Numéro 1824 septembre 2019
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Adieu l’ancien, place au nouveau
Porter la cause du renouveau démocratique
Dans cette élection, les travailleurs, les femmes et les jeunes dans de nombreuses villes et communautés, dans les collèges et universités, organisent des forums où les gens peuvent exprimer leurs propres préoccupations. Ils sont déterminés à ne pas être la proie de la politique d’exclusion des partis qui forment un système de partis de cartel.
Selon les cartels et les coalitions qui contrôlent le processus électoral, les partis cartellisés et les médias, les électeurs doivent être spectateurs de la campagne électorale. Les cartels et les coalitions décident des « enjeux », du format des « débats », des questions, des réponses, des « nouvelles » et de qui peut et ne peut pas participer et comment participer. Le processus est étroitement contrôlé et le peuple n’a aucun mot à dire. On fait semblant de faire participer les gens en recueillant des questions ou des commentaires ici et là, sélectionnés aléatoirement pour ensuite déclarer que les problèmes soulevés reflètent ce que les Canadiens pensent et ce qu’ils veulent.
Comme moyen pratique de s’opposer à cet état de chose, le PMLC encourage ses candidats à cette élection à participer à l’organisation de forums de discussion de toutes sortes où les gens peuvent informer leurs pairs et être informés des problèmes qui les concernent. Ces forums offrent des alternatives à l’exclusion qui caractérise le processus électoral. Ils donnent du pouvoir parce que les gens peuvent travailler ensemble pour déterminer comment les problèmes se posent et quelles positions les favorisent. Ils se rendent compte qu’ils ne sont pas obligés d’être isolés chacun de son côté et forcés de faire des choix que d’autres leur imposent.
Le Renouveau est un autre forum public que le PMLC met à la disposition des travailleurs, des femmes et des jeunes pour qu’ils puissent exprimer leurs préoccupations sans que celles-ci ne soient encadrées par ce que les cartels et les coalitions déclarent être « les enjeux ». C’est la seule plateforme politique au Canada qui soit offerte régulièrement dans les deux langues officielles. Bien qu’il s’agisse d’un bulletin publié par le PMLC et soit partisan de sa plateforme pour le renouveau démocratique, il n’est pas sectaire, ce que le mot partisan signifie de nos jours. C’est parce que le mot est maintenant associé aux politiques partisanes perverses qui ne sont pas partisanes de l’unité du peuple dans l’action pour donner à la société un objectif qui soit le sien et qui ouvre une voie au progrès.
Que tous et toutes profitent de cette élection pour parler en leur propre nom ! Retransmettez Le Renouveau à vos collègues, voisins et compagnons de lutte sur différents fronts. Envoyez au Renouveau vos rapports, photos, questions, réponses et commentaires. Faites une contribution financière pour que nous puissions aider les jeunes à poursuivre ce travail ! Faisons du renouveau démocratique un mode de vie ! Agissons maintenant. Prenons nous-mêmes nos affaires en mains.
Les travailleurs parlent de leurs préoccupations
Contre le recours aux lois spéciales pour criminaliser la lutte des travailleurs pour leurs revendications
– André Jacob, Syndicat des travailleurs et
travailleuses des postes, Région de Québec –
Je suis très préoccupé, en lien avec les gens qui travaillent pour les gouvernements, par les lois spéciales qui sont adoptées. Nous en avons eu une contre nous, les travailleurs des postes, en 2011, et une autre en 2018 l’automne dernier. Compte tenu que cela va devenir monnaie courante et que les droits des travailleurs vont être bafoués alors que notre employeur est le gouvernement, alors comment fait-on pour négocier ?
Avec les lois spéciales, on enlève au travailleur le droit de négocier pour améliorer ses conditions de travail. Le but des travailleurs quand ils se syndiquent c’est d’améliorer leurs conditions de travail. Se faire bafouer quand c’est le temps de négocier, cela encourage l’idée que se syndiquer ne donne rien, qu’on va endurer la situation jusqu’au moment où on en a assez et alors on va changer d’emploi. Pourtant les emplois syndiqués sont de bons emplois. Il faut se battre pour les garder.
