Dans l’actualité le 16 avril
Sujets de préoccupation économique
L’entreprise publique versus l’entreprise privée pour les projets les plus coûteux
L’investissement des fonds publics pour les projets les plus coûteux peut varier considérablement selon que l’entreprise est publique ou privée ; en grande partie, la différence réside dans le montant qui revient au trésor public lorsqu’il s’agit d’un investissement public dans l’entreprise publique. La raison pour cela n’est pas compliquée. Même lorsque le coût de production et l’investissement initial des deux formes de propriété sont considérés comme étant à peu près les mêmes, il y a une énorme différence qui dépend de qui réclame le profit.
Le profit pour l’entreprise publique retourne dans les coffres du gouvernement directement ou indirectement. Dans ce cas-ci, le profit qui n’est pas exproprié par les intérêts privés va au public et non dans les poches des riches. L’argent obtenu peut être utilisé ailleurs dans l’intérêt public, par exemple pour des investissements accrus dans les programmes sociaux.
En revanche, le profit payé à l’entreprise privée, du moins pour les gros projets, est englouti presque totalement dans les coffres de riches du monde pour qu’ils l’utilisent ailleurs dans leurs empires.
Comment les gouvernements dépensent l’argent public est une question politique importante, surtout alors que le néolibéralisme a maintenant le contrôle de la plupart des gouvernements et de leurs ordres du jour suffocants de payer les riches et de leurs économies de guerre.
Dans une économie moderne, presque tout est un « item coûteux » en raison du caractère des énormes forces productives. Pour l’entreprise publique, les épargnes les plus importantes ou les avantages pour le public se produisent — ou du moins pourraient se produire — lorsque c’est l’entreprise publique qui bâtit et entretient l’infrastructure du pays. Cela comprendrait toute forme de transport moderne, l’entretien quotidien des villes et des villages, la propriété et la gestion d’institutions financières dans l’intérêt public et l’investissement dans les programmes sociaux, en particulier l’éducation et les soins de santé, tandis que les entreprises publiques feraient de la recherche et développeraient des produits pharmaceutiques.
Imaginez les énormes profits publics dans chacun de ces secteurs de l’économie et comment la valeur ajoutée pourrait servir à résoudre les problèmes et humaniser l’environnement social et naturel.
La construction navale au Canada
Mis à part le profit, une autre différence entre l’entreprise publique et l’entreprise privée est comment l’argent dépensé pour les projets coûteux est structuré de manière à favoriser les intérêts privés. Une incitation pour les propriétaires privés est l’inflation continue des coûts de production si le contrat conclu avec le gouvernement leur permet de le faire par le biais d’un arrangement qu’on appelle communément « prix courant majoré ». D’autres facteurs peuvent aussi être en jeu comme pour le cas des deux brise-glaces de la garde côtière.
Un article de décembre 2021 de la Presse canadienne met en lumière le problème qui existe lorsqu’une entreprise privée obtient un contrait pour la fabrication d’un produit coûteux. L’article est intitulé « La construction de deux brise-glaces lourds pour la Garde côtière coûterait 7,25 G $ ». L’article se penche sur « la décision d’Ottawa de construire deux nouveaux brise-glace polaires pour la garde côtière canadienne ». Le coût de production a grimpé jusqu’à 7,25 milliards de dollars. Selon l’article : « cela représente une augmentation spectaculaire par rapport à l’estimation la plus récente du gouvernement, publiée en 2013, qui était alors de 1,3 milliard $ pour un brise-glaces. »
Le plan du gouvernement est de faire construire les deux navires par deux entreprises distinctes : Seaspan Shipyards à Vancouver et le chantier Davie au Québec. Ce facteur à lui seul, qui fait fi de l’économie d’échelle et de l’avantage des gains éducatifs, de l’expertise et de l’expérience lorsqu’on fait affaire à une seule entreprise, ajoutera près de 800 millions de dollars selon le directeur parlementaire du budget Yves Giroux.
Les entreprises privées protègent leurs méthodes, leur expertise et leur technique et ne partageront pas ces connaissances sans être payés parce que la connaissance est considérée comme propriété privée. Si une seule entreprise publique de construction navale faisait ce travail même dans deux endroits différents si nécessaire, toute économie d’échelle et de gains éducatifs, l’expérience et la technique appartiendraient au public et seraient partagées pour le bien de tous et toutes.
