Dans l’actualité le 18 mars
À titre d’information
Un militant anti-guerre d’origine ukrainienne aux États-Unis sur le conflit en Ukraine
« Je suis un ukrainien-américain. J’ai grandi et passé plus de la moitié de ma vie en Ukraine, même si maintenant je vis aux États-Unis. Je voulais vous faire part de mes réflexions sur la crise actuelle avec la Russie, parce que les grands médias d’affaires ne partagent jamais des points de vue comme les miens. »
C’est ce qu’écrit Yuliy Dubovyk dans un article publié le 14 mars sur Multipolarista.com. En voici des extraits.
C’est sans aucun doute une période stressante, pour des raisons évidentes. Heureusement, ma famille et mes amis au pays sont en vie et se portent assez bien dans les circonstances. Malheureusement, au cours de la dernière décennie, ce n’est pas la première fois que je dois prendre des nouvelles de mes proches là-bas, et ce pour les mêmes raisons. C’est de cela que je voulais parler.
Vous voyez, le gouvernement des États-Unis s’est ingéré en Ukraine pendant des décennies. Et le peuple ukrainien en a souffert.
Le soutien écrasant que les gouvernements et les médias occidentaux ont fourni à l’Ukraine depuis l’invasion de la Russie le 24 février n’est pas réellement en fait motivé par le souci du peuple ukrainien. Ils nous utilisent pour promouvoir leurs intérêts politiques et économiques.
Nous le savons parce que Washington a renversé notre gouvernement deux fois en une décennie, a imposé des politiques économiques néolibérales qui ont fait de notre pays le plus pauvre d’Europe et a alimenté une guerre civile dévastatrice qui, au cours des huit dernières années, a coûté la vie à 14 000 Ukrainiens et en a blessé et déplacé beaucoup plus.
Les faits suivants ne sont pas mentionnés par les médias, car ils contredisent les objectifs de politique étrangère du gouvernement américain. Donc, à moins que vous ne soyez activement engagé dans le mouvement contre la guerre, les informations ci-dessous sont probablement nouvelles pour vous. C’est pourquoi j’ai voulu écrire cet article.
Le gouvernement des États-Unis a soutenu deux coups d’État en Ukraine et a alimenté une guerre civile qui a tué 14 000 Ukrainiens.
Le premier coup d’État en douceur soutenu par les États-Unis en Ukraine a eu lieu en 2004, lorsque le candidat présidentiel soutenu par l’Occident, Viktor Iouchtchenko, a perdu les élections.
Le vainqueur du scrutin de novembre 2004, Viktor Ianoukovytch, étant présenté comme pro-russe, les gouvernements occidentaux ont refusé de reconnaître sa victoire et ont déclaré une fraude électorale.
Les forces soutenues par l’Occident en Ukraine se sont alors mobilisées et ont mené une révolution de couleur classique, appelée « révolution orange ». Elles ont forcé un autre second tour de scrutin en décembre, à l’issue duquel leur candidat, Viktor Iouchtchenko, a été déclaré président.
En 2004, dans un rapport d’une honnêteté choquante intitulé « La campagne américaine à l’origine de l’agitation à Kiev », le journal britannique The Guardian a admis que la « révolution orange » était « une création des États-Unis, un exercice perfectionné et brillamment conçu de promotion d’une image de marque et de commercialisation de masse occidentales », financé avec au moins 14 millions de dollars.
« Financée et organisée par le gouvernement des États-Unis avec l’aide de consultants spécialisés, de maisons de sondage, de diplomates, des deux grands partis aux États-Unis et d’organisations non gouvernementales américaines, la campagne a tenté de renverser les gouvernements de quatre pays en quatre ans, s’est vanté The Guardian, en ciblant la Serbie, la Géorgie, le Belarus et l’Ukraine.
Tout comme aux États-Unis, les présidents ukrainiens sont nommés et gouvernent dans l’intérêt des riches oligarques, de sorte qu’aucun président ukrainien ne termine son mandat avec une cote particulièrement élevée. Le président Viktor Iouchtchenko, soutenu par les États-Unis, a toutefois établi un nouveau record d’appui populaire, le plus faible de l’histoire.
Lors de l’élection présidentielle suivante, en 2010, Viktor Iouchtchenko n’a obtenu que 5 % des voix, ce qui devrait vous donner une idée de sa popularité réelle.
Au cours de son premier mandat, Viktor Iouchtchenko a appliqué un programme d’austérité, réduit les dépenses sociales, renfloué les grandes banques, déréglementé l’agriculture, plaidé pour l’adhésion à l’OTAN et réprimé les droits des minorités linguistiques comme les russophones.
