Dans l’actualité le 20 avril
L’urgent besoin de services publics centrés sur l’humain
La Colombie-Britannique a besoin d’un service public de transport interurbain
L’article suivant a été publié dans « Policy Note », la publication du bureau de la Colombie-Britannique du Centre canadien de politiques alternatives. La publication peut être consultée ici.
Le nord de la Colombie-Britannique est une vaste région accidentée, principalement montagneuse, dont la taille correspond à peu près à celle de la France. En hiver, ses routes publiques à deux voies sont souvent frappées par des tempêtes de neige et de verglas, ce qui rend les déplacements dangereux et parfois impossibles pour les quelque 280 000 personnes qui vivent et travaillent dans la région.
Mais ce ne sont pas les seules tempêtes qui frappent le Nord. En 2000, le nord de la Colombie-Britannique disposait de trois options de transport interurbain : le service de transport de passagers public de BC Rail entre Vancouver nord et Prince George, la ligne d’autobus privée Greyhound desservant de nombreuses communautés du Nord et le service public VIA Rail entre Jasper et Prince Rupert.
Ces services présentaient de sérieux problèmes, cette insuffisance de services étant un facteur majeur dans la tragédie des femmes disparues et assassinées le long de l’autoroute 16, dont la plupart étaient autochtones et qui, en l’absence de transports publics adéquats, faisaient souvent de l’auto-stop.
Malgré ces lacunes, de nombreuses personnes comptaient sur les transports existants, qu’il s’agisse de personnes âgées, de personnes handicapées ou incapables de conduire, d’étudiants rentrant chez eux, de personnes se rendant au travail dans d’autres communautés, de patients se rendant à des rendez-vous médicaux ou de personnes rendant visite à leur famille et à leurs amis.
Cependant, en 2002, le gouvernement provincial, sous la direction du premier ministre Gordon Campbell, a annulé le service de transport de passagers de BC Rail. Cette décision a été suivie par la privatisation des opérations de transport de marchandises de BC Rail en 2004, qui ont été confiées au CN (ce qui a entraîné un énorme scandale de corruption politique).
Plus récemment, en mai 2018, Greyhound a mis fin à tous ses services d’autobus en Colombie-Britannique, laissant de nombreuses personnes en plan dans la province. En 2021, l’entreprise a mis fin à tous ses services d’autobus au Canada.
Pour aggraver ces problèmes, VIA Rail a récemment réduit son horaire de trois fois par semaine entre Jasper et Prince Rupert à une seule fois par semaine. De plus, alors que VIA Rail avait auparavant la priorité sur les opérations de transport de marchandises de CN, une entreprise privée, la situation a été inversée, ce qui signifie que les trains de marchandises de CN ont la priorité en termes de droit de passage et que le service hebdomadaire de VIA Rail a beaucoup plus de mal à maintenir un horaire fiable et ponctuel.
Ces multiples annulations, réductions et privatisations, en particulier du service d’autobus, ont créé une crise du transport public dans la région et la province, et alarmé de nombreuses personnes dans les communautés touchées.
Pendant plusieurs années, les peuples autochtones, en collaboration avec d’autres, ont joué un rôle de premier plan en faisant pression sur les différents niveaux de gouvernement pour qu’ils s’attaquent à ces graves problèmes de transport, comme le précise le rapport de 2006 sur les recommandations relatives à la route des larmes. Après 10 ans de travail acharné, de lutte et de consultations, ils ont remporté un succès important en obtenant du gouvernement provincial qu’il lance en 2017 le programme de subventions pour le transport communautaire, qui a fourni 2,6 millions de dollars à 11 services de transport communautaire pour des navettes dans les communautés rurales et éloignées afin de compléter les services de transport longue distance existants. Ce financement a récemment été élargi avec 2,8 millions de dollars d’argent frais provenant du programme fédéral-provincial Safe Restart, à partager entre 18 communautés et organisations du Nord (l’organisme qui subventionne est l’organisation à but non lucratif Northern Development Initiative Trust). Ces nouvelles subventions supplémentaires seront sans aucun doute bien accueillies par les communautés qui n’étaient pas desservies auparavant, mais elles soulèvent également des questions quant à la sécurité du financement à long terme du gouvernement.
En ce qui concerne les itinéraires longue distance, le gouvernement provincial a lancé BC Bus North en 2018 pour remplacer les itinéraires du Nord abandonnés par Greyhound et, par l’intermédiaire de la société d’État provinciale BC Transit, a engagé l’entreprise privée Diversified Transportation pour assurer le service. Ce service s’est ajouté au service d’autocars existant Northern Health Connections, mis en place en 2006 pour les personnes se rendant à leurs rendez-vous médicaux dans la région et dans d’autres parties de la province.
BC Transit est responsable de la plupart des différents systèmes de transport en commun municipaux de la province où il a conclu des partenariats avec 59 gouvernements locaux (dans lesquels l’exploitation des autobus locaux est confiée à des sociétés d’exploitation de transport en commun). Mais à part BC Bus North, les services d’autobus interurbains ou interrégionaux continuent d’être très limités, voire inexistants.
