19 septembre 2024
Les infirmières du Québec persistent à défendre la dignité
de leur profession et les droits de tous et toutes
Tous en appui aux 80 000 infirmières du Québec
dont le Non! signifie Non!
• Tous en appui aux 80 000 infirmières du Québec dont le Non! signifie Non!
• La privatisation du système de santé public au Québec
Les infirmières du Québec persistent à défendre la dignité
de leur profession et les droits de tous et toutes
Tous en appui aux 80 000 infirmières du Québec
dont le Non! signifie Non!
Le 30 août dernier, après plus de 500 jours sans convention collective et un dépôt de propositions du gouvernement qui s’avèrent être un recul vis-à-vis les propositions antérieures déjà jugées inacceptables, la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) lançait l’appel à ses 80 000 infirmières de refuser les heures supplémentaires à compter du 19 septembre afin que « la pression reste sur les épaules de l’employeur » et pour que leur non signifie non !
Le 10 septembre, six jours après avoir manifesté devant le caucus présessionnel de la Coalition avenir Québec à Rimouski, la FIQ tenait une autre action publique, cette fois-ci à l’occasion de l’ouverture de l’Assemblée nationale, en installant un campement devant l’édifice du parlement, pour y rester jour et nuit jusqu’au 12 septembre. Les infirmières ont invité les parlementaires et le grand public à venir leur rendre visite, afin de forcer le gouvernement Legault à abandonner ses demandes de flexibilité, c’est-à-dire de déplacer les infirmières où bon lui semble, peu importe leur spécialité. Les infirmières soutiennent à juste titre que leurs conditions de travail sont le gage de soins de santé de qualité pour la population. Elles refusent d’accepter les conditions de travail chaotiques et anarchiques créées par trente ans d’offensive antisociale des gouvernements successifs et l’assujettissement de la santé au secteur privé.
Pendant ce temps, le conciliateur, qui intervient dans le processus de négociation depuis des mois, convoquait la FIQ et le gouvernement pour obtenir une entente. Alors que le gouvernement Legault maintient toujours l’obligation pour les infirmières de se soumettre à la mobilité, le conciliateur a utilisé son « pouvoir de recommandations » et déposé « une solution qu’il considère être un équilibre raisonnable entre les parties pour le renouvellement des conditions de travail », précise la FIQ.
De son côté, le Tribunal administratif du travail faisait savoir à la FIQ le 16 septembre que la consigne donnée à ses membres « de refuser les heures supplémentaires à partir du 19 septembre est une action qui risque de porter préjudice ou est susceptible de porter préjudice à un service auquel la population a droit », comme si c’était les infirmières qui lui portaient préjudice. Au point 27 de la décision, il est précisé : « Aucun ralentissement de travail n’est autorisé en dehors de l’exercice légal du droit de grève. » En conclusion, le Tribunal a ordonné à la FIQ d’informer ses membres « qu’elles ou ils ne doivent pas cesser de façon concertée de travailler des heures supplémentaires et qu’elles et qu’ils doivent fournir leur prestation de travail comme à l’habitude, dans le respect de leurs obligations. »
La FIQ a appelé ses 80 000 membres à respecter l’ordonnance du tribunal. Les 16 et 17 septembre, elle a tenu une séance extraordinaire de son conseil fédéral afin de faire le point sur la négociation nationale et prendre acte de la recommandation du conciliateur concernant le renouvellement des conditions de travail. Le conseil a conclu la séance en appelant ses membres à participer à un vote référendaire sur cette recommandation du 15 octobre à 20 h au 17 octobre à 20 h.
Le refus du gouvernement Legault de négocier un contrat qui soit acceptable pour les infirmières et d’abandonner l’exigence de mobilité a tout à voir avec sa politique antisociale de remettre l’ensemble du système de santé à des intérêts privés étroits. L’agence appelée Santé Québec a été créée avec l’adoption au bâillon du projet de loi 15, Loi visant à rendre le système de santé et de services sociaux plus efficace, le 9 décembre 2023. La loi établit une nouvelle chaîne de commandement, une nouvelle centralisation des pouvoirs décisionnels et administratifs entre les mains du ministère et un conseil d’administration trié sur le volet composé de « top guns » de l’industrie privée à la tête de sa nouvelle agence.
La détermination des infirmières de la FIQ à obtenir des conditions de travail à la hauteur de leurs responsabilités sociales mérite respect et soutien. Un gain de la FIQ est un important gain pour les Québécoises et les Québécois qui aspirent à des soins de santé à la hauteur des plus hauts standards que la société québécoise peut offrir et de leurs besoins.
