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Les travailleurs persistent à soulever leurs justes revendications
Les professionnelles de la santé exigent l’abolition du temps supplémentaire obligatoire
Le 12 février, la Fédération Interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) annonçait qu’elle avait demandé à l’Organisation internationale du travail (OIT) d’intervenir pour stopper le travail forcé des professionnelles en soins de santé. Devant l’inaction du gouvernement du Québec, elle et ses syndicats affiliés ont participé au dépôt d’une plainte contre le temps supplémentaire obligatoire (TSO) au Bureau international du Travail (BIT), associé à l’Organisation internationale du travail, elle-même une agence de l’ONU, pour que cesse cette pratique de gestion discriminatoire envers les professionnelles en soins, majoritairement des femmes, qui porte atteinte à leur santé, à leur sécurité et à leur dignité.
Dans un communiqué, la FIQ affirme : « Par ce geste, nous dénonçons le recours systématique au TSO, qui laisse les professionnelles en soins sans protection devant le chantage, les menaces et l’intimidation de leur employeur. La tolérance du gouvernement face à cette forme de travail forcé est discriminatoire, puisqu’il vise les femmes qui forment la majorité de sa main-d’oeuvre. La pratique n’étant pratiquement pas documentée, personne, que ce soient les dirigeants du réseau ou les autorités gouvernementales, n’est imputable. Or, les effets dommageables sur la santé des professionnelles en soins dont la dépression, l’épuisement professionnel et l’invalidité sont bien documentés.
« Le temps supplémentaire obligatoire est l’une des causes de la grave pénurie de main-d’oeuvre que connaît le réseau de la santé québécois et ne doit en aucun cas être considéré comme une solution pour y pallier. C’est le gouvernement qui a la responsabilité de ne plus tolérer cette pratique sur son territoire. Il a le pouvoir de forcer les employeurs à agir sur cette question. Son immobilisme exige qu’il soit sévèrement rappelé à l’ordre. »
Dans son rapport « soumis selon l’article 19 de la constitution de l’OIT », le syndicat explique en détails les tenants et les aboutissants du recours par l’employeur au temps supplémentaire obligatoire. Voici certains des points qui s’en dégagent :
– Le recours au TSO dans le cours normal des opérations des établissements de santé au Québec s’est accentué et généralisé à l’ensemble du réseau dans les dernières années. Cette situation a provoqué de nombreuses conséquences sur les professionnels ainsi que sur les soins de santé offerts à la population.
– Le recours systématique au TSO comme outil de gestion des besoins courants et prévisibles par les employeurs du réseau, est contraire aux conventions no 29 et no 105 de l’OIT.
– Le recours au TSO est à ce point banalisé et normalisé au Québec, que la FIQ et ses syndicats affiliés sont contraints de s’adresser à l’Organisation internationale du travail afin de confirmer qu’elle porte atteinte aux droits fondamentaux du personnel infirmier qu’ils représentent.
– La situation n’en est pas une uniquement de mauvaises conditions de travail mais où l’utilisation de la menace transforme la relation des parties en une certaine forme d’exploitation — ce qui constitue du travail forcé, une pratique qui se situe en marge du cadre législatif québécois et canadien.
– La FIQ demande entre autres à l’OIT d’agir pour assurer l’imputabilité des employeurs et des gestionnaires du réseau lorsqu’ils imposent du travail au personnel infirmier et de supprimer le recours au travail forcé ou obligatoire sous toutes ses formes, ce qui implique à la fois une obligation de s’abstenir d’utiliser du TSO, une obligation d’agir pour éviter les situations facilitant son usage et sanctionner les abus.
La lutte sans relâche des travailleuses et travailleurs de la santé du Québec contre le temps supplémentaire obligatoire et pour mettre fin au bafouage brutal de leurs droits humains les plus fondamentaux est en soi une grande préoccupation pour les travailleurs et la société dans son ensemble. L’abolition du TSO une fois pour toutes contribuera considérablement au rétablissement de la dignité et de l’intégrité des professionnelles de la santé ainsi qu’à l’amélioration du système de santé pour le mieux-être de tous et toutes.
L’OIT est depuis 1946 une agence spécialisée de l’ONU. Lorsque la Loi sur les normes du Travail a été adoptée par le gouvernement du Québec en 1979, certaines normes ont été établies en fonction ou dans l’esprit des conventions pertinentes de l’OIT. Le fait que la FIQ ait recours à l’ONU — comme le font d’autres au Québec et au Canada tels les travailleurs accidentés et les Premières-Nations — met en lumière la nécessité que les gouvernements soient imputables. La primauté du droit signifie que ces normes et règlements qui assurent à la société une cohérence de base s’appliquent à tout le monde. Le rôle du gouvernement est de veiller à ce qu’ils soient respectés, et non pas que lui-même les ignore ou y passe outre.
Pour voir la plainte dans son intégralité, cliquer ici.
(Forum ouvrier, affiché le 5 mars 2022)
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