Numéro 710 septembre 2019
|
La lutte pour des conditions de travail sécuritaires en Colombie-Britannique
Neuf travailleurs agricoles blessés dans un renversement d’autobus scolaire à Abbotsford
Les travailleurs agricoles dans la vallée du Fraser en Colombie-Britannique, dont la plupart sont des travailleurs immigrants ou des travailleurs étrangers temporaires, confrontent des conditions de travail qui sont souvent dangereuses et inacceptables. Habituellement, les travailleurs se rendent à la ferme et en reviennent en camionnette ou en autobus.
Le 31 août, un autobus scolaire transportant 36 travailleurs a fait une sortie de route et chaviré dans un fossé à Abbotsford dans la vallée du Fraser. Neuf travailleurs agricoles ont été blessés dans l’accident et trois d’entre eux ont été conduits à l’hôpital en ambulance.
Ce n’est pas le premier accident de ce genre à se produire. Le 7 mars 2007, trois travailleuses agricoles, Amarjit Kaur Bal, Sukhvinder Kaur Punia et Sarbjit Kaur Sidhu, ont été tuées dans un accident sur l’autoroute 1, toujours dans la vallée du Fraser. Les travailleuses se rendaient à une ferme avec 14 autres personnes dans une camionnette lorsqu’elles ont perdu la vie tragiquement. Une enquête a révélé qu’il n’y avait que deux ceintures de sécurité disponibles dans la camionnette ayant trop de passagers à bord, qu’elle n’avait pas de bons pneus et que son certificat de sécurité était falsifié. Le chauffeur n’avait pas le permis de conduire requis.
Dans un autre accident grave d’un genre différent en 2008, trois ouvriers agricoles ont été tués et deux autres ont subi des lésions permanentes au cerveau. L’accident s’est produit lorsque du gaz de sulfure d’hydrogène s’est échappé d’un tuyau d’une station de pompage d’une installation de compostage dans une ferme de culture de champignons à Langley, également dans la vallée du Fraser.
Dans le contexte de l’offensive antisociale qui dure maintenant depuis environ 30 ans, le précédent gouvernement libéral de la province a annulé plusieurs règlements touchant l’inspection des fermes et des véhicules agricoles, aggravant une situation déjà précaire. Par exemple, une loi a été adoptée en 2003 qui exclut les travailleurs agricoles de la réglementation sur les heures de travail, le temps supplémentaire et les congés fériés payés. Pour cette raison, il y a des chauffeurs qui font l’aller-retour aux fermes sans avoir dormi suffisamment d’heures pour conduire les véhicules de façon sécuritaire.
La Fédération du travail de la Colombie-Britannique a souligné en 2018 que certaines des recommandations les plus importantes de l’enquête du coroner de 2009 sur l’accident de la route en 2007, qui a tué trois travailleuses agricoles, ont été ignorées.
On compte notamment parmi celles-ci :
– Classer les fourgonnettes à 15 places dans la catégorie des « véhicules à risque élevé »;
– Faire effectuer des inspections annuelles par un inspecteur gouvernemental de toutes les fourgonnettes à 15 places;
– Éduquer les travailleurs agricoles sur leurs droits et responsabilités en vertu de la Loi sur l’indemnisation des travailleurs de la Colombie-Britannique;
– Rendre les propriétaires d’entreprises responsables du respect de la sécurité par les entrepreneurs en main-d’oeuvre qu’ils engagent.
Une recommandation visant à ce que les sites d’inspection des véhicules soient séparés des centres d’entretien et de réparation a aussi été ignorée. L’enquête du coroner avait établi que l’utilisation régulière du même site pour l’entretien et les inspections constitue un conflit d’intérêts sérieux qui a mené à de fausses certifications de sécurité des véhicules comme ce fut le cas avec l’accident mortel de 2007.
Une autre recommandation ignorée est celle de tenir des inspections au hasard de véhicules commerciaux sur la route et sur les sites. En fait, le nombre d’inspections a été réduit de 80 % entre 2007 et 2018 même si, au lendemain de la tragédie de 2007, 35 % des fourgonnettes inspectées lors d’un blitz inter-agence ont été immédiatement saisies comme étant non sécuritaires.
La lutte pour des conditions de travail humaines et sécuritaires pour les travailleurs agricoles, y compris lors du transport aller-retour aux fermes, se poursuit et est une source de préoccupation pour tous les travailleurs.