La privatisation du système de santé public au Québec
– Un travailleur de la santé –
Est-ce que vous avez eu besoin de prises de sang depuis la pandémie ? Avez-vous obtenu un rendez-vous, ou vous êtes-vous résigné à payer 75 dollars et plus dans un centre privé de prélèvement de sang ? Ce sont des scénarios auxquels sont confrontés de nombreux Québécois.
Les centres de prélèvement associés aux hôpitaux et aux centres locaux des services communautaires (CLSC) sont depuis longtemps la référence en matière de prélèvements. Gratuits, ils ont un personnel qualifié et un accès direct au laboratoire pour des résultats rapides et une perte d’échantillons minimale. Jusqu’à la pandémie, on pouvait y entrer sans rendez-vous à la sortie du cabinet du médecin et aussitôt régler la question des analyses sanguines.
Tout a changé durant la pandémie. Durant la période de confinement, on peut comprendre que le sans rendez-vous ait été indésirable : on ne demande pas aux gens de garder leurs distances seulement pour les entasser ensemble dans une salle d’attente. Mais ça devait être une situation temporaire. En fait, un centre de prélèvement ne peut pas fonctionner efficacement de cette manière.
La raison en est purement pratique. Une prise de sang est normalement rapide, de moins de cinq minutes par patient, mais est très variable. Un patient peut avoir du mal à communiquer, avoir des craintes, peut même avoir un malaise, et ses veines peuvent être petites et « fuyantes », comme on le dit en langage populaire. De plus, le centre sert aussi aux demandes prioritaires de l’établissement hospitalier auquel il est rattaché. Un patient envoyé en radiologie a besoin de savoir s’il peut tolérer un produit de contraste plus vite qu’un autre qui aura besoin de ses bilans avant son rendez-vous du mois prochain. Le temps d’attente est donc difficile à prévoir.
La seule manière de planifier des rendez-vous est donc, malheureusement, d’allouer à chacun une longue plage horaire, réduisant grandement la capacité du centre. Et c’est là que la décision politique du gouvernement Legault entre en jeu : après la fin du confinement, on aurait pu rouvrir le sans rendez-vous et récupérer la capacité originale de servir le public. À la place, Legault a choisi de cimenter ce système par l’entremise du site Clic Santé. On ne peut plus entrer dans le centre et attendre son tour, on ne peut même plus téléphoner pour s’inscrire, le centre n’a plus l’autonomie de le permettre.
Selon les technologistes rencontrés à deux hôpitaux de Montréal, chaque préleveur s’occupe d’environ 40 patients par jour, 10 provenant des services de l’hôpital et 30 passant par Clic Santé. Cela donne six patients à l’heure, soit la moitié du rendement optimal. En s’adressant aux patients, on apprend qu’ils avaient attendu trois semaines en milieu hospitalier pour un rendez-vous pour des prélèvements de sang et deux mois en CLSC. Un tel temps d’attente n’est en rien nécessaire et il disparaîtrait en quelques semaines si on revenait à l’ancienne formule.
Le besoin est là, et la capacité à y répondre l’est aussi, pourquoi donc avoir érigé une barrière entre les deux ?
Parce que le gouvernement de la CAQ favorise le privé, tout simplement. Les gens qui ne peuvent pas trouver un rendez-vous avant le suivi avec leur médecin n’ont pas le choix de faire affaire avec des cliniques privées. On parle d’un minimum de 75 dollars si les tests eux-mêmes sont faits dans un laboratoire public, mais ce n’est pas toujours une option, la clinique peut faire affaire avec un laboratoire privé et c’est alors en centaines de dollars que la facture se monte[1]. Qui choisirait de payer autant si l’accès au système public ne leur avait pas été enlevé ?
C’est le choix d’un gouvernement néolibéral que de faire de nos besoins essentiels une source de profits. Notre système de santé nous appartient et le transformer en un canal pour transférer l’argent de nos impôts vers des entreprises privées est une perversion complète de sa mission. Nous n’avons pas, en tant que société, à accepter ces conditions.
