160e anniversaire de l’exécution des chefs tsilhqot’in
par l’autorité coloniale britannique
26 octobre 1864
L’usurpation de la souveraineté des Tsilhqot’in : une histoire de génocide et de trahison coloniale
Tom Swanky est l’auteur de The True Story of Canada’s « War » of Extermination on the Pacific et d’autres ouvrages sur le même sujet. Il a grandi à Quesnel, en Colombie-Britannique, où cinq patriotes tsilhqot’in ont été exécutés et enterrés en 1864. Il a appris l’existence de la « guerre des Chilcotins » de 1864 grâce aux récits de Johnnie Twan qui, à l’âge de huit ans, a été témoin des pendaisons et a raconté l’histoire au grand-père de Swanky, qui la lui a transmise.
Tom a ensuite passé dix ans à faire des recherches méticuleuses pour que les Britanno-Colombiens puissent comprendre les actes de génocide et de trahison qui ont été commis contre les Autochtones pour faire place au développement capitaliste sous l’autorité coloniale britannique.
Nous reproduisons ci-dessous une entrevue avec l’auteur et historien Tom Swanky réalisée par BC Worker, un supplément du TML Daily, le 5 juillet 2014.
TML : Comment la souveraineté des Tsilhqot’in a-t-elle été usurpée et remplacée par la domination coloniale britannique ?
Tom Swanky : En 1864, il n’y avait eu aucun contact entre l’administration coloniale et la nation tsilhqot’in, donc nous savons qu’à ce moment-là les Tsilhqot’in étaient un peuple souverain vivant sur leur ancienne terre natale. En 1862, ils ont invité des entrepreneurs à construire une route à travers leur territoire. Il y avait deux routes, la route Bentinck et la route de Bute Inlet, qui se rejoignaient au lac Puntzi. La route Bentinck était sous le contrôle de George Cary, procureur général de l’île de Vancouver et conseiller juridique du gouverneur Douglas. Cary est mort certifié fou en 1866. Il a engagé un constructeur de route, un Californien nommé William Hood. Hood n’avait jamais mis le pied en Colombie-Britannique lorsqu’il a accepté le contrat et ne savait pas qu’il était obligé de construire la route en 38 jours, bien que la tâche soit absolument impossible puisqu’il s’agit d’une route allant de Bella Coola au fleuve Fraser. Cary n’avait pas prévu de signer des traités ni de payer des royautés pour la route. Lorsque les entrepreneurs arrivent sur les lieux, ils apportent la variole avec eux. Les preuves montrent que la variole a été délibérément propagée par les personnes associées au projet de la route Bentinck.
Pour obtenir le terrain nécessaire à la construction du relais à la jonction de la route Bentinck/Bute Inlet, ils ont extorqué la terre à une famille tsilhqot’in dirigée par un homme nommé Tahpit en menaçant sa famille de la variole si elle ne donnait pas aux constructeurs une « possession tranquille » (« quiet possession »).
Six semaines plus tard, en juin 1862, les constructeurs ont introduit la variole. En vertu de la loi tsilhqot’in, la seule autorité souveraine dans cette région, trois des entrepreneurs et spéculateurs fonciers, Manning, McDonald et McDougall, ont été reconnus coupables de meurtres multiples par les Tsilhqot’in. Les criminels condamnés ont eu le choix entre un exil permanent en laissant derrière eux leurs biens, demander l’asile ou l’exécution. Les trois hommes étaient trop arrogants pour partir ou demander l’asile, ce qui aurait constitué une reconnaissance de la souveraineté des Tsilhqot’in. Ces derniers les ont donc exécutés. Manning a été abattu par Tahpit, l’homme dont les terres avaient été extorquées ; McDonald par le chef de guerre, Klatsassin (Lhatsassin), dont le fils adolescent, Biyil, a tué le cheval de McDonald ; et McDougall par Ahan, un autre chef de guerre. Ces quatre hommes tsilhqot’in ont été pendus par les autorités coloniales pour « meurtre ». À aucun moment l’autorité coloniale britannique n’avait légalement aboli la souveraineté des Tsilhqot’in ni même approché ces derniers pour signer un traité. Le pouvoir légal de procéder aux exécutions était inhérent à l’autorité souveraine de la nation tsilhqot’in, qui établissait et appliquait la loi sur ses terres.
