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Le gouvernement de la Colombie-Britannique autorise la violence policière contre les défenseurs de la terre wet’suwet’en
Le ministère de la Sécurité publique a approuvé les opérations policières provinciales pendant les inondations historiques
Des courriels internes obtenus par le biais des lois sur la liberté d’information révèlent qu’en novembre 2021, des ressources policières supplémentaires pour l’arrestation violente de défenseurs de la terre et de l’eau wet’suwet’en dans le nord de la Colombie-Britannique ont été approuvées au moment même où la province faisait face à des inondations sans précédent. Ils montrent que les fonctionnaires du ministère de la Sécurité publique et du Solliciteur général de la Colombie-Britannique ont travaillé ensemble pour fournir des ressources policières provinciales, même si la province avait déclaré l’état d’urgence en raison d’inondations et de glissements de terrain qui ont tué quatre personnes. Les Wet’suwet’en et leurs supporteurs bloquaient pacifiquement une route d’accès aux ressources située sur le territoire des Wet’suwet’en.
Les courriels contredisent les déclarations du surintendant principal de la GRC, John Brewer, chef du Groupe d’intervention pour la sécurité de la collectivité et l’industrie (GISCI) de la GRC, qui gère les conflits liés à l’extraction des ressources[1]. Brewer a déclaré au début décembre que l’opération policière des 18 et 19 novembre « n’était certainement pas prévue pendant les inondations », ajoutant qu’elle « était prévue pour ouvrir cette route avant les inondations ».
À la suite de multiples demandes formulées par le Réseau de télévision des peuples autochtones (APTN), le ministère de la Sécurité publique de la province a finalement confirmé que le ministre de la Sécurité publique, Mike Farnworth, avait donné son approbation verbale au déploiement de ressources provinciales dans le nord le jour même où les inondations ont touché des régions des Basses Terres, du sud de l’Intérieur et de l’île de Vancouver, tôt le matin du 15 novembre.
Le ministère a continué à mettre au point ces ressources et à surveiller l’évolution de la situation sur le chemin forestier Morice, ce qui a donné lieu par la suite à l’opération de démantèlement de la GRC les 18 et 19 novembre.
Le 14 novembre, les membres du clan Gidimt’en ont érigé un barrage routier pour faire respecter leur avis d’expulsion à Coastal GasLink, donnant un préavis de huit heures, puis une prolongation de deux heures pour que l’entreprise retire les travailleurs de ses camps.
Mike Farnworth a approuvé verbalement l’utilisation des ressources provinciales pour l’action policière le matin du 15 novembre, alors que la province se démenait pour répondre aux inondations qui avaient provoqué des glissements de terrain peu après minuit le même jour.
« Nous allons mobiliser des ressources pour ouvrir le chemin forestier de Morice dès que possible », avait écrit Brewer dans un courriel envoyé peu avant 10 heures ce jour-là aux membres de la GRC et du ministère de la Sécurité publique. « Compte tenu du nombre et de la position connus des ‘contemnors'[2] qui ont causé le barrage routier, écrivait-il, j’aurai besoin des ressources du groupe tactique d’intervention (TAC, ERT) pour y parvenir », en référence aux militants qui auraient violé une injonction civile, ainsi qu’aux groupes de policiers vêtus de bleu et de vert qui la font respecter.
John Brewster a déclaré que ces unités comptent des membres des niveaux fédéral, provincial et municipal, et qu’il avait donc besoin d’une autorisation verbale et électronique pour les redéployer en vertu de l’article 9.1 de l’accord de service de la police provinciale. L’entente de 20 ans avec le gouvernement fédéral permet à la Colombie-Britannique de redéployer la GRC à l’interne pour faire face à des situations d’urgence si, de l’avis du ministre provincial, il y en a une. De plus, la province est responsable de 70 % des coûts des ressources fournies en vertu de l’entente[3].
