Le 159e anniversaire de la
Première Guerre d’indépendance indienne
– Jaspal Singh, 10 mai 2016 –
Gravure de 1860 des combats de la Première Guerre d’indépendance indienne
Le 10 mai 2016 est le 159ème anniversaire de la grande Ghadar, la première guerre d’indépendance indienne. Le 10 mai 1857, les soldats du cantonnement de Meerut se sont révoltés et ont marché sur Delhi pour renverser le pouvoir colonial. Cette étincelle de Meerut s’est rapidement propagée à l’ensemble du pays comme un feu de prairie avec comme mot d’ordre de Firangi Ko Maro. J’ai visité plusieurs fois les sites du cantonnement de Meerut et on ne peut qu’être en admiration devant ces combattants, devant le récit de leurs prouesses. Les combattants de la liberté ont lancé le mot d’ordre Hum Hain Iske Malik, Hindustan Hamara (Nous sommes les maîtres de l’Inde, elle nous appartient). Il exprimait les exigences et les aspirations des paysans, des artisans, des intellectuels, des zamindars patriotiques qui s’étaient engagés à jeter les britanniques à la mer et à mettre en place un nouveau pouvoir politique qui serait centré sur le peuple.
Des nombreux firmans, proclamations et articles dans les journaux, comme le Paiyam E Azadi publié par Bahadur Shah Zafar, élaboraient et discutaient les besoins et les aspirations des différentes sections de la société qui étaient écrasées par le pillage colonial. Au cours des années récentes, plus d’informations détaillées sur ce pillage et ces destructions des Britanniques et la résistance à leur pouvoir sont apparues. Par exemple, certains chercheurs ont découvert le rôle d’une armée de femmes forte de 50 000 combattantes qui a combattu aux côtés de l’armée de Kunwar Singh contre les colonialistes britanniques. D’autres ont précisé le rôle des collaborateurs comme Sir Sayed Ahmed, Gangadhar Kaul, Maharaja Narinder Singh de Patiala et d’autres qui ont soutenu les Britanniques contre les combattants anticolonialistes.
Avec l’aide de ces collaborateurs, les Britanniques ont réprimé cette révolte et lancé une campagne de massacres à grande échelle. Des millions de personnes, des civils pour la plupart, ont été tués par les Britanniques au lendemain de la grande Ghadar. Un témoin affirme avoir dénombré de nombreux corps pendus des deux côtés de la Grand Trunk Road de Calcutta à Peshawar. Un autre parle des fouilles de maison en maison à la recherche d’écrits et de destructions de livres par le feu.
Les exigences et les aspirations de Hum Hain Iske Malik, Hindustan Hamara, nées de la grande Ghadar n’ont pas été satisfaites après le transfert du pouvoir en 1947. Le peuple de l’Inde n’est pas devenu Malik de l’Hindoustan. Ces exigences et aspirations doivent encore être réalisées et leur inaccomplissement est l’une des principales causes des conflits et des tensions en Inde. Il y a un conflit intense entre la volonté populaire et la volonté légale. Un conflit intense a éclaté entre l’autorité et les conditions. Les conditions exigent que le peuple de l’Inde devienne le maître de ce pays, alors que l’autorité, l’État veut se perpétuer afin de maintenir le statu quo et empêcher la transformation des conditions.
L’appel à l’action de la grande Ghadar inspire les jeunes, les paysans, les femmes, les Dalits, les travailleurs et tous ceux qui sont insatisfaits de leurs conditions. Ils s’attaquent aux problèmes du renouvellement et du renouveau de la société indienne et cherchent des solutions pour la tirer de cette misère.
