85e anniversaire du Pacte de non-agression germano-soviétique du 23 août 1939
L’historiographie de guerre froide du gouvernement du Canada sur les origines de la Deuxième Guerre mondiale
Le 23 août 1939 est le jour où l’Union soviétique a signé un pacte de non-agression avec l’Allemagne hitlérienne, le Pacte Molotov-Ribbentrop. Elle l’a fait après que la Grande-Bretagne et la France ont refusé de signer le traité d’assistance mutuelle proposé par l’Union soviétique en 1939 pour mettre fin aux concessions comme celles de Munich et éviter que la guerre n’éclate. Selon les archives historiques, les sondages de l’époque indiquaient que l’opinion publique soutenait à plus de 80 % cette offre d’alliance de ces pays avec l’Armée rouge. En mai 1939, alors que la Tchécoslovaquie se faisait engloutir, Winston Churchill a interpellé le premier ministre britannique Neville Chamberlain au Parlement pour exiger la signature du traité d’assistance mutuelle proposé par le gouvernement soviétique, car alors il n’y aurait pas de guerre : « Si vous êtes prêts à devenir les alliés de la Russie en cas de guerre, […] pourquoi vous refuseriez-vous à devenir son alliée dès maintenant, alors que vous pourriez, par ce seul fait, empêcher la guerre d’éclater ?[1] »
Le refus des Britanniques et des Français de signer ce traité d’assistance mutuelle prouve que le premier ministre britannique Neville Chamberlain et son homologue français Edouard Daladier souhaitaient une guerre germano-soviétique à l’Est telle qu’annoncée par Hitler. C’est le refus des Britanniques et des Français de signer le traité d’assistance mutuelle proposé par l’Union soviétique qui a donné à Hitler le feu vert pour occuper l’Europe et déclencher la Deuxième Guerre mondiale.
Mais depuis 1946, l’historiographie anticommuniste est restée pratiquement silencieuse à ce sujet, s’appuyant sur des documents nazis saisis après la guerre pour répandre la désinformation au sujet d’un prétendu protocole secret annexé au pacte de non-agression qui serait la preuve irréfutable que l’Union soviétique était un agresseur en Europe, au même titre qu’Hitler. Aucun protocole secret aussi accablant n’a jamais vu le jour, même lorsque les archives soviétiques sont devenues accessibles après la chute de l’Union soviétique en 1989-1991. Même les spécialistes américains de la guerre froide affirment que la correspondance diplomatique soviétique montre que l’objectif de Staline tout au long des négociations avec l’Allemagne, contenues dans un protocole distinct, était d’obtenir l’engagement d’Hitler de ne pas envahir les pays qu’il avait déclaré vouloir conquérir dans Mein Kampf. Winston Churchill lui-même l’a confirmé dans sa déclaration radiophonique du 1er octobre 1939 : « On signe la paix à condition qu’elle englobe tous les pays voisins listés dans un protocole confidentiel à part. »
L’accusation du Canada que l’Union soviétique a commencé la Deuxième Guerre mondiale va de pair avec l’affirmation des États-Unis, de la Grande-Bretagne et du Canada selon laquelle c’est grâce à eux qu’Hitler a été vaincu et que l’Europe a été sauvée du fléau de la guerre, niant le rôle décisif et le sacrifice de l’Union soviétique. Tout cela fait partie d’un récit alambiqué que le Canada utilise pour présenter les néonazis ukrainiens comme des combattants de la liberté et justifier que le Canada considère la Russie comme un ennemi encore aujourd’hui. Pour ce faire, il passe sous silence l’importance du refus de la Grande-Bretagne et de la France de signer le traité d’assistance mutuelle proposé par le gouvernement soviétique en 1939.
Le Canada reste intentionnellement silencieux sur la séquence et l’importance des événements qui ont conduit au pacte de non-agression signé entre le ministre soviétique des Affaires étrangères Viatcheslav Molotov et le ministre des Affaires étrangères de l’Allemagne nazie Joachim von Ribbentrop le 23 août 1939. Hitler avait déjà annexé l’Autriche en mars 1938. Les Britanniques et les Français ont signé l’accord de Munich avec l’Allemagne hitlérienne le 30 septembre 1938, qui donnait les Sudètes tchécoslovaques à l’Allemagne et donnait le feu vert aux hitlériens pour s’emparer de la Tchécoslovaquie. Le refus de la Grande-Bretagne et de la France de conclure une alliance de sécurité collective avec l’Union soviétique en 1939 a contraint l’Union soviétique à négocier un pacte de non-agression avec l’Allemagne afin de repousser l’assaut hitlérien pendant une courte période, pour ainsi mieux se préparer à affronter l’assaut et à renverser la situation dans ce qui est devenu un formidable combat qui allait sauver l’Europe.