Le deuxième coup d’État soutenu par les États-Unis en Ukraine a été lancé à la fin de 2013 et a usurpé le pouvoir en 2014, une décennie seulement après le premier.
Viktor Ianoukovitch, fréquemment qualifié de pro-russe par les médias occidentaux mais en fait tout simplement neutre, a remporté l’élection présidentielle de 2010 de façon honnête.
Mais en 2013, Viktor Ianoukovitch a refusé de signer un accord d’association avec l’Union européenne (UE), qui aurait constitué une étape vers l’intégration de l’Ukraine à l’UE. Pour faire partie de ce programme, Bruxelles avait exigé que Kiev impose un ajustement structurel néolibéral, en vendant les actifs du gouvernement et en donnant au Fonds monétaire international (FMI) dirigé par Washington un contrôle encore plus grand sur les dépenses de l’État ukrainien.
VIktor Ianoukovitch a rejeté cette proposition au profit d’une offre plus favorable de la Russie. Ainsi, une fois de plus, les organisations soutenues par l’Occident ont rassemblé leurs partisans sur la place Maïdan à Kiev pour renverser le gouvernement.
Comme ce fut le cas lors de la « révolution orange » en 2004, les États-Unis ont envoyé des hommes politiques pour rencontrer les dirigeants des manifestations, puis les putschistes, fin 2013 et début 2014. Les sénateurs américains John McCain, Chris Murphy et d’autres ont pris la parole devant de grandes foules à Maïdan.
À un moment donné, le contrôle de la situation et la direction des manifestations ont été pris en main par les forces d’extrême-droite. Les dirigeants d’organisations telles que Svoboda (un parti néonazi) et Secteur Droit (une coalition d’organisations fascistes) se sont adressés aux manifestants, parfois côte à côte avec leurs soutiens américains comme John McCain.
Plus tard, leurs organisations ont agi comme fer de lance de l’attaque contre la police ukrainienne lors du violent coup d’État de février 2014, et elles ont été les premières à prendre d’assaut les bâtiments gouvernementaux.
Avec le succès des forces soutenues par les États-Unis et des fascistes, le président Viktor Ianoukovytch a fui le pays vers la Russie.
Des représentants du gouvernement des États-Unis ont rencontré les putschistes et ont nommé un néolibéral de droite, Arseni Iatseniouk, à la tête du nouveau régime, car ils ont reconnu qu’ils ne pouvaient pas nommer les fascistes et maintenir la légitimité.
L’enregistrement d’un appel téléphonique fuité entre Victoria Nuland, la secrétaire d’État assistante pour l’Europe et l’Eurasie, et l’ambassadeur des États-Unis à Kiev, Geoffrey Pyatt, a montré que Washington a choisi qui seraient les dirigeants du nouveau régime issu du coup d’État. Victoria Nuland a appelé Arseni Iatseniouk affectueusement « Iats », en disant : « Iats est le gars ».
Les premières actions du gouvernement issu du coup d’État de 2014 ont été d’interdire les partis de gauche dans le pays et de réduire encore plus les droits des minorités linguistiques. Puis les fascistes ukrainiens ont attaqué les manifestations contre le coup d’État partout dans le pays.
Alors que les manifestations contre le coup d’État étaient violemment dispersées par l’extrême-droite, deux régions de l’est du pays, le Donetsk et Lougansk, se sont soulevées et ont déclaré leur indépendance de l’Ukraine.
Les habitants de la Crimée ont également voté pour quitter l’Ukraine et rejoindre la Russie. La Crimée abrite une base militaire russe et, sous leur protection, ils ont pu voter en toute sécurité.
Les habitants de Donetsk et de Louhansk ont eu moins de chance. Le gouvernement putschiste a dépêché l’armée pour réprimer leurs insurrections.
Au début, de nombreux soldats ukrainiens ont refusé de tirer sur leurs propres compatriotes, dans cette guerre civile que leur gouvernement appuyé par les États-Unis a déclenchée.
Voyant l’hésitation de l’armée ukrainienne, des groupes d’extrême-droite (et les oligarques qui les appuyaient) ont formé des soi-disant « bataillons de défense territoriale », portant des noms comme Azov, Aidar, Dnipro, Tornado, etc.
Tout comme en Amérique latine, où les escadrons de la mort soutenus par les États-Unis tuent des politiciens de gauche, des socialistes et des organisateurs syndicaux, ces bataillons fascistes ukrainiens ont été déployés pour mener l’offensive contre les milices de Donetsk et de Louhansk, tuant des Ukrainiens russophones.
