10 janvier 2025
127e anniversaire de naissance de Sergeï Eisenstein
Sergeï Eisenstein, le grand cinéaste soviétique et sa contribution inestimable au cinéma et à la culture
Sergeï Mikhaïlovich Eisenstein, le grand cinéaste soviétique, est né à Riga le 10 janvier 1898. Il était réalisateur, scénariste, monteur et théoricien de cinéma, célèbre notamment pour son film Le Cuirassé Potemkine.
Le 17 octobre 1917, les bolcheviques, à leur tête Vladimir Ilich Lénine, prenaient d’assaut le Palais d’hiver en Russie, renversaient le tzar Nicholas II et fondaient le premier État ouvrier.
Lénine a écrit que « le cinéma est pour nous, de tous les arts, le plus important » et son gouvernement a priorisé le développement rapide de l’industrie cinématographique soviétique, qui fut nationalisée en 1919 avec la création de l’Institut national de cinématographie et la participation de cinéastes russes tels que Sergeï Eisenstein.
À l’Institut d’ingénierie civile de Petrograd, Eisenstein étudie l’architecture et l’ingénierie, la profession de son père. En 1918, il quitte l’école et se joint à l’Armée rouge afin de participer à la guerre civile en Russie.
En 1920, il fait partie du Théâtre Proletkut (le théâtre du peuple) à Moscou, en tant qu’assistant-décorateur de théâtre, et devient, en peu de temps, codirecteur.
En 1923, Eisenstein publie son premier article sur les théories du montage dans lequel il propose une nouvelle forme de montage, le « montage des attractions ». Ses théories sont suivies de sa première oeuvre, le film révolutionnaire La Grève, réalisé en 1924, sur la grève de travailleurs d’usine en Russie prérévolutionnaire.
En 1928, Eisenstein entreprend une tournée européenne avec son collaborateur Grigori Aleksandrov et le cinéaste Édouard Tissé. Ils étudient le cinéma sonore qui, en 1920, devient aussi populaire que le cinéma muet, et Eisenstein donne des conférences à Berlin, Zurich, Londres et Paris.
Eisenstein rencontre alors les plus grands intellectuels et acteurs au monde, y compris des artistes d’avant-garde comme James Joyce, Jean Cocteau et Robert Desnos en France, et George Bancroft en Allemagne.
À Londres, il donne une conférence à l’Université de Cambridge, où il est l’invité d’honneur à la Trinity College High Table. Il donne aussi des conférences à la Société cinématographique des travailleurs de Londres avec une projection privée du Cuirassé Potemkine. Le gouvernement britannique avait interdit les projections publiques de ce film en raison de son contenu révolutionnaire, interdiction qui est levée en 1954.
Eisenstein, qui est polyglotte, parle couramment l’anglais et a lu, entre autres, Shakespeare, G.K. Chesterton, Charles Dickens, Edward Lear, Rudyard Kipling, Lewis Carroll, Oscar Wilde et Arthur Conan Doyle.
En 1930, il quitte l’Angleterre pour se rendre aux États-Unis où Paramount Pictures lui accorde un contrat pour la production d’un film. Eisenstein propose que ce soit une biographie du marchand d’armes Basil Zaharoff ou une version cinématographique de L’homme et les armes de George Bernard Shaw. Il prépare aussi un script de L’or de Sutter de Blaise Cendrars. Paramount ne partage pas ces idées et propose une version cinématographique de La Tragédie américaine de Theodore Dreiser. Eisenstein avait aimé le roman et avait rencontré Dreiser à Moscou.
Eisenstein complète le script mais subit les attaques du « major » Frank Pease, président du Hollywood Technical Director’s Institute. Pease, un anticommuniste invétéré, mène une campagne publique contre Eisenstein. Le 23 octobre 1930, par un « consentement mutuel », Paramount et Eisenstein déclarent leur contrat nul et non avenu.
