Numéro 1317 septembre 2019
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Défendons les droits ancestraux et mettons fin à la justice coloniale!
Violence raciste de l’État à l’égard des enfants autochtones, de leurs familles et de leurs communautés
— Philip Fernandez —
Le Tribunal canadien des droits de la personne a statué que le système de protection de l’enfance de l’État canadien avait injustement enlevé entre 40 000 et 80 000 enfants autochtones de leurs foyers dans les réserves de 2006 à 2017. La décision rendue le 6 septembre ordonne au gouvernement canadien d’indemniser chaque enfant par une somme allant jusqu’à 40 000 dollars et leurs parents et grands-parents jusqu’à 20 000 dollars pour les dommages et les traumatismes causés par les abus racistes. C’est le maximum que le Tribunal puisse ordonner de payer.
Les membres du comité du Tribunal, Sophie Marchildon, présidente, et Edward Lustig, ont écrit dans leur conclusion qu’il existait suffisamment d’éléments de preuve pour déterminer que la conduite du Canada était « délibérée et imprudente, aboutissant à ce que nous avons qualifié de pire scénario dans notre loi [sur les droits de la personne]. » Ils écrivent : « Ce cas de discrimination raciale est l’un des cas les plus graves, ce qui justifie l’obligation d’indemnités maximales. »
Le comité note également : « Aucune indemnisation ne pourra jamais vous redonner ce que vous avez perdu, les cicatrices qui restent sur votre âme ou les souffrances que vous avez subies à cause du racisme, des pratiques coloniales et de la discrimination. »
La cause contre le gouvernement a été déposée devant le Tribunal en 2007 par la Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada (SSEFPNC) et l’Assemblée des Premières Nations (APN). Après le jugement, Cindy Blackstock, directrice générale de la SSEFPNC, a déclaré : « La conclusion du Tribunal selon laquelle le Canada pratique la discrimination délibérément et témérairement envers les enfants des Premières Nations montre à quel point le Canada a peu appris de l’expérience des pensionnats, des excuses pour les raffles des années soixante et des recours collectifs. »
Le grand chef Stewart Phillip, président de l’Union des chefs indiens de la Colombie-Britannique, écrit dans un communiqué de presse : « Le Tribunal a conclu à une discrimination systémique massive et a déclaré que le gouvernement du Canada avait agi de manière délibérée et insouciante. Ce que nous savions depuis longtemps dans nos familles et nos communautés. » Il ajoute : « En Colombie-Britannique, j’ai été témoin des torts causés aux enfants et aux familles des Premières Nations par le fait de retirer des enfants alors que des mesures de soutien dans leurs foyers, leurs familles et leurs communautés auraient dû être envisagées ou améliorées. »
Le gouvernement a jusqu’au 10 décembre pour rencontrer la SSEFPNC et l’APN et mettre au point un mécanisme d’indemnisation des enfants victimes et de leurs familles.
Philip Fernandez est le candidat du PMLC dans la circonscription de Toronto-Centre.
La voix des femmes et des filles autochtones assassinées ou disparues sur la «route des larmes» se fait entendre
— Peter Ewart —
Des dizaines de « robes rouges » ont été tenues haut levées le 8 septembre à l’angle des autoroutes 16 et 97 à Prince George, en Colombie-Britannique. Les robes rouges représentent toutes les femmes et filles autochtones assassinées et disparues le long de la route des larmes. À l’occasion de la 4e édition de la Robe rouge, des parents et amis, accompagnés de résidents de Prince George de tous les horizons, se sont rassemblés pour commémorer leurs proches disparus et leur donner une voix.
Après l’émouvante cérémonie sur le bord de la route, que de nombreux passants ont saluée, les participants se sont rendus au parc commémoratif Lheidli T’enneh, où l’événement s’est poursuivi. Les robes rouges suspendues aux arbres et décorant le pavillon du parc ont été la toile de fond et l’inspiration du programme qui a suivi avec conférenciers, musique et danse exprimant le chagrin devant la perte d’êtres chers, mais également une volonté de conjuguer les efforts pour changer la situation.
Après une prière et un accueil d’une aînée de Lheidli T’enneh, la présidente de la Société de la robe rouge de Prince George, Tammy Meise, a présenté les orateurs, dont la mairesse de Prince George, Lyn Hall, Brenda Wilson, Dawn Hemingway et Victor Elkins. Les artistes Mackenzie Mathews, Kelsey Abraham, Bella Rain, Kym Gouchie, Susan Philip et les joueurs de tambours Khast’an ont offert de la musique et des danses inspirées et émouvantes en fin de programme qui ont insufflé aux participants une nouvelle énergie et la détermination à poursuivre cette bataille ensemble.
Refus du gouvernement de l’Ontario de négocier collectivement avec les Premières Nations de Matawa
Piquetage à Sudbury contre le projet du Cercle de feu, le 6 septembre 2018
Le 27 août, le gouvernement ontarien a annoncé qu’il met formellement fin à l’Entente-cadre régionale (ECR) entre Queen’s Park et le Conseil tribal de Matawa. Le conseil est composé de neuf Premières Nations dont les territoires ancestraux comprennent la région touchée par les développements miniers du Cercle de feu ainsi que les territoires qui serviront aux accès routiers. Le gouvernement ontarien a dit que plutôt que d’avoir recours à des négociations collectives, il préfère en arriver à des ententes individuelles avec les Premières Nations qui sont « ouvertes aux activités minières ».
La région du Cercle de feu, à environ 500 kilomètres au nord-est de Thunder Bay, contient un des plus importants gisements de chromite, lequel sert à fabriquer l’acier inoxydable, ainsi que du nickel, du cuivre et du platine. On évalue les ressources à exploiter à entre 30 milliards à 60 milliards de dollars. Pour le gouvernement de l’Ontario, ces ressources naturelles représentent un butin économique très prometteur pour les oligarques qui contrôlent les monopoles miniers et pour d’autres compagnies en quête de minéraux.