Hum Hain Iske Malik, Hindustan Hamara — Le cri de guerre de 1857pour investir le peuple du pouvoir souverain
– Jaspal Singh –
Les événements des cent dernières années et plus ont mis à l’ordre du jour le gouvernement du peuple par lui-même comme étant un problème à résoudre et pas uniquement une aspiration du peuple. En 1857, c’était l’exigence du peuple de l’Inde —Hum Hain Iske Malik, Hindustan Hamara–nous sommes le peuple souverain de l’Inde, elle nous appartient. Hum ou Nous se rapporte au Praja, le peuple de l’Inde. Elle pose clairement le problème que l’Hindustan appartient au peuple de l’Inde. C’est le peuple qui est souverain et c’est lui qui doit décider comment cet Hindustan doit être dirigé. Il doit se gouverner lui-même. C’était un cri de guerre pour investir le peuple du pouvoir souverain et affirmer cette souveraineté.
Partant des traditions et des aspirations du passé afin de s’attaquer au présent et bâtir un avenir nouveau, le peuple indien a posé le problème de devenir souverain pour avoir la liberté, la prospérité, la sécurité, les lumières. Il a développé un programme, un ensemble d’arrangements que le peuple victorieux mettra en oeuvre. Ces arrangements ont pris la forme de divers firmans — décrets — émis par Bahâdur Shâh Zafar. Ils marquaient une rupture avec les vieilles idées brahmaniques et coloniales du Yatho Raja, Tatho Praja –selon lesquelles le Raja détermine les affaires du Praja. Cette affirmation de son être et de sa souveraineté a donné lieu à d’innombrables révoltes contre les Britanniques et leurs collaborateurs dans l’Hindustan avant et après le transfert du pouvoir en 1947. Elle continue de rassembler les gens dans la lutte contre l’État indien qui est fondé sur les notions de bâtisseurs d’empire des colonialistes britanniques.
Cette tâche d’investir le peuple du pouvoir souverain, par lequel le peuple dirige sans médiation de quiconque, y compris celle des partis politiques, est une des tâches les plus cruciales auquel fait face le Praja de l’Hindustan pour accomplir le renouvellement et le renouveau de l’Inde. Partout dans l’Hindustan, le Praja, le peuple, s’est rallié à l’exigence Hum Hain Iske Malik, Hindustan Hamara. Il exige l’affirmation de son être collectif et d’être collectivement maître de son destin, le destin de l’Hindustan. C’est lui qui doit gouverner et nul autre. C’est une condition nécessaire de son émancipation de tout esclavage. C’est une exigence qui déclare ce qui est absent de la vie des gens, que dans le système actuel de gouvernance, l’Hindustan ne leur appartient pas, qu’ils ne sont pas souverains et que l’Hindustan est sous la domination d’autres personnes qui ne font pas partie du Praja. Non seulement ils ne font pas partie du Praja, mais ils ont usurpé la souveraineté du Praja par la force. C’est pourquoi l’exigence –-Hum Hain Iske Malik, Hindustan Humara, affirme que nous, le Praja, sommes les maîtres légitimes de l’Hindustan. C’est le nôtre, il n’appartient à personne d’autre.
Cette affirmation de la souveraineté du Praja remet en cause tous les arrangements qui ont été mis en place par d’autres soi-disant au nom du Praja, qu’il s’agisse des Britanniques, des Maharajas, des partis politiques ou de n’importe qui d’autre. Elle exige que de nouveaux arrangements soit établis, des mécanismes par lesquels la souveraineté du Praja peut être affirmée et exercée. C’est une condamnation de toutes les institutions créées pour défendre les intérêts particuliers des Britanniques, de leurs collaborateurs et des cercles dirigeants indiens et qui ont été imposées au Praja pour le maintenir dans une condition de soumission ; la gouvernance est exercée par d’autres, par ceux qui ne sont pas Hum. En fait, la gouvernance est au-dessus de Hum et contre Hum.