Eisenstein dira plus tard : « Le capitalisme américain se manifeste avec force dans le cinéma américain », dans le livre publié à titre posthume, Le film, sa forme, son sens, un recueil d’essais sur la théorie cinématographique et le sens du film.
Alors qu’il est aux États-Unis, il rencontre Charlie Chaplin, Marlene Dietrich et Gary Cooper et entretient une relation amicale avec le romancier Upton Sinclair.
Comme son contrat tire à sa fin, Eisenstein est sur le point de retourner en Union soviétique, mais Upton Sinclair s’arrange pour qu’il voyage au Mexique pour y tourner un film.
Dans son livre Eisenstein : A life in conflict, Ronald Bergan relate que Sinclair écrit à Joseph Staline le 26 octobre 1931 : « Vous avez peut-être eu vent que j’ai accepté de financer un film que le directeur soviétique Sergeï Eisenstein tourne au Mexique. Ce sera une oeuvre extraordinaire, et je crois que ce sera une révélation dans l’art cinématographique. »
Eisenstein tourne beaucoup de scènes au Mexique, mais ne réussit pas à compléter le film qu’il avait intitulé Que viva Mexico ! À partir de ces séquences, le producteur Sol Lesser fait trois films : Thunder over Mexico, Eisenstein au Mexique et Death Ray, tous sortis en 1934.
Eisenstein avait d’ailleurs eu un autre lien avec le Mexique avant cette visite. En 1927, il avait eu l’occasion de rencontrer le peintre muraliste Diego Rivera, qui était en visite à Moscou pour les célébrations du dixième anniversaire de la Révolution russe. Rivera avait vu Le Cuirassé Potemkine d’Eisenstein et l’avait salué comme étant dans la même veine que sa propre oeuvre en tant que peintre au service de la Révolution mexicaine.
Paul Robeson, universitaire, athlète, avocat, acteur, chanteur et défenseurs des droits aux États-Unis, est aussi un contemporain d’Eisenstein. Robeson arrive à Moscou en 1934, accompagné de sa conjointe Eslanda et de Marie Seton, une actrice, critique de films et biographe d’Eisenstein et de Robeson.
![]() Paul Robeson (au centre) avec Sergeï Eisenstein (à droite) |
Seton décrit leur intenses discussions comme suit : « Après avoir pris connaissance de Robeson pendant vingt-quatre heures, Eisenstein, qui était un sceptique et très critique des grands hommes, a reconnu le génie humain de Robeson, qui n’avait pas en lui une once de superficialité. Six jours plus tard, Robeson, qui avait rencontré plusieurs des plus grands artistes et penseurs du vingtième siècle, a dit que sa rencontre avec Eisenstein avait été l’expérience la plus marquante de sa vie. »
Les deux partagent des opinions politiques communes et une fascination pour les cultures et les langues. Grâce à sa connaissance approfondie de l’anglais, Eisenstein peut échanger facilement avec Robeson, sans interprète.
Un intérêt qu’il ont en commun est la Révolution haïtienne de 1804, la seule révolte d’esclaves victorieuse au monde, dans laquelle l’ex-esclave Toussaint Louverture s’est distingué en tant que le plus grand général d’Haïti. Robeson et Eisenstein veulent tourner un film ensemble sur la révolte et sur Louverture, mais en dépit de plans et de discussions en ce sens, le projet reste inachevé.
Haïti elle-même était sous occupation militaire américaine depuis 1915, et elle le sera jusqu’en 1934. Comme le disait Eisenstein à ses étudiants russes en cinématographie en 1932 : « Lorsque j’étais en Amérique, j’ai voulu faire un film sur ce soulèvement, mais ce fut impossible : aujourd’hui, Haïti est virtuellement une colonie des États-Unis. »
« Hollywood », a un jour souligné l’écrivain Paul Foot, « a fait un film sur Spartacus, le dirigeant de la révolte d’esclaves sous les Romains, parce que Spartacus a été vaincu. Toussaint Louverture a été victorieux, donc ils ont décidé de ne pas faire un film à son sujet. »
En 1959, Robeson dit à Jan Carew, le romancier guyanais, que « l’un de ses plus grands regrets est de ne pas avoir pu jouer le rôle de Toussaint Louverture au cinéma ».
