Dans l’actualité le 6 mai
11e anniversaire du début de la guerre menée par les États-Unis contre la Syrie
Rébellion du Golfe contre les États-Unis et leur domination
Un récent article rédigé par le célèbre journaliste et rédacteur en chef Abdel Bari Atwan, publié sur le portail The Cradle, aborde plusieurs événements qui confirment la diminution du statut et de l’influence des États-Unis en Asie occidentale. « Washington est en train de perdre nombre de ses alliés traditionnels dans la région, notamment dans le golfe Persique, et cette tendance semble s’accélérer », écrit Abdel Bari Atwan. Pour informer les lecteurs de ces développements et de leur signification, Dans l’actualité publie sa chronique ci-dessous, où il poursuit.
Quatre développements récents illustrent cette situation.
Tout d’abord, la visite du président syrien Bachar al-Assad aux Émirats arabes unis, vendredi [18 mars]. L’accueil chaleureux que lui ont réservé les dirigeants de ce pays a été un camouflet pour l’administration américaine, ses objections fermement exprimées à cette visite et ses sanctions visant à rendre illégitime le gouvernement syrien.
Deuxièmement, la défiance croissante de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis, les deux plus grands producteurs de pétrole de l’OPEP, envers l’hégémonie des États-Unis Le plus remarquable a été leur rejet des appels du président américain Joe Biden à augmenter la production de pétrole afin de faire baisser les prix et de fournir des approvisionnements supplémentaires pour permettre les sanctions occidentales contre les importations de pétrole et de gaz russes.
Troisièmement, l’échec de la visite du premier ministre britannique Boris Johnson – au nom de Washington – à Abou Dhabi et à Riyad, où il a proféré des menaces voilées à l’encontre des deux pays au cas où ils ne suivraient pas la ligne occidentale sur l’Ukraine, ne participeraient pas à l’imposition de sanctions économiques à la Russie ou ne rompraient pas leurs accords de production de pétrole avec elle.
Quatrièmement, l’invitation lancée par l’Arabie saoudite au président chinois Xi Jinping pour une visite officielle et l’ouverture de Riyad à fixer le prix de ses ventes de pétrole à Beijing en yuan. Cela indique que le royaume et peut-être d’autres États du Golfe pourraient être disposés à rejoindre le nouveau système financier mondial que la Russie et la Chine sont en train de mettre en place comme alternative au système occidental.
De ces quatre développements, l’accueil réservé au président Bachar al-Assad à Abu Dhabi et à Dubaï est le signe le plus clair de cette rébellion du Golfe contre les États-Unis et leur domination. Cette visite n’avait pas besoin d’avoir lieu maintenant ; le fait qu’elle ait eu lieu en dit plus long que tout autre chose sur l’état d’esprit qui règne dans les centres de pouvoir du Golfe.
En outre, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis auraient refusé de recevoir le secrétaire d’État américain Antony Blinken, qui souhaite donner suite à la visite de Boris Johnson pour tenter de réussir là où il a échoué.
Au lieu de cela, dans une rebuffade vue par le monde entier, le ministre des affaires étrangères des Émirats arabes unis Sheikh Abdullah Bin Zayed al Nahyan s’est rendu à Moscou pour s’entretenir avec son homologue russe Sergey Lavrov. La démonstration publique de bonhomie dont ils ont fait preuve n’a fait que remuer le couteau dans la plaie des États-Unis.
Le moment choisi pour le voyage de Bachar al-Assad – le 11e anniversaire du début de la guerre menée par les États-Unis en Syrie pour renverser son gouvernement, et trois semaines après l’invasion de l’Ukraine par la Russie – et l’indifférence des Émirats arabes unis face à la réaction furieuse des États-Unis sont autant de signes du début d’une procédure de divorce avec un partenaire abusif qui trompe ses alliés.
La visite de Bachar al-Assad aux Émirats arabes unis a apporté des avantages importants aux deux pays et à leurs dirigeants. Elle a permis de rompre l’isolement officiel de la Syrie dans le monde arabe et a annoncé la rupture de l’embargo américain imposé au pays. Elle marque le début d’un processus plus large de « normalisation » arabe, qui devrait permettre à Damas de redevenir membre de la Ligue arabe, de jouer un rôle dans le processus décisionnel collectif arabe et de participer au sommet arabe qui se tiendra à Alger en novembre.
Cette mesure audacieuse profite également aux Émirats arabes unis à bien des égards. Elle permet de compenser l’impact extrêmement négatif sur son image qui a résulté de sa signature des accords soi-disant d’Abraham et de sa cour enthousiaste à l’ennemi israélien.
L’établissement de ponts de confiance et de coopération avec l’Axe de la Résistance via la Syrie, l’allié le plus proche de l’Iran, pourrait également aider les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite à trouver des solutions pour sortir de leur bourbier au Yémen. Ce n’est peut-être pas une coïncidence si Riyad propose d’accueillir un dialogue yéménite multipartite et a officiellement invité le mouvement Houthi Ansarullah à y prendre part.
En bref, nous assistons aujourd’hui aux manifestations d’une révolte contre l’hégémonie des États-Unis dans le monde arabe par l’axe de la « modération » arabe dirigé par le trio Égypte-Émirats arabes unis-Arabie Saoudie. D’autres États arabes et du Golfe, tels que l’Irak, l’Algérie et le Soudan, peuvent s’y joindre s’ils le souhaitent. Ce nouvel axe pourrait prendre une forme plus claire lors du sommet d’Alger à l’automne.
Le processus de normalisation arabe avec Israël est appelé à se ralentir. C’est l’erreur la plus grave que les pays normalisateurs – anciens et nouveaux – aient pu commettre, et elle devrait être complètement arrêtée. Mais l’optimisme est de mise à cet égard, car se tourner contre les États-Unis implique également de se tourner contre Israël.
Pendant ce temps, l’avion présidentiel de Bachar al-Assad qui, au cours de la dernière décennie, n’a volé que vers Moscou et Téhéran, semble prêt à faire beaucoup plus de voyages dans les semaines et les mois à venir. Sa prochaine destination après Abu Dhabi pourrait être Riyad ou Le Caire, malgré les efforts des États-Unis pour lui barrer la route.
(LML Quotidien, affiché le 6 mai 2022)
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