Cette gouvernance à pour but de garantir que les exigences du Praja, de Hum, de chacun d’entre nous, ne sont pas satisfaites. La solution à ce problème posé par l’histoire et à cette condition d’impuissance est la création d’une situation nouvelle, d’un pouvoir nouveau par le Praja : un Prajaraj, une gouvernance par le Praja, dans laquelle les revendications du collectif peuvent être honorées par tous. Hum Hain Iske Malik, Hindustan Hamara, est un appel pour que les peuples de l’Inde aient le pouvoir de décider. L’Hindustan nous appartient, à nous qui travaillons dans les usines et les champs, dans nos foyers, dans les mines, les écoles et les bureaux. Nous–Hum--devons définir l’ordre du jour qui nous sert. Nous devons déterminer sa direction. Nous ne devons pas laisser d’autres le faire. Tous les obstacles qui se dressent sur notre voie doivent être balayés.
C’est une affirmation de l’antique sagesse et du Taang du Rig-
Veda dans de nouvelles conditions, sur une base moderne et plus élévée, qui déclare que c’est le Praja qui est la source du Raj et du Raja, que le Praja est le fondement et le créateur des sept organes du Rajya ; que c’est le Praja qui est le fondement même de la gouvernance.
Tam medhshu prathamam devayantirvisah up bruvate dasamaarih
(Avide de beaucoup de choses le Praja devrait se faire le dirigeant de la Sabha (assemblée ), car il est l’ami de tous, est une personne cultivée qui désire le bien-être de tous, est un commandant capable d’une armée qui possède les meilleurs armes et véhicules.)
Prajaavata vachsa vahinraasa cha huve ni sateeh devaih. Veshi hotramut potram yajatra bodhi pryantarjanitavasunaam
(Selon les paroles du Praja, avec connaissance, vient la prospérité. À cause de vos efforts constants pour nous apporter le bonheur, nous te louons.) –Rig -Veda
Hum Hain Iske Malik, Hindustan Hamara est un appel vibrant que ce Praja ne se contente plus de mettre son espoir dans cette illusion. Pour s’attaquer aux problèmes de la vie et de la guerre, ce Praja doit être au centre et non mis à l’écart. Sans le Praja au centre, les problèmes de l’humanisation de la société et de la nature resteront sans solution. Ils ne seront pas résolus en faveur des intérêts de tous, afin d’assurer le Sukh et la Raksha (le bien-être et la sécurité) de tous. Le Praja doit relever le défi et affirmer une fois de plus son exigence, Hum Hain Iske Malik, Hindustan Hamara.
La situation actuelle appelle le Praja à créer les mécanismes qui lui permettront d’établir le Prajaraj, de conquérir et d’exercer sa souveraineté en se débarrassant de toutes ces institutions et de tous ces mécanismes qui ont privé le peuple de sa souveraineté. Cet Prajaraj donnera le pouvoir de décider à tous les membres du corps politique et satisfera leurs exigences. Le Parti communiste Ghadar de l’Inde, dans son programme politique, fait sienne cette exigence : Hum Hain Iske Malik, Hum Hain Hindustan, Mazdoor Kisan, Aurat Aur Jawan— Nous les travailleurs, les paysans, les femmes et les jeunes, Nous sommes l’Inde. Un programme d’action et des organisations qualifiées sont nécessaires pour vivifier le facteur humain/conscience sociale afin d’établir ce Prajaraj, en unissant tous ceux qui sont insatisfaits de l’état actuel des choses et sont privés du pouvoir par les pouvoirs en place. Ce programme souligne les arrangements qui doivent être appliqués en pratique pour guider les relations entre les différentes sections du peuple. Comment le bien-être des travailleurs sera-t-il garanti ? Quelles mesures doivent être prises pour garantir que les aspirations séculaires de la paysannerie de vivre à l’abri du besoin et de la faim soient satisfaites ? Quels arrangements seront établis pour les classes moyennes, les étudiants, jeunes, femmes, les Dalits, les nations et les nationalités ? Quelle force spirituelle doit être développée pour faire face aux problèmes actuels ?
Ce programme doit placer la classe ouvrière indienne, en tant que dirigeante de tous les opprimés, au premier rang de la lutte pour établir ce Prajaraj. Elle doit, sans délai, engendrer ce Prajaraj pour le renouveau et le renouvellement de l’Inde.