Lorsque la Guerre civile éclate en Espagne, en 1936, Eisenstein et Robeson comptent en faire un film.
En outre, Eisenstein se questionne sur la transformation révolutionnaire des arts en soi, la liberté d’expérimenter et de renouveler, l’idée que l’art peut contribuer d’une manière puissante à la transformation sociale du monde et de la conscience.
Deux de ses plus grandes contributions au cinéma sont le montage et la juxtaposition des images.
Eisenstein est convaincu que la signification d’un film est engendrée par la collision de prises conflictuelles. Il décrit le montage comme étant « le fait de combiner des prises de représentation – à signification unique et au contenu neutre – à des contextes et des séries intellectuels ».
Pour lui, l’histoire est un conflit perpétuel dans lequel se heurtent une force et une force contraire et qui produit un phénomène totalement nouveau et plus grand. Il compare ce processus dialectique dans le montage de films à « une série d’explosions d’un moteur à combustion interne, qui propulse l’automobile ou le tracteur ».
Dans son essai Une approche dialectique à la forme cinématographique, Eisenstein insiste sur la question du conflit et de la contradiction, considérés comme moments décisifs pour « la conception juste de l’art et de tous les arts ». « Dans le domaine artistique, le principe dialectique du mouvement s’incarne dans : LE CONFLIT. Comme dans le principe élémentaire et essentiel de toute oeuvre d’art et de toutes les formes d’art. Car l’art est toujours un conflit :
1. à cause de sa mission sociale ;
2. à cause de sa nature ;
3. à cause de sa méthode. »
Le théoricien en cinématographie David Bordwell, sur le site web Senses of Cinema, écrit que les films d’Eisenstein « placent la lutte de classe au centre du changement » et qu’« ils subordonnent les actes de personnages individuels à une dynamique plus large de lutte sociale entre classes en opposition ». Bordwell souligne le lien étroit entre le contenu et la forme de ces films.
Le théoricien ajoute : « Leur contenu est façonné par une compréhension matérialiste marxiste de l’histoire, la théorie du montage, qui est typique de leur forme, est ancrée dans la compréhension d’Eisenstein de la dialectique d’Engels. […] c’est-à-dire, que la juxtaposition d’images conflictuelles engendre une nouvelle signification […] »
Le thème du film Le Cuirassé Potemkine est inspiré d’une vraie mutinerie qui s’est déroulée sur le navire de guerre Potemkine près de la côte d’Odessa en 1905, sauf que l’action se situe en 1917, pendant la Grande révolution socialiste d’octobre.
Le film suit les actions de marins sur le Potemkine et des citoyens d’Odessa. Nous voyons des marins protester contre la nourriture infecte et lorsque confrontés au capitaine et à ses officiers, qui menacent de les fusiller, ils se révoltent. Le chef de la mutinerie est tué et son corps est ramené sur la côte et laissé sur un quai d’Odessa. Bientôt les citoyens en ont vent et viennent pleurer le martyr.
En appui aux marins en rébellion, les citoyens d’Odessa envoient de petits bateaux d’approvisionnement au navire de guerre. Au moment où les masses se rassemblent et descendent les marches d’Odessa, les cosaques arrivent. Pointant leurs fusils et leurs baïonnettes, ils descendent les marches à leur tour et tirent sur la foule sans armes.
