Début du procès criminel de la compagnie américaine accusée d’avoir causé la mort d’un jeune travailleur
Le procès criminel de Peter Kiewit Sons ULC et de deux cadres de la compagnie pour la mort d’un jeune travailleur de 24 ans de la construction a débuté à Vancouver le 6 septembre.
Sam Fitzpatrick, un spécialiste de l’épierrement, a été heurté et tué par un bloc de pierre en 2009 alors qu’il était à l’emploi de Peter Kiewit Sons ULC à l’aménagement hydroélectrique privé de Toba Inlet près de la rivière Powell sur la côte britanno-colombienne. L’immense bloc de pierre a été délogé par de l’équipement lourd, au sommet d’une pente d’un chantier où travaillaient Sam, son frère Arlen et d’autres travailleurs.
Les enquêteurs de la Commission d’indemnisation des accidents du travail de la Colombie-Britannique (Worksafe) ont évalué en 2011 que la mort de Fitzpatrick était attribuable à un bloc de pierre d’un diamètre de plus de 1,5 mètres qui l’a heurté. La compagnie avait autorisé que les travaux se poursuivent sans avoir dégagé des matériaux meubles au sommet de la pente où Sam et son équipe travaillaient. L’enquête de Worksafe avait aussi déterminé qu’avant l’accident du 22 février, les contremaîtres étaient au courant du danger représenté par du roc friable et avaient soulevé la possibilité d’une chute de pierres. Les enquêteurs ont découvert que la veille de la mort du jeune travailleur, une chute de pierres avait endommagé l’équipement sur le site même où Sam, son frère et d’autres travaillaient. La compagnie a été condamnée à une amende de 250 000 $. Elle a porté le jugement en appel et, en 2013, l’amende a été réduite à moins de 100 000 $.
La compagnie et deux contremaîtres au chantier au moment de la mort de Sam Fitzpatrick ont été accusés en vertu de la section 217.1 du Code criminel. Cette section se lit ainsi : « Il incombe à quiconque dirige l’accomplissement d’un travail ou l’exécution d’une tâche ou est habilité à le faire de prendre les mesures voulues pour éviter qu’il n’en résulte de blessure corporelle pour autrui. ».
Les amendements au Code criminel proviennent de la Loi Westray, la Loi C-45, qui a été adoptée le 31 mars 2004. La loi prévoit une accusation de responsabilité criminelle contre des organisations et leurs représentants qui ont fait preuve de négligence et qui sont responsables d’autres infractions et prévoit des sanctions pouvant aller jusqu’à l’emprisonnement à perpétuité.
Selon les accusations portées par la GRC en mai 2019, la compagnie et ses gestionnaires Timothy Rule et Gerald Karjala « n’ont pas, par négligence criminelle et bien qu’ils en aient l’obligation juridique, pris les mesures raisonnables pour prévenir des blessures physiques subies par Samuel Joseph Fitzpatrick ».
Les accusations ont été portées à la suite d’une lutte tenace menée par la famille de Sam Fitzpatrick, les familles d’autres travailleurs qui ont été tués au travail, le Syndicat des Métallos et la Fédération du travail de la Colombie-Britannique. Pendant dix ans, le Syndicat des Métallos a mené une campagne pour l’adoption de la Loi Westray à la suite de l’explosion à la mine Westray en 1992 en Nouvelle-Écosse où 26 mineurs ont été tués. La campagne « Mettons fin au carnage, appliquons la loi » a été lancée en 2004 pour réclamer que la loi soit appliquée.
Peter Kiewit Sons ULC est une grosse compagnie multinationale basée aux États-Unis qui participe à de nombreux projets en Colombie-Britannique, y compris pour le gouvernement de la province. Sept autres travailleurs sont morts sur des chantiers Kiewit en Colombie-Britannique, dont un sur le site du projet de Toba Inlet où Sam a été tué.
L’entreprise américaine a déclaré qu’elle plaidera non coupable en dépit des conclusions de l’enquête de Worksafe BC et de l’amende qui lui a été imposée. Ce procès criminel créera un précédent parce que peu d’accusations criminelles ont été portées en vertu de la Loi Westray. Habituellement, la compagnie a plaidé coupable et c’est la première fois que des accusations sont portées contre une multinationale ayant la taille, le pouvoir et l’influence de Kiewit.