En mai 2014, des néonazis et d’autres forces d’extrême-droite ont attaqué une manifestation contre le coup d’État dans la ville importante d’Odessa. Quarante-huit personnes ont été brûlées vives dans un bâtiment des syndicats.
Ce massacre a attisé les flammes de la guerre civile. Le gouvernement ukrainien a promis d’enquêter sur ce qui s’est passé, mais ne l’a jamais vraiment fait.
Après le coup d’État de 2014, l’Ukraine a organisé une élection sans aucun candidat d’opposition sérieux, et le milliardaire Petro Porochenko, soutenu par l’Occident, l’a emporté.
Petro Porochenko était considéré comme le plus « modéré » de la coalition de droite issue du coup d’État. Mais cela ne signifiait pas grand-chose, étant donné que de nombreux partis d’opposition ont été interdits ou attaqués par l’extrême-droite lorsqu’ils ont tenté de s’organiser.
En outre, les régions qui auraient pu apporter un soutien plus important aux voix qui souhaitaient la paix avec la Russie, comme la Crimée et le Donbass, s’étaient séparées de l’Ukraine.
Le nouveau président a eu la tâche impossible d’essayer de paraître suffisamment patriotique pour l’extrême-droite tout en étant suffisamment « respectable » pour que l’Occident continue à le soutenir publiquement.
Pour apaiser l’extrême-droite, Petro Porochenko a remis des récompenses aux anciens combattants de la Deuxième Guerre mondiale « des deux côtés », y compris ceux qui ont combattu dans des milices alignées sur l’Allemagne nazie, comme l’Organisation fasciste des nationalistes ukrainiens et l’Armée insurrectionnelle ukrainienne.
Le gouvernement ukrainien a officiellement rendu hommage aux dirigeants de ces organisations, Stepan Bandera et Roman Choukhevytch, qui ont organisé le massacre de plusieurs milliers de Polonais, de Juifs, de Russes et d’autres minorités pendant la Deuxième Guerre mondiale et qui ont volontairement participé à l’Holocauste.
Le jour férié, la Journée des défenseurs de l’Ukraine, ou Journée des forces armées ukrainiennes, a été déplacé au 14 octobre, pour correspondre à la date de fondation de l’Armée insurrectionnelle ukrainienne soutenue par les nazis.
C’est pourquoi vous voyez parfois des insignes rouges et noirs sur les soldats ukrainiens. Ce symbole témoigne du soutien aux forces fascistes ukrainiennes pendant la Deuxième Guerre mondiale.
(Je dois également faire une remarque distincte mais importante : L’Ukraine faisait auparavant partie de l’Union soviétique, et la majorité de la population ukrainienne pendant la Deuxième Guerre mondiale a soutenu l’Armée rouge et a activement résisté à l’occupation nazie de leur pays. Les collaborateurs et les partis fascistes ukrainiens n’ont n’ont pas eu le soutien aussi large que la résistance antifasciste et ont surtout été actifs pendant la période d’occupation nazie).
Une grande partie de la guerre civile qui a éclaté en Ukraine après le coup d’État de 2014 a été menée sous Petro Porochenko.
De 2014 à 2019, en cinq ans de guerre civile dans le Donbass, la région géographique qui englobe les républiques de Louhansk et de Donetsk, plus de 13 000 personnes ont été tuées, et au moins 28 000 ont été blessées, selon les statistiques officielles du gouvernement ukrainien. C’était des années avant l’invasion de la Russie.
L’armée ukrainienne et ses alliés paramilitaires d’extrême-droite sont responsables de la grande majorité des victimes civiles ; l’ONU a signalé en janvier 2022 qu’entre 2018 et 2021, 81,4 % de toutes les victimes civiles causées par des hostilités actives se trouvaient à Donetsk et à Louhansk.
Ce sont des Ukrainiens russophones qui sont tués par leur propre gouvernement. Il ne s’agit pas de forces russes secrètes.
Des chercheurs de la RAND Corporation, organisme parrainé par le gouvernement américain, ont reconnu dans un rapport publié en janvier 2022 dans le magazine Foreign Policy que « même selon les propres estimations de Kiev, la grande majorité des forces rebelles est constituée de résidents locaux, et non de soldats de l’armée régulière russe ».
Pendant ce temps, des millions d’Ukrainiens ont fui le pays en raison du conflit, en particulier des régions orientales qui ont vu la plupart des combats.
Les États-Unis ont fortement soutenu Petro Porochenko et le gouvernement ukrainien alors qu’ils menaient cette guerre brutale qui a fait des milliers de morts, des dizaines de milliers de blessés et des millions de déplacés.