Les marins décident de se rendre au port pour aider les citoyens et combattre les cosaques, mais craignent que le reste de la flotte les en empêche. Dans les scènes finales, les marins du Potemkine font signe aux autres marins de la flotte de se joindre à eux, et ceux-ci répondent en brandissant leurs calottes : « Frères ! Hourrah ! »
Les rebelles du cuirassé naviguent librement avec en sous-titre : « Au-dessus des têtes des amiraux du tsar résonne un cri fraternel ! Déploiement du drapeau rouge de la liberté ! »
En 1947, Joseph Staline, Viacheslav Molotov et Andreï Jdanov rencontrent Eisenstein pour discuter de son film Ivan le terrible. Voici certains des échanges au cours de cette discussion provenant du site web Seventeen moments in Soviet History (Dix-sept moments dans l’histoire soviétique).
Staline : « Avez-vous étudié l’histoire ? »
Eisenstein : « Plus ou moins. »
Staline : « Plus ou moins ? Moi aussi, je connais un peu l’histoire. Vous avez montré l’Opritchina de manière incorrecte. L’Opritchina est l’armée du roi, une armée régulière, progressiste. Dans votre film, elle apparaît plutôt comme une sorte de Ku Klux Klan. »
Et plus tard,
Staline : « Votre tsar est indécis, il ressemble à Hamlet. Tout le monde lui suggère ce qu’il doit faire et il ne prend aucune décision. Le tsar Ivan était un grand souverain plein de sagesse […] Et puis voici une autre mesure remarquable d’Ivan le Terrible : il a été le premier à introduire le monopole du commerce extérieur. Lui le premier et Lénine le deuxième. […]
« Il faut montrer les figures historiques correctement en ce qui concerne le style. Ainsi par exemple dans le premier épisode il n’est pas correct qu’Ivan le Terrible se serre si longtemps avec sa femme. À cette époque, on ne faisait pas. »
Molotov : « Le deuxième épisode est trop renfermé dans les caves, dans les souterrains. On n’entend aucun bruit de Moscou, et le peuple ne se voit pas. On peut certes montrer des complots et des répressions, mais pas seulement celles-ci. »
Staline : « Ivan le Terrible était extrêmement cruel. On peut montrer qu’il était cruel. Mais il faut montrer pourquoi il devait être cruel. »
Au sujet de l’acteur B. Chirkov, qui a joué le rôle principal dans La Trilogie de Maxime :
Staline : « Il ne pouvait pas s’exprimer et, pour un artiste, la qualité la plus importante est son habileté à se transformer. »
Et au sujet de différents acteurs de la première partie du film Ivan le Terrible :
Staline : « Kurbsky – est magnifique. Staritsky est très bon (Kadochnikov). Il attrape les mouches excellemment. Aussi : le futur tsar, attrape des mouches avec ses mains ! Ces types de détails sont nécessaires. Ils révèlent l’essence de l’homme. »
Au sujet du film Ivan le Terrible :
Staline : « Si la réalisation du film prend un an et demi, ou deux ans, ou même trois, il faut prendre le temps nécessaire pour qu’il soit bon et sculptural. Nous devons élever la qualité. Qu’il y ait moins de films, mais d’une plus grande qualité. Le spectateur a grandi et nous devons lui offrir de bonnes productions. »
Dans l’édition de 1952 de Sight and Sound, le périodique de l’Institut britannique du film, Le Cuirassé Potemkine a été nommé le quatrième film du palmarès des plus grands films de tous les temps. Cette année-là, Le voleur de bicyclette de Vittoria de Sica a été couronné meilleur film, et Les Lumières de la ville de Charlie Chaplin s’est mérité la deuxième place et La Ruée vers l’or, la troisième.
Potemkine était l’un des films préférés de Chaplin.
En 1951, Le Cuirassé Potemkine a été le premier choix du Festival mondial du film et des beaux-arts de Belgique au titre des meilleurs films du demi-siècle. Il a aussi été le premier choix de l’Exposition universelle de Bruxelles en 1958.
Potemkine était au 54e rang du palmarès de Sight and Sound de 2022.