Début du procès criminel de la compagnie américaine accusée d’avoir causé la mort d’un jeune travailleur
Le procès criminel de Peter Kiewit Sons ULC et de deux cadres de la compagnie pour la mort d’un jeune travailleur de 24 ans de la construction a débuté à Vancouver le 6 septembre.
Sam Fitzpatrick, un spécialiste de l’épierrement, a été heurté et tué par un bloc de pierre en 2009 alors qu’il était à l’emploi de Peter Kiewit Sons ULC à l’aménagement hydroélectrique privé de Toba Inlet près de la rivière Powell sur la côte britanno-colombienne. L’immense bloc de pierre a été délogé par de l’équipement lourd, au sommet d’une pente d’un chantier où travaillaient Sam, son frère Arlen et d’autres travailleurs.
Les enquêteurs de la Commission d’indemnisation des accidents du travail de la Colombie-Britannique (Worksafe) ont évalué en 2011 que la mort de Fitzpatrick était attribuable à un bloc de pierre d’un diamètre de plus de 1,5 mètres qui l’a heurté. La compagnie avait autorisé que les travaux se poursuivent sans avoir dégagé des matériaux meubles au sommet de la pente où Sam et son équipe travaillaient. L’enquête de Worksafe avait aussi déterminé qu’avant l’accident du 22 février, les contremaîtres étaient au courant du danger représenté par du roc friable et avaient soulevé la possibilité d’une chute de pierres. Les enquêteurs ont découvert que la veille de la mort du jeune travailleur, une chute de pierres avait endommagé l’équipement sur le site même où Sam, son frère et d’autres travaillaient. La compagnie a été condamnée à une amende de 250 000 $. Elle a porté le jugement en appel et, en 2013, l’amende a été réduite à moins de 100 000 $.
La compagnie et deux contremaîtres au chantier au moment de la mort de Sam Fitzpatrick ont été accusés en vertu de la section 217.1 du Code criminel. Cette section se lit ainsi : « Il incombe à quiconque dirige l’accomplissement d’un travail ou l’exécution d’une tâche ou est habilité à le faire de prendre les mesures voulues pour éviter qu’il n’en résulte de blessure corporelle pour autrui. ».
Les amendements au Code criminel proviennent de la Loi Westray, la Loi C-45, qui a été adoptée le 31 mars 2004. La loi prévoit une accusation de responsabilité criminelle contre des organisations et leurs représentants qui ont fait preuve de négligence et qui sont responsables d’autres infractions et prévoit des sanctions pouvant aller jusqu’à l’emprisonnement à perpétuité.
Selon les accusations portées par la GRC en mai 2019, la compagnie et ses gestionnaires Timothy Rule et Gerald Karjala « n’ont pas, par négligence criminelle et bien qu’ils en aient l’obligation juridique, pris les mesures raisonnables pour prévenir des blessures physiques subies par Samuel Joseph Fitzpatrick ».
Les accusations ont été portées à la suite d’une lutte tenace menée par la famille de Sam Fitzpatrick, les familles d’autres travailleurs qui ont été tués au travail, le Syndicat des Métallos et la Fédération du travail de la Colombie-Britannique. Pendant dix ans, le Syndicat des Métallos a mené une campagne pour l’adoption de la Loi Westray à la suite de l’explosion à la mine Westray en 1992 en Nouvelle-Écosse où 26 mineurs ont été tués. La campagne « Mettons fin au carnage, appliquons la loi » a été lancée en 2004 pour réclamer que la loi soit appliquée.
Peter Kiewit Sons ULC est une grosse compagnie multinationale basée aux États-Unis qui participe à de nombreux projets en Colombie-Britannique, y compris pour le gouvernement de la province. Sept autres travailleurs sont morts sur des chantiers Kiewit en Colombie-Britannique, dont un sur le site du projet de Toba Inlet où Sam a été tué.
L’entreprise américaine a déclaré qu’elle plaidera non coupable en dépit des conclusions de l’enquête de Worksafe BC et de l’amende qui lui a été imposée. Ce procès criminel créera un précédent parce que peu d’accusations criminelles ont été portées en vertu de la Loi Westray. Habituellement, la compagnie a plaidé coupable et c’est la première fois que des accusations sont portées contre une multinationale ayant la taille, le pouvoir et l’influence de Kiewit.
(Pour voir les articles individuellement, cliquer sur le titre de l’article.)
Envoyez vos articles, photos, rapports, points de vue et commentaires à redactionpmlc@cpcml.ca.