Par rapport à la société dans son ensemble, les lois spéciales servent le dénigrement des syndicats, c’est du « union bashing », comme on dit, comme si les syndicats ont mérité de se faire bafouer comme ça. Cela sert à réduire le taux de syndicalisation, pour niveler les conditions vers le bas.
On sait que Travail Canada a émis plusieurs avis de non-conformité à Postes Canada, relatifs à ce que les comités locaux mixtes (comités paritaires de santé et sécurité – Note de LR) ont observé en ce qui concerne l’état des bâtiments, ou les méthodes de travail. Travail Canada s’est rendu compte que ces problèmes-là sont restés des mois au sein des comités sans être réglés.
Avec la loi spéciale, toutes les revendications en santé et sécurité sont remises à l’arbitre nommé en vertu de la loi spéciale. Cela enlève l’initiative des mains des travailleurs. En plus, cela désengage les gens qui sont déjà laissés pour compte sur les comités locaux mixtes. On a des revendications en santé et sécurité quand on veut renouveler les conventions collectives et on a des clauses dans notre convention collective qui touchent à la santé et à la sécurité. Avec la loi spéciale, on s’est fait couper l’herbe sous le pied, alors on fait comment, on passe par où pour que ces revendications soient abordées et satisfaites ? Ce sont les travailleurs qui ont observé ces situations, qui ont travaillé ce dossier, et maintenant on remet cela dans les mains d’une tierce personne, qui va prendre sa décision sur la base de qui va réussir à l’influencer. Parce que la justice est faite comme cela. On doit amener le juge à prendre notre angle, notre ligne de pensée, à adopter notre preuve plutôt que celle de l’autre. Ce n’est même plus une question de vérité.
Lors de notre dernière négociation, on a pris la peine de demander une conciliation dès le départ pour éviter de se retrouver dans cette situation et pourtant c’est bien ce qui est arrivé.
Quand je rencontre les gens du Parti libéral du Canada, je leur demande pourquoi vous avez voté pour la loi spéciale. Il y a des gens du Parti libéral qui m’ont dit qu’ils n’avaient pas toutes les informations, qu’ils ont fait ce qu’ils pouvaient avec le temps qu’ils avaient pour chercher de l’information. Il y a un député qui m’a dit qu’il vote en chambre avec les informations qu’il a, qu’il les prend dans les journaux et sur l’Internet. On s’entend que ce ne sont pas tous les journalistes qui font un travail de fond sur les sujets, qui font leur propre recherche sur le sujet. Souvent, les textes que les employeurs leur envoient sont simplement pris comme étant la vérité.
Nous luttons contre ces choses-là constamment. Parfois, nous pensons que nous avons des acquis mais, pour des raisons économiques, partisanes, ou politiques, le droit que nous avons, en vertu de notre pouvoir de négociation qui vient du fait d’être organisé syndicalement, peut être bafoué.
Nous allons faire face à d’autres lois spéciales, ou à des situations comme ABI où les travailleurs ont été en lockout pendant 18 mois et ont été reniés par le gouvernement du Québec. Ce gouvernement a permis à Alcoa de ne pas payer sa facture d’électricité et c’est le peuple qui va devoir payer ces centaines de millions de dollars.
L’état de la démocratie
– Martin Bélanger, travailleur de la construction –
En tant que citoyen avant toute chose, je trouve que notre droit de vote est biaisé. On se présente pour voter mais on vote pour quoi. Des candidats qui nous sont imposés. On sait déjà que c‘est la grosse machine qui est en arrière, que ce sont les grandes multinationales qui tirent les ficelles.
