Le 70e anniversaire du début de la guerre froide
Le discours du rideau de fer de Churchill
– Dougal MacDonald –
Le 5 mars 1946, le premier ministre britannique Sir Winston Churchill a prononcé ce qui est devenu le discours du « rideau de fer » (le titre officiel était « Le nerf de la paix ») au Westminster College de Fultondans l’État du Missouri, en présence du président des États-Unis, Harry Truman, et devant un auditoire estimé à 40 000 personnes. Après quelques remarques préliminaires, Churchill a dévoilé le principal objectif de son discours qui était d’attaquer l’Union soviétique. Churchill a déclaré : « De Stettin dans la Baltique jusqu’à Trieste dans l’Adriatique, un rideau de fer est descendu à travers le continent ». L’expression « rideau de fer » est entrée dans le vocabulaire populaire et par la suite elle a été utilisée par les Britanniques et les Américains pour diaboliser l’Union soviétique et attaquer sa direction révolutionnaire.
Il est dit souvent que le discours de Churchill a marqué le début officiel de la guerre froide. En fait, la Grande-Bretagne et les États-Unis conspiraient et intriguaient contre l’Union soviétique bien avant la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Des aristocrates britanniques comme le duc et la duchesse de Windsor ont appuyé Hitler. Des sociétés américaines comme DuPont ont financé des groupes fascistes américains tandis que d’autres monopoles ont aidé secrètement les hitlériens tout au long de la guerre. Par exemple, par l’intermédiaire de leurs filiales européennes, les monopoles Ford et General Motors ont fourni des véhicules à l’armée allemande. ITT Corporation contrôlait le constructeur allemand d’avions de guerre Focke-Wulf. IBM a aidé à structurer plus efficacement l’identification des prisonniers des camps de concentration nazis ; les tatouages infâmes des camps correspondaient à un chiffre mécanographique IBM.
Dans son discours, Churchill a déclaré que la Grande-Bretagne devait resserrer ses « relations spéciales » avec les États-Unis contre l’Union soviétique, l’alliée des deux pays contre les hitlériens pendant la guerre. La Grande-Bretagne était en déclin, son ancien empire lui échappait et les États-Unis, qui étaient sortis pratiquement indemnes de la guerre et plus puissants que jamais, menaçaient sa position de « leader du monde occidental ». Dans son discours, Churchill proposait pour la Grande-Bretagne et les États-Unis que combattre les nazis, anciens et nouveaux, était un problème du passé et que désormais leur lutte politique et militaire unie devait être exclusivement dirigée contre l’Union soviétique, le pays même qui avait contribué le plus à vaincre les nazis à un prix de loin plus élevé que tout autre participant à la guerre. En fait, ces deux pays accueillaient déjà à bras ouverts d’anciens nazis qui pourraient s’avérer utiles pour l’exécution de leurs plans d’après-guerre.
Churchill n’a pas inventé l’expression « rideau de fer », qu’il avait utilisée auparavant dans sa correspondance antisoviétique avec Truman, il l’a empruntée aux nazis. L’expression a été tout d’abord utilisée pour attaquer l’Union soviétique par le ministre nazi de la propagande, Josef Goebbels. Le 25 février 1945, Goebbels écrivait dans Das Reich, son hebdomadaire, que « si le peuple allemand dépose les armes, les Soviétiques, conformément à l’accord conclu entre Roosevelt, Churchill et Staline, occuperaient tout l’Est et le Sud-Est de l’Europe, ainsi que la plus grande partie du Reich. Un rideau de fer tomberait sur cet immense territoire contrôlé par l’Union soviétique, derrière lequel les nations seraient massacrées ». En fait, l’ensemble du contenu du discours antisoviétique de Churchill pourrait facilement avoir été emprunté aux diatribes de guerre de Goebbels contre l’Union soviétique.
En plus de fulminer contre le « rideau de fer », Churchill s’est déchaîné contre « les partis communistes ou les cinquièmes colonnes » qui, selon lui, « constituent un défi et un danger croissants pour la civilisation chrétienne ». Établissant un faux parallèle avec la politique d’apaisement enver Hitler avant la Deuxième Guerre mondiale, Churchill a ouvertement préconisé un renforcement de la puissance militaire contre l’Union soviétique parce qu’en traitant avec les Soviétiques il s’était convaincu « qu’il n’y a rien qu’ils admirent autant que la force et rien qu’ils respectent moins que la faiblesse, surtout la faiblesse militaire ». Le dirigeant soviétique Joseph Staline a répondu à ce discours en le qualifiant à juste titre d’« appel à la guerre » et a condamné la sanctification des « nations de langue anglaise » de Churchill comme étant une théorie raciale impérialiste. Staline a défendu l’amitié soviétique avec les États d’Europe orientale, que l’Armée rouge avait aidé à libérer du joug nazi, comme étant une garantie nécessaire contre une autre invasion. Il a accusé avec raison Churchill de vouloir installer des gouvernements antisoviétiques en Europe orientale.
L’Union soviétique a joué un rôle capital dans la libération des peuples du monde du joug nazi. Son assistance aux guerres de libération nationale en Europe et en Asie la démarque de ses anciens alliés, les États-Unis et la Grande-Bretagne qui voulaient continuer à poursuivre leur objectif de décider du sort du monde entier. Pour justifier l’abandon de la cause pour laquelle les peuples avaient tant sacrifié, les deux pays ont lancé la guerre froide et construit des blocs impérialistes interétatiques, antisoviétiques comme l’OTAN. Ils ont présenté le soutien soviétique aux luttes de libération nationale antifascistes, aux luttes anticoloniales et aux luttes pour l’émancipation de la classe ouvrière comme un complot communiste pour conquérir le monde entier, et ont appelé à « l’endiguement du communisme », puis au « refoulement » du communisme. Ils ont adopté les méthodes de désinformation mises au point par Goebbels et les hitlériens pendant la guerre pour justifier leurs crimes contre les peuples du monde dans l’après-guerre, par exemple, les massacres des révolutionnaires grecs et l’agression contre la Corée.
Aujourd’hui, alors que la guerre froide a pris fin « officiellement » en 1991 avec la « chute » de l’Union soviétique, les États-Unis, la Grande-Bretagne, le Canada et d’autres pays font perdurer son héritage. Les États-Unis et leurs laquais continuent de diaboliser la Russie, ils la rendent responsable de tous les problèmes dans le monde. Le Canada est toujours membre de l’OTAN, qui est un vestige de la guerre froide. Au lieu de poursuivre des politiques indépendantes qui servent l’intérêt des Canadiens, les cercles dirigeants canadiens se plient toujours au diktat des États-Unis et cherchent à mobiliser le peuple du côté des intérêts géopolitiques des grandes puissances. Au Canada, le gouvernement Trudeau maintient les projets ouvertement anticommunistes de Harper comme le Monument aux victimes du communisme complètement discrédité et le Jour du ruban noir fasciste qui ont comme but d’assimiler le communisme au nazisme. Mais le peuple du Canada et les peuples du monde ne sont pas dupes de ces tentatives de maintenir en vie le cadavre du rideau de fer de Churchill et Goebbels. Ils savent qui sont les véritables ennemis des peuples et ils luttent contre eux par leurs actes de résistance dans le monde entier.