Du point de vue des Tsilhqot’in, cette propagation de la variole en 1862 marque le début de la « guerre des Chilcotins » ; ils la perçoivent comme un acte d’agression de la part de l’administration coloniale sous Douglas et Cary.
TML : Alors, comment cette « guerre des Chilcotins » se termine-t-elle par l’usurpation du pouvoir souverain des Tsilhqot’in par les colonialistes ?
TS : En mars 1864, lorsque le capitaine Edward Howard débarque l’équipage à Bute Inlet pour construire la route, Howard menace de répandre la variole parmi les Tsilhqot’in pour les punir d’avoir pris de la farine alors qu’ils croyaient qu’elle leur était due. Howard avait passé les années 1840 comme propriétaire de deux navires négriers qui faisaient le commerce illégal d’esclaves entre l’Afrique et le Brésil. L’expérience de 1862 étant encore fraîche dans leur esprit, les Tsilhqot’in ont pris des mesures préventives et commis l’acte de guerre de tuer 14 constructeurs routiers.
Ces morts amènent finalement le nouveau gouverneur de la Colombie-Britannique, Frederick Seymour, en poste depuis moins d’un mois, à tenir la toute première réunion officielle de l’administration coloniale avec la nation tsilhqot’in le 20 juillet 1864. Les deux parties sont à contre-courant : les Tsilhqot’in cherchent à conclure un accord et un traité de paix, qui reconnaîtra leur souveraineté ; Seymour cherche à capturer les chefs de guerre tsilhqot’in pour les tuer afin d’intimider la nation et usurper sa souveraineté.
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Après un mois de négociations, des agents de l’administration coloniale proposent d’absoudre tous les Tsilhqot’in ayant participé à la guerre, de reconnaître le chef de guerre tsilhqot’in comme le grand chef du territoire tsilhqot’in (c’est-à-dire d’établir une reconnaissance diplomatique de la nation tsilhqot’in) et, enfin, d’accueillir une conférence des chefs d’État avec le gouverneur à Puntzi, où se déroulaient les négociations. Lorsque les chefs tsilhqot’in se présentent à la conférence à 8 h 30 le 15 août 1864, ils exécutent la cérémonie sacrée du calumet, après quoi la milice coloniale leur tend une embuscade. C’était la perfidie à nouveau.
La milice les enchaîne avec des pièges à castor et les emmène à Quesnel pour un simulacre de procès, où Mattiew Begbie, le « juge des pendaisons », les condamne à être pendus. La « justice » britannique leur assigne un avocat de la défense, George Barnston, qui était un associé des constructeurs de la route qui avaient propagé la petite vérole. Le 26 octobre, cinq des Tsilhqot’in sont pendus publiquement devant environ 250 personnes, principalement des autochtones, venues de plusieurs centaines de kilomètres à la ronde. Deux de ces cinq ont été pendus pour leur participation à la guerre de Bute Inlet, les trois autres pour avoir exécuté les spéculateurs fonciers qui avaient propagé la variole. La pendaison collective a lieu au-dessus d’un cimetière où les victimes de la variole avaient été enterrées près du fleuve Fraser. Selon l’administration coloniale, ils sont pendus pour « meurtre », même si tous ceux qui ont été tués au cours de la « guerre des Chilcotins » sont morts sur le territoire souverain des Tsilhqot’in, sur lequel la colonie n’exerçait même pas un semblant de juridiction.
Même enchaînés et sous bonne garde, les Tsilhqot’in continuent de croire qu’ils vont à Quesnel pour rencontrer le gouverneur. À la fin du procès, le juge leur a demandé quelle était la peine prévue par leur loi pour un « meurtre ». Ils répondent « la mort », alors il les condamne à la mort par pendaison. Lorsqu’un ministre anglican leur rend visite le lendemain matin, le chef Lhatsassin fut : « Nous voulions dire guerre, pas meurtre. »
Ahan, qui a exécuté McDougall en 1864, a été pendu à New Westminster le 18 juillet 1865, six ans avant l’entrée de la Colombie-Britannique dans la Confédération.
Voilà comment l’administration coloniale s’est convaincue qu’elle avait usurpé la souveraineté des Tsilhqot’in : par la propagation délibérée de la variole, la trahison et le meurtre « légal ».
TML : Merci.
(Traduit de l’anglais par LML. Images/Photos : S. Swanky, www.canadianmysteries.ca)
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