Le gouvernement de partis cartellisés reflète la propriété privée de l’économie
La forme de propriété au niveau économique est reflétée dans le système politique actuel de partis cartellisés contrôlé par la grande entreprise. Inévitablement, le favoritisme et même la corruption marquent l’octroi des contrats. Les « gagnants » sont ces entreprises privées, qui ont non seulement la dimension voulue, mais ont aussi les contacts sociaux et l’influence nécessaires, et, en contrepartie de leur contrat, peuvent aider les acteurs politiques dans leurs ambitions électorales en leur fournissant de l’argent, une présence médiatique et d’autres moyens d’accéder au pouvoir.
On peut lire dans l’article : « La décision d’ajouter un deuxième brise-glaces lourd et de diviser le travail entre Vancouver et Lévis a été considérée par certains analystes comme une façon pour les libéraux d’améliorer leurs chances électorales dans ces deux régions politiquement importantes. », ce qui laisse entendre non sans mépris que, selon la PC, certaines communautés sont sans importance.
Un problème connexe est la livraison des moyens de production pour construire les navires, en particulier l’acier. Le Canada ne produit pas l’acier régionalement et même sa capacité nationale, concentrée dans le sud de l’Ontario, ne répond pas à la demande. Transporter de l’acier sur de grandes distances est une entreprise onéreuse.
L’article fait allusion au problème de « couper l’acier » à Vancouver et doute que Seaspan, une compagnie contrôlée par les États-Unis, puisse respecter aucun échéancier ni budget en raison des problèmes d’approvisionnement et d’autres problèmes semblables. Il y est écrit : « Seaspan a souvent eu du mal à respecter les échéanciers dans d’autres projets. Ainsi, de nouveaux navires de soutien de la Marine accusent déjà des années de retard – et des milliards de dollars de dépassement de coûts. Un nouveau navire scientifique hauturier pour la Garde côtière, qui devait coûter au départ environ 100 millions $, coûterait maintenant près d’un milliard. »
Seaspan obtient la plus grande partie de l’acier qu’il utilise de l’extérieur du Canada, et les retards d’approvisionnement et de livraison sont constants. Le Canada pourrait résoudre ce problème en produisant l’acier à partir d’entreprises publiques dans les cinq principales régions du pays. La disponibilité de matières premières pour fabriquer l’acier n’est pas un problème au Canada ; le principal obstacle à résoudre est d’arracher le contrôle du secteur des mains des oligarques mondiaux, qui est un problème politique.
Les représentants de l’oligarchie mondiale manipulent maintenant les dépassements de coûts et les délais de livraison pour les deux brise-glaces en laissant entendre que les Canadiens sont incapables de même avoir une industrie de l’acier ou de construction navale. Selon eux, il faudrait tout simplement d’acheter des navires de pays étrangers ayant des coûts de production inférieurs, c’est-à-dire, un niveau de vie inférieur en ce qui concerne la classe ouvrière. Les Canadiens devraient se contenter d’être des scieurs de bois, des porteurs d’eau, des cultivateurs, des extracteurs et des transporteurs de minerais et devraient oublier l’industrie manufacturière ou tout autre rêve d’avoir une économie à secteurs multiples et suffisant à ses besoins et sans crises périodiques.
Yves Giroux lui-même semble se joindre à la parade impérialiste. La PC écrit que, pour Yves Giroux, « il est devenu clair que la volonté du gouvernement de construire des navires au Canada plutôt qu’à l’étranger s’accompagne d’une ‘prime importante’ en termes de coût. La question de savoir si cette prime en vaut la peine est une discussion politique qui doit avoir lieu, a-t-il déclaré. « C’est une question éminemment politique, car il y a des avantages régionaux qui doivent être pris en compte, et aussi la question de la sécurité nationale lorsqu’il s’agit de maintenir la capacité de construire ce type de navires ici », a-t-il déclaré.
De façon indirecte, Yves Giroux met en lumière les questions clés comme à qui l’économie, qui contrôle et qui décide, qui, bien sûr, sont des questions « éminemment politiques ». Il ne propose pas la possibilité d’une entreprise publique pour résoudre le problème.
Si la politique et l’économie étaient dans les mains du peuple dans un pays de la grandeur du Canada, qui a toutes les ressources voulues et une classe ouvrière éduquée et éprouvée, la construction navale, la fabrication de l’acier et de machines, les autres industries manufacturières et les programmes sociaux seraient tous possibles. Ce serait une économie vibrante à secteurs multiples qui servirait le peuple et non l’oligarchie mondiale et ses vassaux.
Forum ouvrier, affiché le 16 avril 2022.
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