Quand on parle de débat des chefs, on nous dit que c’est le débat pour savoir pour qui on va voter. Mais le débat des chefs est déjà tout organisé d’avance ; les questions sont préétablies et portent sur les sujets qu’on a méticuleusement choisis dans le but de faire mal paraître un opposant. Tout est organisé pour que les gens en place affrontent seulement les questions qui sont présentées dans l’optique d’amener des votes. Où sont les demandes du public, par exemple pourquoi les engagements électoraux ne sont-ils pas respectés ? Est-ce qu’on a vraiment parlé à ceux qui sont concernés, à ceux qui vont voter, de leurs préoccupations, de ce qu’ils veulent, de leurs craintes ou de leurs problèmes ? Ce ne sont pas des débats ouverts, publics. On dit qu’on s’occupe des préoccupations de ceux qui vont voter en faisant des sondages. Les chiffres, c’est connu, on peut leur faire dire ce qu’on veut. Tout cela permet de contrôler, de filtrer l’information.
Pourtant, c’est le peuple qui vote. C’est cela la démocratie en tant que tel. Je pense que la démocratie est de plus en plus une image qu’on nous donne plus qu’un vrai système qui nous permet de fonctionner.
Ce problème-là, on le voit aussi dans l’industrie de la construction. On dit que la démocratie s’exprime par le 50 % plus un. Pourtant, le gouvernement du Québec a adopté une loi qui a éliminé la procédure établie du 50 % plus un des votes exprimés pour la ratification des conventions collectives. Maintenant, il faut aussi que trois des cinq syndicats qui sont présents dans la construction votent en faveur de la ratification d’une convention collective pour que celle-ci soit adoptée.
On limite aussi beaucoup le droit des représentants syndicaux d’avoir accès aux travailleurs sur les chantiers. Le représentant n’a pas le droit de déranger les travailleurs pendant qu’ils travaillent sur le terrain. Il n’a pas le droit de faire une réunion, à partir du moment où vous êtes deux personnes, vous êtes considérés comme un groupe. Si on fait cela, on peut perdre le droit de représenter les travailleurs pendant cinq ans sous réserve de poursuites. On limite le droit des travailleurs de parler à leurs représentants syndicaux. On est obligé de se parler en dehors des heures de travail.
On observe un problème similaire en ce qui concerne la santé et la sécurité sur les chantiers. La santé/sécurité est primordiale sur les chantiers, mais comme il y a des coûts associés à cela, bien que c’est prouvé que chaque dollar investi dans la santé/sécurité permet d’en récupérer au moins 100, les entreprises y vont à reculons. De plus en plus, les employeurs se servent de la question de la santé et de la sécurité, pas pour faire de la prévention, mais pour contrôler les chantiers, pour faire de la répression. Fonctionner par la répression permet de mettre à pied des hommes et des femmes au nom de la santé/sécurité, au lieu de faire la prévention qui est nécessaire.
Les travailleurs de la construction ont mené beaucoup de batailles sur ces points-là. Nous nous sommes battus pour des raisons qui concernent non seulement le bien des travailleurs mais qui concernent la possibilité du système de fonctionner. Si on prend le cas des grutiers, nous avons donné des arguments, bien fondés, en faveur de la sécurité des grutiers et de la sécurité du public, contre la diminution des exigences pour la formation des grutiers qui crée des risques pour tout le monde.
Nous défendons la santé et la sécurité de tout le monde
– Evans Dupuis, directeur de l’Union des opérateurs grutiers (local 791G de la FTQ-Construction) –
Le Renouveau : Quels sont les plus récents développements dans la lutte des grutiers pour la sécurité des travailleurs et du public ?
Evans Dupuis : Nous avons dénoncé la position du ministre du Travail parce qu’il a décidé de mettre en oeuvre les recommandations du comité d’experts indépendants. [1] Nous avons dénoncé ces recommandations comme étant inacceptables du point de vue de la santé et de la sécurité. Nous avons interpellé le gouvernement pour qu’il intervienne pour que le ministre du Travail revienne sur sa décision mais le gouvernement n’a pas bougé. Nous avons également interpellé le ministre de l’Éducation pour qu’il intervienne dans le dossier. On n’a pas de eu de réponse de lui, il fait juste refiler le dossier au ministre du Travail.
