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Les balivernes du gouvernement libéral à propos des consultations de la population sur son prochain budget
Le 31 janvier 2022, la vice-première ministre Chrystia Freeland a fait grand cas de son appel à des suggestions sur ce que devrait contenir le prochain budget fédéral. Le problème est qu’elle présente déjà le contenu principal du budget dans son appel. Elle a dit que l’idée maîtresse du budget était de maintenir le cap et elle énoncé les considérations du gouvernement. Sur le plan économique, les considérations étaient principalement des propos exagérés pour dire à quel point l’économie et la population se portent bien.
« Aujourd’hui, malgré la présence du variant Omicron, nous sommes en bonne position. […] Et notre économie a profité de notre approche, puisque depuis le début de la pandémie, la politique économique la plus importante consistait en une solide politique de santé publique », peut-on lire dans son allocution.
Cela signifie qu’« une solide politique de santé publique » n’exige aucun changement dans le sens d’augmenter les dépenses dans les programmes sociaux et d’arrêter de payer les riches. Beaucoup de Canadiens ont proposé d’augmenter les investissements dans les programmes sociaux parce que la pandémie a révélé à quel point notre système de santé est devenu vulnérable après trois décennies de réduction des dépenses publiques.
« Pour les années à venir, nous devons nous concentrer sur l’emploi et la croissance économique — des priorités qui constitueront les piliers du budget. Et c’est précisément sur cette note que je tiens à annoncer le lancement des consultations prébudgétaires, qui débutent aujourd’hui et se termineront le 25 février. J’encourage tous les Canadiennes et Canadiens à prendre le temps de nous faire part de leurs priorités en visitant le ParlonsBudget2022.ca. […] Nous voulons connaître les priorités des Canadiens alors que nous poursuivons nos efforts pour rendre la vie plus abordable et bâtir une économie encore plus forte pour la suite », dit Chrystia Freeland en conclusion.
Quel problème cela pose-t-il et qui exige une solution ? Pour donner un avis, les Canadiens doivent d’abord contredire l’analyse du gouvernement à propos d’une situation économique idéale, notamment en rappelant que la vie n’est certainement pas devenue plus abordable. De telles objections offenseraient la susceptibilité fragile du gouvernement et amèneraient sans doute Justin Trudeau à les rejeter comme extrémistes.
L’autre problème, dans tout ce discours sur les consultations en dehors des structures gouvernementales existantes, est que rien n’est discuté dans les formes politiques qui sont censées être des tribunes de discussion, comme le Parlement et ses comités. Le gouvernement n’écoute même pas ses propres députés, et encore moins les soi-disant députés de l’opposition des partis cartellisés.
Le Parlement a depuis longtemps cessé de discuter de quoi que ce soit d’une manière cohérente à partir de laquelle l’opinion publique peut se former et les gens s’unir pour résoudre les problèmes. C’est le cas des consultations prébudgétaires en vue du budget 2022 menées par le Comité permanent des finances de la Chambre des communes (FINA) depuis la reprise des travaux du Parlement le 31 janvier.
Le FINA indique que la ministre des Finances, Chrystia Freeland, sera appelée à témoigner. La liste des témoins qui seront appelés à comparaître est encore en cours de finalisation.
En date du 20 janvier, le FINA avait reçu 469 mémoires écrits, dont un bon nombre présentés conjointement par plusieurs organisations, comme celui de la Ontario Seniors’ Care and Assistance Roundtable, composée de 11 membres, dont les organisations membres demandent des investissements pour offrir aux personnes âgées un continuum de soins, depuis les soins à domicile jusqu’aux de soins de longue durée en établissement. Faisant référence au projet de Convention des Nations unies sur les droits des personnes âgées, le mémoire décrit le financement inadéquat des soins de longue durée comme une question de droits humains.
Un autre exemple est celui du Centre pour les sciences de la santé et le droit qui demande le financement d’un programme national et universel de saine alimentation scolaire arguant qu’une mauvaise alimentation est la cause de 20 % des maladies évitables au pays. Il demande également une étude sur l’effet sur la santé des règles d’assujettissement à l’impôt des aliments et des repas au restaurant et dit que les taxes de vente fédérales et provinciales sont appliquées d’une « manière incohérente sur le plan nutritionnel ».
Parmi les autres mémoires, il y a celui d’Imperial Tobacco qui demande la création d’un comité « sur la récupération de milliards de dollars de pertes de recettes fiscales issues du commerce illégal du tabac », entre autres choses. Un mémoire apparenté de la Coalition nationale contre le tabac de contrebande, composée « d’entreprises, d’organismes chargés de l’ordre public et de citoyens préoccupés », demande, entre autres, une augmentation du financement de la Gendarmerie royale du Canada pour la lutte contre le tabac de contrebande[1].
De telles consultations prébudgétaires sont menées par le FINA chaque année, mais n’ont rien à voir avec la participation des Canadiens à l’établissement de la direction de l’économie. La façon dont sont conciliées les demandes concurrentes de fonds publics reste un secret d’État. Quels sont les critères permettant de déterminer quelles demandes contradictoires seront satisfaites ?
Tant et aussi longtemps que le gouvernement se donne le droit de décider quels intérêts privés le budget servira et invite ensuite différents intérêts à se battre pour ce qu’on appelle le « surplus », toutes les discussions sur les consultations publiques sont une imposture. Sans un point de départ fondé sur un projet d’édification nationale qui accorde la priorité au bien-être des Canadiens et à la reconnaissance et la réalisation de leurs droits humains, l’exercice est antisocial.
De plus, dans une situation où, jour après jour, le gouvernement canadien fait la sourde oreille aux revendications du peuple qui réclame une augmentation des investissements dans les programmes sociaux et la fin de la subordination du trésor public aux intérêts économiques des plus puissants, l’objectif des consultations reste suspect. L’offensive antisociale du gouvernement libéral s’acharne sur un système de soins de santé, une population et une économie débordés et vulnérables, et le gouvernement rejette toute opinion contraire aux opinions élogieuses comme étant une source de division et de destruction.
L’appel à des consultations est une imposture et une tentative de convaincre les Canadiens que l’économie et les institutions gouvernementales peuvent fonctionner avec des appels formalistes à la consultation. Au contraire, les anciennes formes politiques et économiques issues d’un système qui favorise la propriété privée et les privilèges exigent un renouveau démocratique pour investir le peuple du pouvoir et une nouvelle direction qui sert les travailleurs et non les grandes entreprises et l’oligarchie dominante.
Note
1. Pour accéder au site Web du FINA, cliquer ici.
(Le Renouveau, affiché le 8 février 2022)