C’est pourquoi je dis que le gouvernement des États-Unis ne se soucie pas réellement de l’Ukraine.
En 2019, le peuple ukrainien a clairement montré qu’il s’opposait à cette guerre en votant massivement contre Petro Porochenko lors des élections. L’actuel président ukrainien Volodymyr Zelensky a obtenu 73 % des voix, contre seulement 24 % pour Petro Porochenko.
Volodymyr Zelensky a fait campagne sur un programme de paix. Il s’est même adressé en russe aux régions russophones de l’est du pays.
Cependant, très rapidement après son entrée en fonction, Volodymyr Zelensky a changé de ton. À l’instar du prétendu « modéré » Petro Porochenko, Volodymyr Zelensky s’est fait dire qu’il risquait de perdre le soutien de l’Occident et la loyauté de l’extrême-droite, qui pourrait menacer de le tuer.
Le président ukrainien a donc fait volte-face par rapport à sa rhétorique pacifique et a continué à appuyer la guerre civile.
Les néonazis ont une influence significative sur les services de sécurité de l’État ukrainien.
Il convient ici d’aborder un autre point important : Le gouvernement ukrainien n’est pas directement dirigé par des fascistes mais, en Ukraine, les forces fascistes ont une influence significative dans l’État. Après le coup d’État de 2014 soutenu par les États-Unis, les néonazis ont été intégrés dans l’armée, la police et l’appareil de sécurité de l’Ukraine. Ainsi, bien que la représentation parlementaire des partis fascistes ne soit pas importante (ils n’obtiennent souvent seulement quelques points de pourcentage des voix aux élections), ces extrémistes continuent d’être soutenus par l’argent des contribuables par l’intermédiaire d’institutions d’État non élues.
De plus, ces néonazis ont les moyens pour terroriser leurs adversaires politiques. Ils peuvent mobiliser rapidement des dizaines ou des centaines de personnes à tout moment pour attaquer leurs adversaires. De plus, ces fascistes sont des combattants très motivés qui s’assurent de la loyauté de l’armée ukrainienne. Ils représentent une faction puissante de l’échiquier politique ukrainien, et l’une des forces de la société ukrainienne qui pousse à l’escalade de la guerre avec les régions séparatistes et la Russie.
Je vois parfois des gens essayer de rejeter ce fait en disant : « Comment l’Ukraine peut-elle avoir tous ces nazis si son président est juif ? » Voici la réponse : les nazis ne sont pas nommés par Volodymyr Zelensky. Ces fascistes ont une influence majeure dans l’appareil de sécurité non élu de l’État. Ils ont systématiquement infiltré l’armée et la police. Et ils bénéficient même du soutien et de la formation des gouvernements occidentaux et de l’OTAN. La position des fascistes s’est considérablement renforcée en Ukraine au cours des huit années de la guerre civile, de 2014 à 2022.
Pour ces raisons, les présidents ukrainiens (juifs ou non) doivent prendre en considération la position de l’extrême-droite. (Sans parler de la possibilité que les gangs d’extrême-droite menacent de tuer le président ou d’autres politiciens s’ils les défient). En outre, les forces qui s’opposent normalement au fascisme ou qui s’opposeraient à la guerre civile n’existent pas en masse depuis huit ans en Ukraine : après le coup d’État de 2014, de nombreux partis de gauche et socialistes se sont fait interdire par le gouvernement ukrainien et ont été attaqués dans les rues par les fascistes.
Tout président ukrainien, surtout depuis le coup d’État, est fortement dépendant du soutien du gouvernement des États-Unis également. Volodymyr Zelensky est donc en grande partie l’otage de la situation. Lorsque Washington dit à Volodymyr Zelensky qu’il doit poursuivre la guerre civile en Ukraine contre ses propres promesses électorales, soutenir l’adhésion à l’OTAN, ignorer l’accord de Minsk II de 2015, ou même demander des armes nucléaires, il fait tout ce qu’on lui dit.
Comme tout autre régime fantoche des États-Unis, l’Ukraine n’a pas de réelle indépendance. Kiev a été activement poussé à affronter la Russie par toutes les administrations américaines, contre la volonté de la majorité du peuple ukrainien. Le fait que la plupart des Ukrainiens voulaient la paix avec la Russie s’est traduit par le fait qu’ils ont voté pour le candidat de la paix Volodymyr Zelensky en si grand nombre, soit 73 %. Et le fait que Volodymyr Zelensky ait fait un virage à 180 degrés par rapport à cette promesse montre le peu de pouvoir politique dont il dispose en réalité. […] »
(14 mars 2022. Multipolarista.com)
(LML Quotidien, affiché le 18 mars 2022)
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