L’état de la démocratie
– Martin Bélanger, travailleur de la construction –
En tant que citoyen avant toute chose, je trouve que notre droit de vote est biaisé. On se présente pour voter mais on vote pour quoi. Des candidats qui nous sont imposés. On sait déjà que c‘est la grosse machine qui est en arrière, que ce sont les grandes multinationales qui tirent les ficelles.
Quand on parle de débat des chefs, on nous dit que c’est le débat pour savoir pour qui on va voter. Mais le débat des chefs est déjà tout organisé d’avance ; les questions sont préétablies et portent sur les sujets qu’on a méticuleusement choisis dans le but de faire mal paraître un opposant. Tout est organisé pour que les gens en place affrontent seulement les questions qui sont présentées dans l’optique d’amener des votes. Où sont les demandes du public, par exemple pourquoi les engagements électoraux ne sont-ils pas respectés ? Est-ce qu’on a vraiment parlé à ceux qui sont concernés, à ceux qui vont voter, de leurs préoccupations, de ce qu’ils veulent, de leurs craintes ou de leurs problèmes ? Ce ne sont pas des débats ouverts, publics. On dit qu’on s’occupe des préoccupations de ceux qui vont voter en faisant des sondages. Les chiffres, c’est connu, on peut leur faire dire ce qu’on veut. Tout cela permet de contrôler, de filtrer l’information.
Pourtant, c’est le peuple qui vote. C’est cela la démocratie en tant que tel. Je pense que la démocratie est de plus en plus une image qu’on nous donne plus qu’un vrai système qui nous permet de fonctionner.
Ce problème là, on le voit aussi dans l’industrie de la construction. On dit que la démocratie s’exprime par le 50 % plus un. Portant, le gouvernement du Québec a adopté une loi qui a éliminé la procédure établie du 50 % plus un des votes exprimés pour la ratification des conventions collectives. Maintenant, il faut que trois des cinq syndicats qui sont présents dans la construction votent en faveur de la ratification d’une convention collective pour que celle-ci soit adoptée.
On limite aussi beaucoup le droit des représentants syndicaux d’avoir accès aux travailleurs sur les chantiers. Le représentant n’a pas le droit de déranger les travailleurs pendant qu’ils travaillent sur le terrain. Il n’a pas le droit de faire une réunion, à partir du moment où vous êtes deux personnes, vous êtes considérés comme un groupe. Si on fait cela, on peut perdre le droit de représenter les travailleurs pendant cinq ans sous réserve de poursuites. On limite le droit des travailleurs de parler à leurs représentants syndicaux. On est obligé de se parler en dehors des heures de travail.
On observe un problème similaire en ce qui concerne la santé et la sécurité sur les chantiers. La santé/sécurité est primordiale sur les chantiers, mais comme il y a des coûts associés à cela, bien que c’est prouvé que chaque dollar investi dans la santé/sécurité permet d’en récupérer au moins 100, les entreprises y vont à reculons. De plus en plus, les employeurs se servent de la question de la santé et de la sécurité, pas pour faire de la prévention, mais pour contrôler les chantiers, pour faire de la répression. Fonctionner par la répression permet de mettre à pied des hommes et des femmes au nom de la santé/sécurité, au lieu de faire la prévention qui est nécessaire.
Les travailleurs de la construction ont mené beaucoup de batailles sur ces points-là. Nous nous sommes battus pour des raisons qui concernent non seulement le bien des travailleurs mais qui concernent la possibilité du système de fonctionner. Si on prend le cas des grutiers, nous avons donné des arguments, bien fondés, en faveur de la sécurité des grutiers et de la sécurité du public, contre la diminution des exigences pour la formation des grutiers qui crée des risques pour tout le monde.