En novembre 2021, le vérificateur général de la Colombie-Britannique a publié un rapport de vérification intitulé « Ensuring long-distance ground transportation in northern BC » (Assurer le transport terrestre à longue distance dans le nord de la Colombie-Britannique), qui portait sur les opérations interurbaines de BC Bus North. Il a noté que « les résidents du Nord parcourent souvent de longues distances entre les communautés pour le travail, la santé, l’éducation et pour se connecter avec leurs familles et leurs amis », et que lorsque Greyhound a retiré le service en 2018, cette action a affecté de manière disproportionnée « les personnes à faible revenu, celles vivant dans des communautés rurales, éloignées et autochtones, ou les personnes handicapées ».
Bien que le service BC Bus North ait été créé pour régler le problème et qu’il constitue une amélioration par rapport à la situation antérieure, la vérificatrice générale a constaté plusieurs lacunes. Lorsqu’il était en service, Greyhound comptait 62 arrêts à moins de 10 km d’une collectivité du Nord et offrait un service sur neuf itinéraires. Mais le nouveau service BC Bus North ne couvre que 35 de ces arrêts sur quatre itinéraires. De plus, les trajets de Greyhound étaient pour la plupart quotidiens, mais BC Bus North ne fonctionne plus qu’une ou deux fois par semaine.
La décision de ne pas remplacer les itinéraires qui conduiraient les voyageurs du nord vers d’autres régions de la province est à l’origine d’un grand nombre des arrêts perdus. Selon le ministère des Transports et de l’Infrastructure, d’autres arrêts n’ont pas été remplacés parce qu’ils « n’étaient pas sécuritaires » et, dans le cas d’un itinéraire, « d’autres services étaient disponibles ». Le ministère a également fait remarquer que les tarifs passagers facturés par BC Bus North sont environ 50 % moins élevés que ceux de Greyhound.
De manière plus générale, le vérificateur général s’est dit préoccupé par le fait que « bien que le ministère élabore un plan pour le transport terrestre longue distance dans toute la province, il n’est pas encore clair comment ce travail de planification mènera à une solution durable pour le nord de la Colombie-Britannique en particulier ».
Selon le rapport, le gouvernement provincial « s’attendait à recueillir les commentaires des communautés du Nord dans le cadre de sa planification, mais la pandémie (qui a débuté en mars 2020) a empêché les déplacements et les réunions en personne ». Depuis lors, le ministère des Transports s’est engagé de façon « limitée », mais prévoit d’en faire davantage en 2022.
Dans ce qui semble être une critique implicite du processus, le vérificateur général recommande que la province « assure un large engagement avec les communautés du Nord dans le cadre de la planification de solutions durables de transport terrestre ». Le vérificateur général a également souligné le fait que les rapports mensuels sur les passagers n’ont pas été recueillis, comme prévu, alors que cela pourrait contribuer à la conception de services à long terme.
Un autre problème est celui qu’on appelle la « mosaïque » ou la fragmentation des services. L’organisme « Let’s Ride ! Make Transit BC Wide » — qui est soutenu par des organismes communautaires, des dirigeants autochtones, des associations étudiantes, des organisations pour la justice climatique et d’autres — a réclamé un « réseau intercommunautaire unifié » de propriété publique qui garantisse à tous les Britanno-Colombiens l’accès au reste de la province. Cela est nécessaire plutôt que de simplement rafistoler le mélange fragmenté de fournisseurs de transport privés, sous-traités ou communautaires qui existent dans la province. Comme le fait remarquer l’organisme, la situation a donné lieu à une combinaison de « bons services, de services médiocres et de services inexistants, selon l’endroit où l’on vit ».
En effet, un problème similaire existe avec l’entretien des routes dans la province, qui est divisé en 28 contrats distincts avec des entreprises privées et a donné lieu à des plaintes concernant le manque de coordination, le mauvais service et les conditions dangereuses. De tels arrangements de gestion découlent des politiques néolibérales qui prétendent que d’énormes pans de services publics devraient être confiés au secteur privé à la recherche de profits ou que ces services devraient être éliminés ou, au mieux, réduits à une forme fragmentaire avec des fonds canalisés au profit d’autres intérêts corporatifs.
Un autre exemple inquiétant est le fait que le gouvernement fédéral semble envisager la privatisation partielle d’un corridor clé de VIA Rail dans l’est du Canada. Dans tous ces cas, l’intérêt privé supplante l’intérêt public. À cet égard, Unifor, le syndicat qui compte plus de 2 000 travailleurs employés par VIA Rail, a lancé une campagne nationale pour empêcher la privatisation du service de transport de passagers.
Pour sa part, l’organisme communautaire Let’s Ride ! a récemment lancé une pétition nationale demandant la formation d’une société de transport public unifiée qui relie les communautés de l’océan Atlantique à l’océan Pacifique. La pétition a recueilli près de 1300 signatures et a été présentée à la Chambre des communes le 28 mars par le député Taylor Bachrach.
Une chose est claire dans cette situation : des transports publics sécuritaires, abordables et accessibles doivent être considérés comme un droit pour tous les Britanno-Colombiens, ainsi que pour tous les Canadiens.
Forum ouvrier, affiché le 20 avril 2022.
|
|
[RETOUR]