![]() L’Ordre de l’Insigne d’honneur |
Eisenstein a reçu de nombreux prix, dont deux prix Staline, l’un, en 1941, pour Alexander Nevsky, et l’autre, en 1946, pour le premier film de la série Ivan le Terrible. Il a aussi été récompensé de l’Artiste émérite de la République socialiste fédérative soviétique de Russie en 1935, de l’Ordre de Lénine en 1939, et de l’Ordre de l’Insigne d’honneur.
Sergeï Eisenstein était un écrivain prolifique, d’abord en tant que théoricien, puis en tant qu’auteur de l’article « Le montage des attractions » pour le journal artistique LEF (Left Front of the Arts). Ses deux livres les plus célèbres sont Le sens du film (1942) et sa collection d’essais, La forme cinématographique : Essais sur la théorie cinématographique (1949). Il a écrit Notes d’un réalisateur et des articles théoriques tels que « Eisenstein au sujet de Disney ». Un scénario de La tragédie américaine de Theodore Dreiser et le scénario de Que Viva Mexico ! Lorsqu’il enseignait, il a conçu le programme du cours de réalisateur à l’Université d’État de Russie en cinématographie (UERC).
Un critique littéraire du New York Times a dit de Sens du film que c’était la discussion « la plus édifiante sur l’art cinématographique jamais vu ».
Eisenstein a enseigné la réalisation à l’UERC. Ses illustrations de cours sont reproduites dans Leçons avec Eisenstein de Vladimir Nizhnii. Des exercices et des exemples pour les étudiants étaient des mises en scène des oeuvres littéraires tels que Le Père Goriot d’Honoré de Balzac.
La pédagogie d’Eisenstein, comme ses films, était profondément politique et son enseignement était enchevêtré de citations de Lénine. « Pour Eisenstein, l’enseignement était une fonction aussi vitale que la création », écrit Jay Leyda, traducteur de Forme cinématographique et Le Sens du film.
Sa filmographie comprend : Le Journal de Glumov (court métrage), La Grève, Le Cuirassé Potemkine, Octobre : Dix jours qui ébranlèrent le monde, Tempête sur la Sarraz, La Ligne générale, Romance sentimentale, El Desastre en Oaxaca, Alexander Nevsky, Ivan le Terrible : première partie et Ivan le Terrible : deuxième partie.
Le Cuirassé Potemkine avait causé tout un émoi en Allemagne et a été strictement interdit dans la plupart des pays à l’extérieur de l’Union soviétique, par crainte qu’il incite à la révolution. Octobre a été commandé pour célébrer le 10e anniversaire de la Révolution d’Octobre.
Plus tard, Eisenstein écrira dans ses mémoires que « la révolution m’a offert ce qu’il y a de plus précieux dans la vie – elle a fait de moi un artiste. N’eût été de la révolution, je n’aurais jamais rompu avec la tradition, transmise de père en fils, de devenir ingénieur. […] La révolution m’a permis de connaître l’art, et l’art, en retour, m’a conduit à la révolution. »
Eisenstein est victime d’une crise cardiaque le 2 février 1946 et passe une grande partie de l’année suivante en convalescence. Il meurt d’une seconde crise cardiaque le 11 février 1948, à l’âge de 50 ans. Son corps est exposé dans le Hall des travailleurs du cinéma avant d’être incinéré le 13 février. Ses cendres sont enterrées au cimetière de Novodevichy à Moscou.
Bibliographie
Au-delà des étoiles, Union générale d’éditions, Paris, 1974
Le film : sa forme/son sens, Éditions Christian Bourgeois, Paris, 1976
Dramaturgie de la forme cinématographique, Éditions H.J. Schlegel, 1975
La non-différente nature, écrit entre 1945 et 1947
« Le montage des attractions au cinéma », Cinéma aujourd’hui, Moscou, 1925
The Film Sense, New York Harcourt, 1942-1943.
(Traduction : LML)
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