Le milieu dans son ensemble, les grutiers, les affiliés de la FTQ-Construction, le syndicat des professeurs qui représente les enseignants en conduite de grues, l’Association des propriétaires de grues, nous avons tous dénoncé la position du ministre du Travail. En ce qui concerne le ministre de l’Éducation, nous avons publié un extrait des commentaires qu’il a faits, quand il était dans l’opposition, contre l’affaiblissement de la formation des grutiers par le Parti libéral au pouvoir à ce moment-là. Maintenant qu’il est lui-même au pouvoir avec le gouvernement de la Coalition Avenir Québec de François Legault, il joue le même jeu que le Parti libéral de l’époque.
Le ministre du Travail entérine les recommandations du comité d’experts indépendant. Le comité recommande une formation initiale de trois semaines dans une maison d’éducation, il conserve la formation en entreprise pendant la période d’apprentissage et exige des cours de perfectionnement pendant la période d’apprentissage.
Ce que nous disons c’est que les recommandations ne respectent pas l’analyse que fait le comité indépendant. Dans son analyse, le comité dit que la meilleure formation pour les grutiers, celle qui respecte les normes de sécurité, c’est le Diplôme d’études professionnelles de 870 heures. Si on dit que la meilleure formation c’est le DEP, on ne peut pas recommander trois semaines de formation. Ça ne tient pas la route. Comment peut-on comparer la formation professionnelle de 870 heures avec une formation professionnelle initiale de 3 semaines ? Selon nous, la formation initiale, c’est le DEP de 870 heures. En plus, comment peut-on maintenir la formation des opérateurs de camions-flèches avec seulement 80 heures de formation au lieu du DEP ?
Nous demandons que la formation professionnelle de 870 heures soit rétablie. En plus, nous sommes d’accord avec une reconnaissance d’acquis et de compétences des travailleurs qui proviennent d’une autre industrie, dans le cadre du DEP. Cela veut dire, comme c’est prévu par le ministère, que compte tenu de leurs acquis et compétences, ils n’ont peut-être pas besoin de suivre tout le programme de 870 heures mais cela se fait quand même à l’intérieur du DEP obligatoire.
Le ministre a maintenant donné le mandat à la Commission de la construction du Québec de mettre en place les recommandations du comité même si la question de la sécurité n’est absolument pas réglée.
Le milieu dénonce ces changements, même le comité d’experts a admis que le milieu s’y oppose, mais le ministre ne tient pas compte de l’opinion de ceux qui sont au coeur du secteur. Le ministre écoute le lobbyisme patronal et le lobbyisme de la CCQ. C’est la même chose que les libéraux ont fait. Comment est-ce qu’on peut refuser d’écouter la majorité ?
La santé et la sécurité des travailleurs et du public est au coeur du problème. Cela a été le cas depuis le début. Les grutiers ont besoin de savoir que leurs collègues ont reçu une formation adéquate pour faire leur métier.
Notes
1. En avril 2018, le gouvernement du Québec a décrété de façon unilatérale une nouvelle réglementation qui gouverne la formation des grutiers du Québec. Cette décision a renversé les normes et la formation établies que les nouveaux grutiers doivent suivre pour garantir leur sécurité et celle des autres travailleurs de la construction et du public. Cette nouvelle réglementation a aboli le caractère obligatoire du Diplôme d’études professionnelles (DEP) de 870 heures de formation en institution professionnelle pour devenir grutier. Le DEP est maintenant facultatif. Une nouvelle formation de 150 heures fournie directement sur les chantiers et sous la responsabilité des entreprises a été introduite. Le gouvernement a aussi remplacé le diplôme par un cours de 80 heures pour les camions-flèches d’une capacité maximale de 30 tonnes. C’est pourtant ce type de grues qui basculent le plus et qui causent le plus de dommages.
Les grutiers et leur syndicat ont mené et mènent une lutte acharnée contre cette attaque à la sécurité des travailleurs de la construction et du public. C’est dans ce contexte que le gouvernement a établi le Comité d’experts indépendants en septembre 2018, avec comme mandat d’évaluer l’aspect sécuritaire de la nouvelle réglementation. Dans son rapport émis en mars 2019, le comité dit que le DEP demeure la norme de référence pour la formation des grutiers mais il accepte qu’il devienne facultatif, propose comme alternative une période de trois semaines de formation initiale et propose le maintien de la formation en entreprise.
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