ont mené et mènent une lutte acharnée contre cette attaque à la sécurité des travailleurs de la construction et du public. C’est dans ce contexte que le gouvernement a établi le Comité d’experts indépendants en septembre 2018, avec comme mandat d’évaluer l’aspect sécuritaire de la nouvelle réglementation. Dans son rapport émis en mars 2019, le comité dit que le DEP demeure la norme de référence pour la formation des grutiers mais il accepte qu’il devienne facultatif, propose comme alternative une période de trois semaines de formation initiale et propose le maintien de la formation en entreprise.