Les étudiants de Ryerson déboulonnent la statue d’un des principaux architectes des pensionnats
Le 6 juin, des étudiants de l’Université Ryerson accompagnés d’autres étudiants de Toronto ont déboulonné une statue d’Egerton Ryerson, l’un des principaux architectes du système raciste des pensionnats. L’université a adopté son nom pour mettre en valeur sa vie et son oeuvre et la statue était à un endroit bien en vue sur le campus.
On rapporte que jusqu’à 1 000 personnes ont participé à la marche et au rassemblement commémoratifs le 6 juin. Le tout a commencé devant les édifices de l’Assemblée législative de l’Ontario et s’est terminée à l’Université Ryerson. L’action a eu lieu pour honorer les 215 enfants autochtones dont les restes ont été récemment découverts dans des tombes anonymes à l’ancien pensionnat indien de Kamloops.
Les opinions racistes de Ryerson furent clairement exprimées dans une lettre qu’il a écrite le 26 mai 1847 en tant que surintendant principal de l’Éducation dans le Haut-Canada, à George Vardon, surintendant adjoint des Affaires indiennes. Ryerson y affirme que « l’Indien de l’Amérique du Nord ne peut être civilisé ou préservé dans un état civilisé (y compris les habitudes de travail et de sobriété) sauf en relation avec, sinon par l’influence, non seulement de l’éducation et du sentiment religieux, mais de ce qu’il éprouve envers la religion »[1]. Il a expressément recommandé que les étudiants autochtones soient éduqués dans un système distinct, confessionnel, uniquement en anglais, axé sur la formation à des métiers[2]. Cette lettre a été publiée en annexe à un rapport préparé par Ryerson intitulé Statistics Respecting Indian Schools[3].
Les étudiants autochtones et les membres du corps professoral préconisent depuis un certain temps que l’Université change de nom et cesse de glorifier les racistes comme Ryerson. Récemment, l’Association des étudiants autochtones, dans une lettre ouverte à l’Université, a annoncé qu’elle n’utiliserait plus le nom Ryerson et qu’elle utiliserait plutôt l’Université X. Elle a appelé les autres étudiants, les professeurs et les anciens élèves à faire de même et à faire référence à l’Université X dans leurs signatures de courriels, leur correspondance et leur curriculum vitae.
Le Yellowhead Institute, un centre de recherche dirigé par les Premières Nations et basé à la Faculté des arts de l’Université, a depuis répondu à l’appel et publié la lettre ouverte sur son site Web. La lettre ouverte se lit en partie comme suit :
« Pour nous, il n’y a pas de débat sur la réconciliation de l’héritage de Ryerson. Peu importe combien d’historiens non autochtones enverront leurs lettres de soutien à Egerton. Du point de vue des étudiants autochtones, cela ne peut pas être réconcilié.
« La seule solution alors est de changer le nom (ce que Ryerson a déjà fait trois fois auparavant). Nous vous demandons donc d’être solidaires de la communauté autochtone ici à l’Université Ryerson et de nous appuyer dans cette demande.
« D’ici là, nous effacerons Ryerson nous-mêmes, en supprimant le nom actuel de l’université de nos signatures par courriel, nos CV et nos autres communications professionnelles et en le remplaçant par un X.
« Nous vous demandons également de supprimer le nom de Ryerson et ce symbole de génocide culturel et de traumatisme intergénérationnel.
« En tant que protecteurs de la nouvelle génération, nous avons la responsabilité d’avoir de meilleures relations les uns avec les autres. Aidez-nous à recadrer la conversation afin que nous ne soyons plus obligés de débattre de notre humanité. Signé : les étudiants autochtones à l’Université X »
En réponse aux étudiants et aux activistes qui ont déboulonné la statue d’Egerton Ryerson, l’Université a déclaré qu’elle ne serait ni restaurée ni remplacée.
Notes
1. Ryerson, Egerton, Statistics Respecting Residential Schools, Appendix A : Report by Dr Ryerson on Industrial Schools, 1847, Centre national pour la vérité et la réconciliation (Lettre à George Vardon, surintendant adjoint aux Affaires indiennes), Affaires indiennes
2. « Aboriginal Residential Schools Before Confederation : The Early Experience », Historical Studies, 61 : 13—40
3. Ryerson, Egerton, op. cit.
(Photos : P. Watson)
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