Confirmant qu’il « ferait un suivi par écrit », John Brewster a ajouté que « le temps est essentiel en ce moment », notant que l’échéancier pour l’application de la loi était du 16 au 23 novembre, suivi d’une « période de temps pour évaluer et sécuriser le chemin d’accès forestier FSR de Morice jusqu’à ce qu’il puisse être remis au GISCI selon les opérations normales ».
Brewster a reçu une réponse par courriel plus tard ce matin-là de Ward Lymburner, directeur général du ministère de la Sécurité publique pour les accords de police et l’administration de l’application de la loi, disant que le sous-ministre adjoint de la Sécurité publique Wayne Rideout avait confirmé l’approbation verbale du ministre Farnworth pour l’intervention.
Lors d’une rencontre avec les médias le matin même, Mike Farnworth a défendu ce que certains ont appelé la lenteur de la réaction du gouvernement et le manque d’avertissements concernant les inondations, en disant que les glissements de terrain étaient « imprévisibles ». Sa réponse est survenue alors que jusqu’à 100 véhicules étaient coincés sur la route 7, que des équipes de recherche et de sauvetage étaient sur le terrain, que des sauvetages par hélicoptère étaient prévus et que des ordres d’évacuation étaient en vigueur.
Le lendemain matin, le 16 novembre, à l’Assemblée législative de la Colombie-Britannique, Mike Farnworth a abordé la situation sur la route d’accès Morice, déclarant qu’« un barrage routier illégal n’est pas acceptable. Nous travaillons en étroite collaboration avec CGL [Coastal GasLink] et suivons la situation des travailleurs derrière les lignes du barrage routier et, en même temps, nous sommes en contact régulier avec la GRC pour nous assurer que, dans la mesure du possible, nous pouvons résoudre et désamorcer la situation de manière à réduire le potentiel de conflit, ce que personne ne souhaite, je crois ».
Cet après-midi-là, alors que le gouvernement de la province annonçait le premier de plusieurs décès causés par des glissements de terrain, Ward Lymburner a envoyé un courriel à plusieurs fonctionnaires du ministère, dont le sous-ministre adjoint Wayne Rideout, pour leur demander leur avis sur un projet de lettre officialisant les contributions de la province aux services de police dans le Nord.
Comme le fait remarquer le périodique d’information en ligne indépendant The Tyee, « l’ironie de l’envoi de ressources policières pour répondre à l’opposition au pipeline tout en faisant face à l’une des pires catastrophes liées aux changements climatiques de l’histoire de la province n’a pas échappé à de nombreux résidents de la Colombie-Britannique ».
Notes
1. Le Groupe d’intervention pour la sécurité de la collectivité et l’industrie (GISCI) a été créé en 2017 « pour assurer une surveillance stratégique des incidents dans le secteur de l’industrie de l’énergie et des questions d’ordre public, de sécurité nationale et de criminalité qui en découlent ». « Le groupe adhère à la structure de commandement Or-Argent-Bronze qui est un cadre permettant des interventions stratégiques, tactiques et opérationnelles en cas d’incident, d’opération ou d’événement. Dans le cadre de la structure OAB, des processus sont établis pour faciliter la diffusion de renseignements afin de veiller à ce que les décisions soient communiquées de manière efficace et documentées sous forme de piste de vérification. »
2. « Contemnor » est un terme juridique pour désigner une personne qui est l’auteur d’un outrage au tribunal. Une injonction accordée à Coastal GasLink par la Cour suprême de la Colombie-Britannique interdit à quiconque de bloquer l’accès aux chantiers du gazoduc ou aux routes d’accès.
3. Le coût total du maintien de l’ordre sur le chemin forestier Morice au cours des trois dernières années a dépassé les 21 millions de dollars.
(Avec des informations de The Tyee, APTN National News, Assemblée législative de la Colombie-Britannique, Gendarmerie royale du Canada)
Le Renouveau, affiché le 1er avril 2022.
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