Note
1. Exemple de tarification au privé pour les prélèvements et analyses sanguines
Walmart :
« Trois paliers de prix pour simplifier votre démarche (excluant le bilan ITSS)
Les requêtes avec cinq tests et moins : 75 dollars
Les requêtes entre cinq tests et 20 tests : 95 dollars
Les requêtes de plus de 20 tests : 175 dollars
Des frais supplémentaires s’ajoutent pour les frais suivants :
– Analyse/culture urine : 15 dollars
– Vitamine D25OH ou PSA : 20 dollars
– FIT(RSOSI) : 25 dollars
– Bilan ITSS : 175 dollars
Des frais supplémentaires peuvent être requis pour des tests supplémentaires. »
Biron :
« Un bilan sanguin de routine coûte entre 150 dollars et 200 dollars et peut être entièrement ou partiellement couvert par votre assurance privée. »
Lettre à la rédaction
La réforme Optilab et vous
Il est impossible d’ignorer les changements dramatiques que subit actuellement notre système de santé. L’une des réformes touche les laboratoires, un service hospitalier peu visible mais tout de même vital. La réforme Optilab est un projet de centralisation des analyses médicales amorcé par l’ancien ministre de la Santé, Gaétan Barrette, sous le gouvernement libéral de Philippe Couillard, et accéléré sous le gouvernement de François Legault, qui prétend augmenter l’efficacité de l’administration des laboratoires en centralisant les analyses médicales dans ce que l’on appelle des « centres serveurs » [1].
Dans les faits, la centralisation a été préjudiciable tant pour les centres serveurs comme le Centre hospitalier universitaire de Montréal (CHUM), qui sont débordés par le nouveau volume de travail, que pour les petits hôpitaux qui ont perdu du personnel essentiel et qui font face à de nouveaux délais sur les analyses qui ne se font plus sur place.
En tant que travailleuse de la santé, je suis au premier rang pour en voir les effets sur les soins à la population. Pour bien en comprendre la gravité, voici un exemple concret :
Lorsqu’une infection tourne mal, il arrive qu’elle dégénère en septicémie[2], c’est à dire que les bactéries s’installent dans le sang et s’y multiplient. On devine que c’est une très mauvaise nouvelle : non seulement le sang est lui-même vital, mais les bactéries qui l’envahissent sont transportées dans le corps et ont accès à tous les organes. Même avec un traitement optimal, le taux de mortalité dépasse les 30 %, et il augmente de 10 % avec chaque heure de délai. La septicémie est donc une situation urgente, qu’on doit traiter rapidement et efficacement. Aucun compromis n’est acceptable !
Le test complet qui permet de choisir le meilleur antibiotique est long, mais un simple examen au microscope avec un colorant spécial permet de classer les bactéries en grandes catégories, avec des sensibilités aux antibiotiques prévisibles[3]. Cela permet de gagner du temps en attendant le résultat final et sauve de nombreuses vies.
Le délai cible de ce test avant la réforme sous le ministre Barrette était d’une heure à partir de la détection des bactéries. Maintenant, on ne peut pas garantir un résultat en moins de huit heures. Il y a le délai ajouté par le processus d’expédition, la commande au service de courrier privé, le trajet par la route, et enfin, certains laboratoires serveurs ne font même pas la réception des échantillons la nuit.
Et c’est la situation à Montréal où les distances sont courtes ! Les régions sont encore bien plus mal servies. Hors des grandes villes, les trajets sont beaucoup plus longs, et dans le pire cas, sont limités par l’horaire des traversiers qui transportent les prélèvements de sang d’une rive du fleuve St-Laurent à l’autre !
Et on ne sait pas quel nouveau cauchemar va nous tomber dessus avec l’Agence Santé gérée par des figures de proue du privé. Ceux-là même dont les entreprises n’existeraient pas si des Québécois n’étaient pas poussés hors du système public par les compressions et les réorganisations qui mettent des soins essentiels hors de leur portée : pourquoi auraient-ils intérêt à arranger les problèmes mêmes qui ont fait leur fortune ?
François Legault a beau jeu de mettre en opposition les finances du Québec et les syndicats. Ce que les travailleurs de la santé demandent, c’est aussi de garder la capacité à sauver des vies : la vôtre, celles de votre famille et de vos voisins. Nous sommes dans le même bateau, ne laissons personne nous persuader du contraire ! Si un gouvernement n’a pas notre vie, notre bien-être et notre avenir comme priorité, ce n’est pas notre gouvernement !
Notes
1. « Optilab : l’autre réforme Barrette qui bouleverse le système de santé », Radio-Canada, ICI Bas-St-Laurent, 24 septembre 2015
2. « Septicémie et choc infectieux », le Manuel Merck
3. « La fièvre dans le sang », le Lab Expert, décembre 2019, page 8
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