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L’éducation postsecondaire
Fin de la grève militante à l’Université Concordia d’Edmonton
– Dr. Dougal MacDonald –
Le 15 janvier 2022, l’Association des professeurs de l’Université Concordia d’Edmonton (CUEFA) a ratifié l’accord de principe conclu avec l’administration de l’université, mettant ainsi fin à une grève historique dans l’histoire syndicale de l’Albert…a. L’entente ouvre la porte à la reprise des cours le mercredi 19 janvier 2022. Parmi les membres, 89 % (73 des 82 membres) ont voté en faveur de la ratification. « Cette nouvelle entente est une victoire pour le corps professoral, les étudiants et la communauté, car elle permettra à l’université de recruter et de retenir d’excellents professeurs et de jeter les bases d’un environnement d’apprentissage plus solide », a déclaré la présidente de la CUEFA, Glynis Price. « L’action collective est ce qui a rendu cela possible, et la CUEFA est reconnaissante envers les étudiants, les parents, les associations et les alliés à travers le Canada qui se sont mobilisés pour cette grève. »
Les professeurs en grève de l’Université Concordia (Edmonton) et leurs nombreux alliés ont dressé des piquets de grève quotidiens à l’université malgré des températures proches de – 40 degrés Celsius. En plus des membres de la CUEFA qui ont déclenché la grève, des membres de la section locale 3911 du SCFP, du Syndicat de la fonction publique de l’Alberta (AUPE), de l’Association des professeurs de l’Université d’Athabasca (AUFA), de l’Association du personnel académique de l’Université de l’Alberta (AASUA), de l’Association du personnel non universitaire, de l’Association canadienne des professeures et professeurs d’université (ACPPU), de la Fédération du travail de l’Alberta, du STTP, des Teamsters, des monteurs de charpentes métalliques, des enseignantes et enseignants, des infirmières et infirmiers, et bien d’autres ont participé aux lignes de piquetage et envoyé des messages de solidarité et de soutien.
La grève de la CUEFA est la première grève du corps professoral dans l’histoire de l’Alberta et la première grève dans le secteur postsecondaire au cours des deux dernières années et demie. La grève a débuté le 4 janvier 2022, après de nombreux mois de négociations infructueuses avec l’employeur récalcitrant. La présidente du CUEFA, Glynis Price, a déclaré dans une entrevue du 8 janvier : « L’un des plus gros problèmes pour nos membres était en fait la charge de travail. Nos membres du corps professoral ont l’une des charges de travail les plus élevées du pays, avec quatre cours par trimestre. Nous avons pu négocier une diminution de la charge d’enseignement avec des attentes accrues en matière de recherche. »
Glynis Price a également parlé des autres enjeux importants de la grève, notamment la sécurité d’emploi, les droits de propriété intellectuelle et les salaires des professeurs — les plus bas au Canada avant la grève. Bien que certains gains aient été réalisés sur ces fronts, les militants soulignent la nécessité de poursuivre la lutte sur ces questions et aussi d’organiser et de protéger les chargés de cours.
Le statut de plus de 100 chargés de cours, des professeurs qui enseignent sous contrat et qui ne sont membres d’aucune organisation syndicale, est très préoccupant. Comme ils ne sont pas membres de la CUEFA, ils n’ont pas reçu d’indemnité de grève, même s’ils ont été mis en lockout par l’université pour essayer de les utiliser comme un moyen de pression contre les professeurs à temps plein. Pour compliquer davantage la situation, l’Université Concordia est une université « privée », ce qui signifie qu’il n’y a aucune obligation pour les employés de se syndiquer. Les tentatives d’organisation ont été minées par les tactiques sournoises de l’administration. En plus d’être des employés précaires, sans sécurité d’emploi, les chargés de cours sont payés beaucoup moins que ceux des autres universités. Ils reçoivent environ 5 900 $ par cours, alors que les chargés de cours de l’Université de l’Alberta ayant des qualifications équivalentes, par exemple, sont payés plus de 9 000 $ par cours.
La grève de la CUEFA était la première grève du corps professoral postsecondaires sous la Loi 4 de l’Alberta, présentée en mars 2016, qui a finalement « donné » le droit légal de faire la grève au corps professoral postsecondaire de l’Alberta. Avant cela, le corps professoral relevait soit du Post-Secondary Learning Act (PSLA), soit du Public Services Employee Relations Act (PSERA), qui rendaient toutes deux les grèves illégales. Mais le 2 avril 2015, le juge albertain Denis Thomas a jugé que les clauses d’interdiction de grève violaient la Charte canadienne des droits et libertés et a donné au gouvernement provincial jusqu’au 1er avril 2016 pour réécrire les articles incriminés afin que les grèves soient légales. Sa décision fait suite à un jugement rendu le 30 janvier 2015 par la Cour suprême du Canada en Saskatchewan, qui a invalidé une loi provinciale antisyndicale qui empêchait les travailleurs du secteur public de faire la grève, au motif que la loi était inconstitutionnelle. En fait, les travailleurs du secteur public en Alberta n’ont pas le droit légal de faire grève depuis que le premier ministre conservateur Peter Lougheed l’a éliminé en faisant adopter le PSERA, il y a 38 ans.
Comme il fallait s’y attendre, l’un des faibles arguments avancés par l’employeur pour maintenir les salaires des professeurs à un bas niveau était qu’« il n’y avait pas d’argent ». Cependant, les faits contredisent directement cette affirmation. Les inscriptions ont augmenté d’environ 50 % au cours des cinq dernières années seulement. Les frais de scolarité ont également augmenté pour les étudiants. Ainsi, l’université connaît un surplus depuis plusieurs années, notamment un excédent de 11,5 millions de dollars l’an dernier pendant la pandémie. Le comble est que lorsque les négociations de la convention collective ont commencé, l’université a dépensé 1,75 million de dollars pour acheter un manoir voisin. Ce manoir est une propriété patrimoniale qui nécessite un entretien et le paiement de taxes. La zone est résidentielle, ce qui empêcherait la tenue de grandes fêtes et conférences, sans compter que les pièces sont minuscules. Aucune raison crédible pour l’achat du manoir n’a été fournie.
Dans le contexte plus large de l’enseignement postsecondaire en Alberta, la grève de Concordia a eu lieu au moment où plusieurs associations provinciales de professeurs entament des négociations ou sont en médiation et pourraient se retrouver en position de grève. Comme l’a souligné Glynis Price dans son entrevue : « Il y a eu une tentative lente et constante de démanteler notre système postsecondaire dans cette province. Tout l’enseignement supérieur est attaqué. » Mme Price fait ici référence aux coupes brutales effectuées par le gouvernement actuel du Parti conservateur uni dans l’enseignement postsecondaire, ce qui a entraîné le démantèlement du système par le licenciement du personnel, la privatisation des services, la suppression de programmes, l’élimination de cours et même la fermeture de bibliothèques.
Avec leur grève, les professeurs de Concordia ont défendu leurs droits et ceux de leurs étudiants, en soulignant que leurs conditions de travail sont les conditions d’apprentissage des étudiants. Ils ont également défendu le droit à l’éducation et se sont battus pour le système d’éducation publique dont dépend toute la société.
(Forum ouvrier, publié le 24 janvier 2022, Photos : CUEFA)