Numéro 1723 septembre 2019
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« Le groupe d’experts » du gouvernement albertain
Arrêtez de payer les riches! Augmentez les investissements dans les programmes sociaux! Prenons nos affaires en main!
L’offensive antisociale accrue du gouvernement Kenney en Alberta montre ce que la politique de payer les riches réserve comme avenir pour le Canada à moins que le peuple n’oppose une résistance organisée et effective.
Le rapport du « groupe d’experts » sur les finances du gouvernement Kenney, publié le 2 septembre, exige que les travailleurs albertains acceptent encore plus d’austérité. Le rapport préconise une réduction de 600 millions de dollars des investissements dans les programmes sociaux, une privatisation accrue de tous les services publics et une législation donnant au gouvernement le pouvoir de déterminer unilatéralement les salaires, les avantages et les conditions de travail des employés du secteur public. Il cherche à bloquer toute enquête ou discussion sur une nouvelle direction susceptible de mobiliser les travailleurs afin qu’ils deviennent les décideurs dans le but de résoudre les problèmes de l’économie et des conditions sociales de manière à les favoriser et à ouvrir une voie vers l’avant.
Le programme actuel de l’oligarchie financière qui a pris les rênes du pouvoir à tous les niveaux du gouvernement consiste à empêcher le peuple de se donner un pouvoir politique pour résoudre les problèmes. Le parti, ou la coalition de partis, qui sera porté au pouvoir à l’élection fédérale et formera le prochain gouvernement est celui que les riches et les puissants considéreront le plus apte à mettre en place un programme favorable à l’oligarchie financière. L’élection n’a rien à voir avec un choix que les citoyens font parmi les partis cartellisés et leurs candidats ou avec les sondages qui détournent l’attention. Les riches et leurs porte-paroles dans les médias et parmi l’élite contrôlent l’élection officielle et cherchent à mettre en place un gouvernement qui leur permettra de s’enrichir dans le cadre du statu quo et de bloquer les efforts du peuple pour s’investir du pouvoir politique.
Comment le peuple peut s’investir du pouvoir politique, voilà ce qui est au coeur de l’affaire. Durant cette élection, cela doit être le sujet des conversations d’un océan à l’autre.
Une clameur pour l’austérité et un assaut contre la classe ouvrière
Piquetage durant l’été à Lethbridge (à gauche) et Red Deer contre la loi 9
Le « groupe d’experts » créé par le gouvernement albertain annonce dans son rapport que sa recommandation de réduire les investissements dans les programmes sociaux de 600 millions de dollars n’est que le début d’un processus visant à réduire les dépenses annuelles de la province de plusieurs milliards de dollars. Les compressions exigées frappent durement et de façon plus particulière les soins de santé et l’éducation, ainsi que l’éducation au primaire et au secondaire, les salaires et les avantages sociaux dans le secteur public et les dépenses touchant les immobilisations provinciales. Selon le rapport, l’austérité sera un « défi considérable, car cela exigera du gouvernement qu’il tienne compte des effets de la croissance démographique et de l’inflation tout en réduisant ses dépenses nettement en dessous des niveaux actuels ». [1]
Le gouvernement Kenney a créé le groupe d’experts sur les finances de l’Alberta précisément pour détruire l’opinion publique favorable à l’augmentation des investissements dans les programmes sociaux et les services publics et pour s’attaquer au droit des travailleurs du secteur public de négocier collectivement et d’avoir un mot à dire sur leurs salaires et d’autres conditions d’emploi, y compris le droit de dire Non !
La loi 9 du gouvernement, le printemps dernier, a été le coup d’envoi de son plan d’austérité pour attaquer les programmes sociaux, les services publics et le droit des travailleurs du secteur public de négocier collectivement leurs conditions de travail, en préparation d’un budget antisocial cet automne. Les syndicats de l’Alberta ont souligné que l’objectif de la loi 9 était de perturber le processus d’arbitrage négocié sur les salaires afin de laisser au gouvernement le temps d’adopter une loi décrétant des gels et/ou des réductions de salaire.
Les membres du groupe d’experts ont été triés sur le volet en raison de leurs opinions et de leurs activités néolibérales bien connues. Leur rapport est un plan de match sur comment le gouvernement doit procéder pour attaquer les travailleurs du secteur public. On y propose entre autres de tenir des consultations bidon avec les syndicats pour que le gouvernement puisse prétendre qu’il a participé au processus de négociation collective et qu’il ne va pas à l’encontre du droit à la négociation collective reconnu par la Charte. Les consultations bidon seraient alors suivies d’une loi imposant les salaires, les avantages sociaux et les conditions de travail.
La présidente du groupe, Janice McKinnon, a déjà élaboré le scénario de l’austérité à l’intention du panel de spécialistes en 2017 lorsqu’elle a co-écrit un document dans laquelle elle exhortait le gouvernement albertain de Rachel Notley d’attaquer les travailleurs du secteur public et leur recommandait comment le faire en toute « légalité ». [2] Elle y proposait entre autres une stratégie en vertu de laquelle le gouvernement inclurait la défense de l’intérêt public, un processus de négociation de « bonne foi » et une consultation auprès des syndicats. Si le gouvernement s’en tient à ce scénario, la Cour suprême du Canada considérera qu’il y a eu négociation de bonne foi, que les syndicats ont été consultés, que le droit d’association des travailleurs dans le but d’atteindre leurs objectifs a été respecté et que l’intérêt public, version oligarchie financière, a été défendu.
