Dans l’actualité le 19 mars
Le Canadien Pacifique envoie un avis de lockout à la Conférence ferroviaire de Teamsters Canada
Tous avec les travailleurs du rail! Non à la criminalisation de leur juste lutte!
Le 16 mars, le Canadien Pacifique (CP) a envoyé un avis de lockout à la Conférence ferroviaire de Teamsters Canada (CFTC). S’il n’y a pas de règlement négocié entre les parties, le CP mettra les travailleurs en lockout le 20 mars 2022 à 00 h 01.
Plus de 3 000 travailleurs sont engagés dans cet effort pour renouveler leur convention collective sur la base de leurs revendications sur des questions comme les salaires, les avantages sociaux, les pensions et les règles de travail. Ces travailleurs sont des mécaniciens de locomotive, des chefs de train, des agents de train et des agents de triage. Leur convention collective est arrivée à échéance le 31 décembre 2021 et les négociateurs syndicaux indiquent que depuis le début des négociations en septembre 2021, le CP a refusé d’accéder à leurs demandes de conditions qu’ils jugent acceptables. La CFTC a organisé un vote de grève électronique en février. Début mars, elle a indiqué que 3 062 bulletins de vote avaient été envoyés aux membres et que 96,7 % des participants avaient voté en faveur de la grève si nécessaire.
Dans son communiqué du 16 mars, le président-directeur général du CP, Keith Creel, écrit : « Pour le bien de nos employés, de nos clients, de la chaîne d’approvisionnement que nous servons et de l’économie canadienne qui tente de se remettre de multiples perturbations, nous ne pouvons tout simplement pas prolonger pendant des semaines ou des mois l’incertitude associée à une éventuelle interruption de travail. Le monde n’a jamais eu autant besoin des ressources du Canada et d’un système de transport efficace pour les acheminer qu’aujourd’hui. Retarder la résolution ne ferait qu’empirer les choses. Nous prenons cette mesure dans le but de mettre fin à cette incertitude. »
La certitude que le CP tente d’imposer est que les travailleurs du CP sont blâmés pour tous les problèmes qui affectent la chaîne d’approvisionnement et l’économie canadienne afin que leur lutte puisse être criminalisée par l’État. Le fait de blâmer les travailleurs pour ces problèmes repose sur une vision officielle antiouvrière. En fait, ce sont les travailleurs qui assurent et ont assuré le fonctionnement de la chaîne d’approvisionnement et ils ne sont pas le problème. Ils l’ont fait au péril de leur santé et de leur vie, en particulier au cours des deux dernières années particulièrement éprouvantes et il est inadmissible que le CP attaque ces travailleurs afin de les isoler et de les criminaliser.
Le plan du CP est de les provoquer par un lockout et d’utiliser le lockout pour exiger une loi de retour au travail sous prétexte de mettre fin au chaos qu’il a lui-même créé.
Il est important de noter que juste avant que le CP n’émette publiquement son avis de lockout, le gouvernement de la Saskatchewan, connu pour sa virulence antiouvrière, a demandé au gouvernement Trudeau de classer les travailleurs du rail comme fournissant un service essentiel afin de rendre inefficaces les actions des travailleurs à la défense de leurs droits. On a dit que le premier ministre de la Saskatchewan, Scott Moe, a fait circuler une pétition lors du congrès de l’Association des municipalités rurales de Saskatchewan (SARM) le 16 mars, demandant aux représentants du gouvernement, aux délégués et aux invités de la signer. Selon les médias, il a déclaré que la désignation de service essentiel garantirait l’adoption d’une loi de retour au travail si les travailleurs du CP déclenchent la grève contre le CP. Le premier ministre Scott Moe a également déclaré que son gouvernement s’adresserait à d’autres gouvernements provinciaux dans les prochains jours pour obtenir de l’appui à sa demande.
La CFTC a réagi à l’avis de lockout par un communiqué.
