Refus du gouvernement de l’Ontario de négocier collectivement avec les Premières Nations de Matawa
Piquetage à Sudbury contre le projet du Cercle de feu, le 6 septembre 2018
Le 27 août, le gouvernement ontarien a annoncé qu’il met formellement fin à l’Entente-cadre régionale (ECR) entre Queen’s Park et le Conseil tribal de Matawa. Le conseil est composé de neuf Premières Nations dont les territoires ancestraux comprennent la région touchée par les développements miniers du Cercle de feu ainsi que les territoires qui serviront aux accès routiers. Le gouvernement ontarien a dit que plutôt que d’avoir recours à des négociations collectives, il préfère en arriver à des ententes individuelles avec les Premières Nations qui sont « ouvertes aux activités minières ».
La région du Cercle de feu, à environ 500 kilomètres au nord-est de Thunder Bay, contient un des plus importants gisements de chromite, lequel sert à fabriquer l’acier inoxydable, ainsi que du nickel, du cuivre et du platine. On évalue les ressources à exploiter à entre 30 milliards à 60 milliards de dollars. Pour le gouvernement de l’Ontario, ces ressources naturelles représentent un butin économique très prometteur pour les oligarques qui contrôlent les monopoles miniers et pour d’autres compagnies en quête de minéraux.
L’ECR, qui a été négocié en 2014 par le gouvernement libéral précédent, établissait une démarche permettant d’en arriver à des ententes sur la construction de routes reliant les Premières Nations de Matawa, le réseau routier provincial et le Cercle de feu. Or, l’ECR n’ayant pas donné les résultats escomptés pour le gouvernement ontarien et le monopole en position de contrôle, Notront Resources, la première ministre de l’époque, Kathleen Wynne, a entrepris des pourparlers bilatéraux pour exercer une pression sur chacune des nations individuellement. En 2017, elle a conclu des ententes avec trois des neuf Premières Nations de Matawa.
Au lendemain de son élection, le gouvernement Ford a congédié sans le remplacer le négociateur en chef de la province à l’ECR et a mis fin au financement des négociations collectives. Il a aussi éliminé le Groupe de travail mixte sur les compétences, un panel composé de personnes nommées pour représenter le gouvernement et les Premières Nations, dont le mandat était de décider de la trajectoire et de la gestion d’une route traversant d’ouest en est le Cercle de feu avec comme point de départ le lac Pickle. La décision de mettre fin à l’ECR indique que le gouvernement ontarien tentera de diviser les Premières Nations et d’obtenir des consentements individuels favorables aux intérêts privés des monopoles de la construction et de l’exploitation minière.
Greg Rickford, le ministre ontarien de l’Énergie, du Développement du Nord et des Mines et des Affaires autochtones, accuse le conseil tribal de Matawa de ralentir le développement du Cercle de feu. Il a dit : « En dépit de plus d’une décennie de pourparlers et d’investissements de l’ordre de 20 millions de dollars et plus, le progrès du Cercle de feu a été entravé par un délai après l’autre. C’est pourquoi l’Ontario adopte maintenant une approche pragmatique pour libérer tout le potentiel du Cercle de feu, et cela comprend travailler directement avec les partenaires consentants parmi les Premières Nations. »
Elizabeth Atlookan, la chef de la Première Nation d’Eabametoong qui est une des Premières Nations du conseil tribal de Matawa n’ayant pas donné son consentement pour la construction d’une route vers le Cercle de feu, a dit : « Je n’ai jamais pu avoir de rencontre avec vous (le ministre Rickford), j’en ai demandé, mais je n’ai même pas reçu de réponse. Est-ce que vous considérez que nous ne faisons plus partie de l’équation parce que deux nations ont décidé de construire des routes ? »
Atlookan a dit que les communautés de Matawa ont été fractionnées par la stratégie de diviser pour mieux régner du gouvernement ontarien, une stratégie utilisée d’abord par le gouvernement libéral précédent. Elle a dit : « Nous étions une équipe de neuf au début. […] Le gouvernement a réussi à nous diviser et probablement à obtenir la route à des coûts moindres. […] Ce qui a créé une dissension au sein des nations. »
Atlookan a dit que la « vraie trahison » a eu lieu en août 2017 lorsque Wynne a annoncé des ententes distinctes sur des routes toutes saisons avec les nations de Marten Falls, Webequie et Nibinamik. « Nous n’étions pas au courant qu’ils avaient fait ça », a-t-elle dit.
Wayne Moonias, le chef de la Première Nation de Neskantaga, qui elle non plus n’a pas approuvé la construction d’une route sur son territoire, a dit : « Respectez-vous les droits de notre peuple, les liens que nous avons avec le territoire, la façon de prendre des décisions ? »
Le gouvernement ontarien et le monopole Noront Resources ont une vision étroite de ce que veulent dire consultation et négociation. Ils veulent que les nations autochtones approuvent les grandes lignes du projet de développement selon les conditions et les objectifs imposés par le monopole, lesquels sont de faire le plus d’argent possible en exploitant le minerai sans laisser rien ou si peu qui pourrait servir aux générations futures. Ils sont prêts à accepter seulement quelques désaccords sur des menus détails et accusent les nations autochtones de créer des délais avec leurs demandes très différentes et substantielles. Des emplois immédiats et un soubresaut de « développement économique » au moment de l’extraction du minerai servent d’incitatif pour forcer les nations autochtones à approuver le projet.
Le conseil tribal des Premières Nations de Metawa a parfaitement raison de refuser de négocier sur la base de ce que veulent le gouvernement ontarien et Noront. Sur la base de l’expérience vécue en lien avec le développement minier dans le nord de l’Ontario – de Bruce Mines à Sudbury à Cobalt, de Porcupine à Elliot Lake et à Attawapiskat – il est clair que les monopoles miniers, qu’ils soient canadiens ou étrangers, ne sont intéressés qu’à extraire les ressources naturelles du nord de l’Ontario et à siphonner la valeur sociale de la région. Cette valeur sociale n’est pas utilisée pour bâtir les communautés du Nord et leurs économies. Trop souvent, les communautés autochtones sont dévastées, les intérêts des travailleurs des mines ignorés et les communautés abandonnées lorsque les mines ferment et que l’environnement est détruit.
Le minerai est extrait seulement une fois. Si les travailleurs et les autochtones du Nord de l’Ontario comptent bénéficier du développement minier, il est primordial qu’ils aient le pouvoir politique et le contrôle nécessaires pour décider de la direction de ce développement. Il faut donner un nouvel objectif à l’industrie minière, un objectif qui répond aux besoins et au développement des résidents du Nord et garantit leur avenir, qui leur permet de contrôler le processus et toute démarche de négociation.
(Avec des informations de Dave Starbuck)