L’ECR, qui a été négocié en 2014 par le gouvernement libéral précédent, établissait une démarche permettant d’en arriver à des ententes sur la construction de routes reliant les Premières Nations de Matawa, le réseau routier provincial et le Cercle de feu. Or, l’ECR n’ayant pas donné les résultats escomptés pour le gouvernement ontarien et le monopole en position de contrôle, Notront Resources, la première ministre de l’époque, Kathleen Wynne, a entrepris des pourparlers bilatéraux pour exercer une pression sur chacune des nations individuellement. En 2017, elle a conclu des ententes avec trois des neuf Premières Nations de Matawa.
Après que les conservateurs aient remporté les élections provinciales de 2018, le nouveau gouvernement a congédié sans le remplacer le négociateur en chef de la province à l’ECR et a mis fin au financement des négociations collectives. Il a aussi éliminé le Groupe de travail mixte sur les compétences, un panel composé de personnes nommées pour représenter le gouvernement et les Premières Nations, dont le mandat était de décider de la trajectoire et de la gestion d’une route traversant d’ouest en est le Cercle de feu avec comme point de départ le lac Pickle. La décision de mettre fin à l’ECR indique que le gouvernement ontarien tentera de diviser les Premières Nations et d’obtenir des consentements individuels favorables aux intérêts privés des monopoles de la construction et de l’exploitation minière.
Greg Rickford, le ministre ontarien de l’Énergie, du Développement du Nord et des Mines et des Affaires autochtones, accuse le conseil tribal de Matawa de ralentir le développement du Cercle de feu. Il a dit : « En dépit de plus d’une décennie de pourparlers et d’investissements de l’ordre de 20 millions de dollars et plus, le progrès du Cercle de feu a été entravé par un délai après l’autre. C’est pourquoi l’Ontario adopte maintenant une approche pragmatique pour libérer tout le potentiel du Cercle de feu, et cela comprend travailler directement avec les partenaires consentants parmi les Premières Nations. »
Elizabeth Atlookan, la chef de la Première Nation d’Eabametoong qui est une des Premières Nations du conseil tribal de Matawa n’ayant pas donné son consentement pour la construction d’une route vers le Cercle de feu, a dit : « Je n’ai jamais pu avoir de rencontre avec vous (le ministre Rickford), j’en ai demandé, mais je n’ai même pas reçu de réponse. Est-ce que vous considérez que nous ne faisons plus partie de l’équation parce que deux nations ont décidé de construire des routes ? »
Atlookan a dit que les communautés de Matawa ont été fractionnées par la stratégie de diviser pour mieux régner du gouvernement ontarien, une stratégie utilisée d’abord par le gouvernement libéral précédent. Elle a dit : « Nous étions une équipe de neuf au début. […] Le gouvernement a réussi à nous diviser et probablement à obtenir la route à des coûts moindres. […] Ce qui a créé une dissension au sein des nations. »
Atlookan a dit que la « vraie trahison » a eu lieu en août 2017 lorsque Wynne a annoncé des ententes distinctes sur des routes toutes saisons avec les nations de Marten Falls, Webequie et Nibinamik. « Nous n’étions pas au courant qu’ils avaient fait ça », a-t-elle dit.
Wayne Moonias, le chef de la Première Nation de Neskantaga, qui elle non plus n’a pas approuvé la construction d’une route sur son territoire, a dit : « Respectez-vous les droits de notre peuple, les liens que nous avons avec le territoire, la façon de prendre des décisions ? »
Le gouvernement ontarien et le monopole Noront Resources ont une vision étroite de ce que veulent dire consultation et négociation. Ils veulent que les nations autochtones approuvent les grandes lignes du projet de développement selon les conditions et les objectifs imposés par le monopole, lesquels sont de faire le plus d’argent possible en exploitant le minerai sans laisser rien ou si peu qui pourrait servir aux générations futures. Ils sont prêts à accepter seulement quelques désaccords sur des menus détails et accusent les nations autochtones de créer des délais avec leurs demandes très différentes et substantielles. Des emplois immédiats et un soubresaut de « développement économique » au moment de l’extraction du minerai servent d’incitatif pour forcer les nations autochtones à approuver le projet.
Le conseil tribal des Premières Nations de Metawa a parfaitement raison de refuser de négocier sur la base de ce que veulent le gouvernement ontarien et Noront. Sur la base de l’expérience vécue en lien avec le développement minier dans le nord de l’Ontario – de Bruce Mines à Sudbury à Cobalt, de Porcupine à Elliot Lake et à Attawapiskat – il est clair que les monopoles miniers, qu’ils soient canadiens ou étrangers, ne sont intéressés qu’à extraire les ressources naturelles du nord de l’Ontario et à siphonner la valeur sociale de la région. Cette valeur sociale n’est pas utilisée pour bâtir les communautés du Nord et leurs économies. Trop souvent, les communautés autochtones sont dévastées, les intérêts des travailleurs des mines ignorés et les communautés abandonnées lorsque les mines ferment et que l’environnement est détruit.
Le minerai est extrait seulement une fois. Si les travailleurs et les autochtones du Nord de l’Ontario comptent bénéficier du développement minier, il est primordial qu’ils aient le pouvoir politique et le contrôle nécessaires pour décider de la direction de ce développement. Il faut donner un nouvel objectif à l’industrie minière, un objectif qui répond aux besoins et au développement des résidents du Nord et garantit leur avenir, qui leur permet de contrôler le processus et toute démarche de négociation.
(Avec des informations de Dave Starbuck)
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