(Publié originalement en anglais dans le TML Weekly, Vol. 4, No.7, 14 février 1999.)
Note :
Les événements de 1857
Dans son article intitulé « La révolte dans l’armée indienne » publié dans le New-York Tribune le 15 Juillet 1857, Karl Marx décrit ces événements :
« Le 22 janvier, un incendie a éclaté dans des cantonnements non loin de Calcutta. Le 25 février, le 19e régiment indigène s’est mutiné à Berhampore, les hommes refusaient les cartouches qui leur avaient été distribuées. Le 31 mars, ce régiment a été licencié ; à la fin du mois de mars, le 34e régiment d’infanterie indigène, stationné à Barrackpore, a laissé un de ses hommes avancer avec un fusil chargé sur le champ de manoeuvre devant la ligne, qui après avoir appelé ses camarades à se mutiner, a attaqué et blessé l’adjudant et le sergent-major de son régiment. Pendant le combat corps-à-corps qui s’est ensuivi, des centaines de Cipayes ont regardé passivement, tandis que d’autres ont participé au combat et ont attaqué les officiers avec la crosse de leurs fusils.
« Par la suite, ce régiment a été également licencié. Le mois d’avril a été marqué par des incendies dans plusieurs cantonnements de l’armée du Bengale à Allahabad, Agra, Ambala et par une mutinerie du 3e régiment de cavalerie légère à Meerut, et des signes similaires de désaffection dans les armées de Madras et de Bombay. Au début de mai, une émeute se préparait à Lucknow, la capitale de l’Oudh, mais elle a été toutefois comprimée par l’énergie de Sir H. Lawrence. Le 9 mai, les mutins du 3e régiment de cavalerie légère de Meerut ont été conduits à la prison pour subir les diverses peines d’emprisonnement auxquelles ils avaient été condamnés. Le lendemain soir, des cavaliers du 3e de cavalerie, ainsi que de deux régiments indigènes, les 11e et 20e, assemblés sur le champ de manoeuvre, ont tué les officiers qui s’efforçaient de les apaiser, incendié les cantonnements et tué tous les Anglais qui leur tombaient sous la main. Bien que les troupes britanniques de la brigade aient été d’une force supérieure et composée d’un régiment d’infanterie, d’un régiment de cavalerie, et d’un bataillon d’artillerie, elles n’ont pas été capables d’avancer avant la nuit. Après avoir infligé des pertes légères aux insurgés, elles les ont laissés se réfugier dans les champs et se jeter sur Delhi, éloignée de quelque quarante milles. Ils furent rejoints par la garnison indigène, les 38e, 54e et 74e régiments d’infanterie indigène et une compagnie d’artillerie indigène. Les officiers britanniques ont été attaqués, tous les Anglais sur le chemin des insurgés ont été massacrés, et l’héritier du moghol de Delhi a été proclamé roi de l’Inde. Parmi les troupes envoyées au secours de Meerut, où l’ordre avait été rétabli, les soldats de six compagnies indigènes du génie, qui étaient arrivées le 15 mai, ont tué leur commandant, le capitaine Frazer et se sont enfuis dans la campagne, poursuivis par les troupes de l’artillerie à cheval et du 6e dragons de la garde. Cinquante ou soixante insurgés ont été abattus, mais le reste est parvenu à s’échapper vers Delhi. À Ferozepore, dans le Pendjab, les 57e et 45e régiments d’infanterie indigène se sont révoltés, mais ont été matés par la force. Des lettres privées de Lahore indiquent que l’ensemble des troupes indigènes sont dans un état de mutinerie. Le 19 mai, les Cipayes stationnés à Calcutta ont tenté sans succès de s’emparer du Fort St. William. Trois régiments arrivés à Bombay de Bushire ont été immédiatement dépêchés à Calcutta. »