« Nous nous doutions que le CP allait mettre nos membres en lockout, a déclaré Dave Fulton, porte-parole de la CFTC. Le CP continue d’ignorer les revendications de nos membres et refuse de régler les problèmes qu’il a créés. Nous restons déterminés à conclure un contrat de travail acceptable qui réponde aux enjeux vécus par nos membres, qui sont d’ailleurs prêts dans l’éventualité où le CP les mettrait effectivement en lockout. »
Un des enjeux, selon la CFTC, est celui des pensions. Le « crime » des travailleurs est de s’en tenir à leur régime de retraite à prestations déterminées dont les conditions, selon leur convention collective, sont négociables. Ils ont refusé d’adhérer au Compte d’amélioration des pensions du CP, selon lequel les conditions ne sont pas négociables et les décisions sont prises uniquement par le CP. Le CP s’insurge contre les travailleurs, affirmant que cette demande de négociation des prestations de retraite va mettre en péril la santé à long terme du régime de retraite sur lequel comptent 30 000 autres employés et retraités du CP.
Ce n’est pas une position acceptable et certainement pas une justification pour un lockout et une loi de retour au travail.
En ce qui concerne les conditions de travail, sous la direction de l’ancien PDG Hunter Harrison, entre 2012 et 2016, le CP a supprimé 4 500 postes – soit 23 % de la main-d’oeuvre totale de l’entreprise – et a augmenté la longueur et la vitesse de ses trains. Cela a engendré des équipes plus petites travaillant sur moins de trains qui roulent plus rapidement avec des charges plus lourdes. Les travailleurs disent que c’est une situation dangereuse et intenable.
Les travailleurs de Canadien Pacifique ont fait la grève en 2015 et en 2018 pour s’attaquer au problème de la fatigue dans leurs rangs. Le directeur des communications et des affaires publiques de Teamsters Canada, Stéphane Lacroix, a été cité dans les médias au sujet des préoccupations de longue date des travailleurs du CP à ce sujet :
« C’est toujours la même chose d’une négociation à l’autre, a-t-il dit. Les jeunes qui commencent une carrière dans l’industrie ferroviaire ne veulent pas rester. Ils ne veulent pas rester parce qu’ils ne veulent pas passer 50, 60, 70 heures … loin de chez eux. Ils veulent passer du temps avec leur famille, ils veulent travailler, mais ils ne veulent pas travailler tout le temps. C’est donc une situation vraiment difficile. Il y a une pénurie de travailleurs dans ce secteur et elle ne cesse de s’aggraver.
« En fin de compte, CP Rail, et peut-être d’autres compagnies ferroviaires, auront beaucoup de difficultés à recruter de nouveaux travailleurs, parce que les gens ne veulent pas travailler dans ces conditions. Il y a des problèmes qui pourraient mener à des blessures, à de l’épuisement, à la mort, à beaucoup de problèmes mentaux et physiques – et il faut s’y attaquer. »
Au lieu que ces préoccupations soient abordées, ce qui se passe, c’est que les luttes des travailleurs sont de plus en plus criminalisées par l’État afin que tout le pouvoir soit donné aux monopoles et oligopoles privés dans la poursuite du profit privé maximum à tout prix.
Par exemple, aux États-Unis, en janvier de cette année, les travailleurs du rail de Burlington Northern and Santa Fe (BNSF) ont voulu faire la grève contre une « politique d’assiduité » des plus dangereuse qui leur a été imposée et qui entraînerait des mesures disciplinaires et même le licenciement de travailleurs prenant des congés pour des raisons médicales ou même familiales. Le tribunal a jugé que la grève serait illégale. Le juge a déclaré qu’il s’agissait d’un « différend mineur » et que la grève causerait un préjudice irréparable à BNSF et aggraverait les problèmes de la chaîne d’approvisionnement aux États-Unis [1]. Depuis lors, les travailleurs du rail américains doivent travailler dans le cadre de cette politique qu’ils désapprouvent, qui est dangereuse pour leur santé et leur vie, et qui leur a été imposée avec le soutien des tribunaux.
Forum ouvrier dénonce fermement l’avis de lockout émis par le CP et appelle tous les travailleurs à se tenir aux côtés des travailleurs du CP contre cette provocation et cet effort pour criminaliser leur lutte par laquelle ils visent à avoir leur mot à dire sur la détermination de leurs conditions de travail et sur la direction que doit prendre le secteur ferroviaire.
Notes
1. Pour plus d’informations sur la décision du tribunal américain, lire « Les travailleurs du rail mènent une lutte acharnée pour défendre leur moyen de subsistance et leur vie », dans le numéro du 28 février 2022 de Forum ouvrier.
(Forum ouvrier, affiché le 19 mars 2022)
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