La classe ouvrière de l’Alberta a montré de quoi elle est capable lorsqu’il s’agit de défendre ses droits lorsqu’elle a participé massivement aux manifestations organisées pour dénoncer la loi 9 antiouvrière de Jason Kenney. Ensemble, intensifions cette défense organisée de la dignité et des droits des travailleurs. Le projet d’austérité du Groupe d’experts et ses attaques contre la classe ouvrière ne doivent pas passer !
Notes
1. Pour le rapport du groupe d’experts, cliquer ici.
2. Putting the Alberta Budget on a New Trajectory, Janice MacKinnon and Jack Mintz, School of Public Policy, University of Calgary.
Conclusions prédéterminées du groupe d’experts
– Dougal MacDonald –
Le 2 septembre, le gouvernement de l’Alberta a publié les conclusions prédéterminées de son groupe d’experts. En mai dernier, le gouvernement Kenney a chargé un groupe de sept néolibéraux triés sur le volet de mener une enquête sur comment l’Alberta dépense son argent, mais pas sur comment elle l’obtient. Selon le premier ministre Kenney, le groupe en question était un « groupe d’experts indépendant et non-partisan ». Indépendant de qui, peut-on se demander ? En prenant connaissance de leur biographie, nous pouvons affirmer qu’ils sont indépendants des travailleurs albertains de même que des conditions et des problèmes sociaux difficiles auxquels ils font face. S’ils sont dépendants, c’est bien de l’oligarchie financière qui domine la province.
Ce groupe faisait partie de toute une panoplie d’enquêtes bidon qui ont été commandées par divers gouvernements de l’Alberta pour justifier leurs politiques et leurs activités prédéterminées et leur refus de discuter, sans parler de réaliser, une nouvelle direction prosociale de l’économie qui apporte des solutions à ses problèmes fondamentaux.
La démarche en cinq points pour créer ces enquêtes frauduleuses est la suivante :
1. Décider d’avance des conclusions de l’enquête ;
2. Nommer sur le groupe des gens qui sont d’accord avec les constats prédéterminés ;
3. Consulter les Albertains mais écarter tout ce qu’ils disent qui ne respecte pas le point 1 ;
4. Dénicher des données qui viennent appuyer les constats prédéterminés ;
5. En arriver aux constats prédéterminés et les rendre publics.
6. Se vanter que l’enquête confirme que les experts choisis et le public appuient les constats prédéterminés.
L’ancienne ministre des Finances de la Saskatchewan, Janice MacKinnon, a présidé ce groupe d’experts. Dans le cadre du programme d’austérité du gouvernement néodémocrate de Romanow dans les années 1990, MacKinnon a fermé 52 hôpitaux ruraux, imposé des compressions à la santé et à l’éducation, augmenté la taxe de vente provinciale jusqu’à 9 % et imposé toutes sortes de frais d’usager. Même si elle est une ancienne ministre du cabinet du NPD, elle a répondu aux exigences néolibérales de Kenney et a fait preuve de loyauté envers l’oligarchie financière.
Les autres membres du panel sont Jack Mintz, de l’Université de Calgary et l’économiste préféré du monde des affaires canadien ; Mike Percy, l’ancien chef de cabinet de l’ancien premier ministre conservateur Jim Prentice ; Dave Mowat, qui a présidé l’enquête du gouvernement précédent sur les droits et redevances dans l’industrie pétrolière et gazière et qui a fini par reconnaître qu’on ne doit pas y toucher ; Kim Henderson du gouvernement libéral de Christy Clark de la Colombie-Britannique qui s’est fait connaître par ses attaques contre les programmes sociaux et les travailleurs ; Bev Dahlby du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale et Jay Ramotar, un ancien sous-ministre du gouvernement conservateur de l’Alberta.
Le rapport du groupe contient 26 recommandations et aucune d’entre elles n’apporte quoi que ce soit de nouveau. La recommandation d’un programme d’austérité peut être résumée ainsi : couper le financement public des programmes sociaux, en particulier en santé et en éducation ; privatiser tous les aspects des soins de santé et commercialiser l’éducation postsecondaire pour que celle-ci devienne une source de profit pour les entreprises de l’oligarchie financière ; sabrer dans les salaires, les avantages sociaux et les régimes des retraite des travailleurs ; augmenter les frais de scolarité et fermer les institutions postsecondaires publiques ; sabrer dans le financement public de l’infrastructure, en particulier dans les services publics qui se sont pas encore dans les mains privées des oligarques, et privatiser les terres publiques ; réduire les impôts des riches ; attaquer les droits des travailleurs en privant d’abord les travailleurs du secteur public de leur droit de négocier et d’avoir collectivement un mot à dire sur comment fixer leurs salaires, leurs avantages sociaux et leurs conditions de travail.
L’opinion publique soutient résolument que le groupe a été une supercherie et que le gouvernement du PCU avait déjà décidé qu’il allait mettre en oeuvre les mesures d’austérité telles que décrites dans les recommandations. Le rapport en soi n’était qu’une ruse pour approuver de façon expéditive le programme d’austérité. En effet, les membres du groupe, MacKinnon et Mintz, avaient déjà publié un article sur le même sujet en octobre 2017 dont les recommandations politiques sont à peu près les mêmes. Quoi qu’il en soit, les Albertains n’acceptent pas ces attaques et vont s’y opposer, comme ils l’ont fait dans le passé et vont continuer à le faire dans l’avenir.
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