L’historiographie officielle du Canada, fondée sur l’idéologie anticommuniste de la guerre froide, falsifie l’histoire. Elle impose à la société la version dominante de l’histoire de la guerre froide qui « oublie » de mentionner des faits pertinents, allant jusqu’à garder le silence sur la demande de Churchill à Chamberlain de signer l’offre d’assistance mutuelle avec l’Armée rouge. L’historiographie de la guerre froide a ainsi arrangé les faits de manière à faire apparaître Staline comme co-responsable du déclenchement de la guerre.
Après la guerre, Churchill a maintenu sa position sur ce sujet, malgré le silence officiel : « On ne peut mettre en doute, même aujourd’hui à la lumière des événements, que la Grande-Bretagne et la France auraient dû accepter la proposition russe et proclamer le Triple-Alliance. […] L’alliance de la Grande-Bretagne, de la France et de la Russie aurait jeté profondément l’alarme au coeur de l’Allemagne en 1939, et nul ne peut affirmer que la guerre n’aurait pu alors être évitée. […] Hitler ne pouvait se permettre, ni de se lancer dans cette guerre sur deux fronts qu’il avait toujours condamnée avec tant de force, ni de subir un échec. C’est grand dommage de ne pas l’avoir placé alors dans cette position fausse qui aurait pu lui coûter la vie.[2] »
Les réactionnaires profitent aujourd’hui de l’anniversaire du pacte de non-agression pour calomnier les hauts faits de l’Union soviétique en répétant des affirmations qui falsifient l’histoire. À sa grande honte, le 23 août 2019 le premier ministre Justin Trudeau a qualifié la signature du pacte Molotov-Ribbentrop de « sombre anniversaire » et a déclaré : « Signé entre l’Union soviétique et l’Allemagne nazie en 1939 pour diviser l’Europe centrale et orientale, ce pacte tristement célèbre a ouvert la voie aux atrocités effroyables perpétrées par ces régimes. »
Assimiler la lutte incessante de l’Union soviétique pour vaincre l’agression nazie aux crimes de guerre nazis sert l’infâme objectif de protéger les néonazis et d’attaquer la Russie d’aujourd’hui. Les mensonges selon lesquels soutenir les néonazis revient à défendre la démocratie sont criminels et ne peuvent être tolérés. La proclamation du 23 août « journée du Ruban noir » par le Canada doit être annulée. Elle repose sur la falsification anticommuniste de l’histoire selon laquelle, en raison du pacte de non-agression, Staline et Hitler étaient coresponsables du déclenchement de la Deuxième Guerre mondiale. En fait, le pacte de non-agression stipulait simplement que les deux pays ne s’attaqueraient pas l’un l’autre. Il ne s’agissait pas d’une « alliance militaire » visant à mener une action militaire commune contre un pays tiers, comme le prétend le Canada. Le pacte ne contenait aucun accord de ce genre.
La conception du monde anticommuniste de l’État canadien qui sous-tend la déclaration du 23 août comme journée du Ruban noir est la même qui sert à justifier l’adhésion du Canada à l’agressive Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) et au Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (NORAD), tous deux dirigés principalement contre la Russie. Elle sert à justifier le financement et l’entraînement, au nom de la démocratie, des néonazis ukrainiens au Canada et en Ukraine, ainsi que la guerre par procuration menée par les États-Unis/OTAN dans ce pays afin d’isoler et de détruire la Russie. Aujourd’hui encore, la Russie est présentée aux Canadiens comme un ennemi et une menace à la paix, tandis que des pays comme les États-Unis, la Grande-Bretagne et le Canada, qui financent et soutiennent le génocide, sont présentés comme les défenseurs de la démocratie et s’opposent aux mouvements de résistance des peuples du monde. Il est important aujourd’hui de régler les comptes avec cette idéologie de la guerre froide afin de mettre fin à toute conciliation avec ceux qui commettent aujourd’hui des crimes contre l’humanité.
Notes
Les mensonges sur l’Union soviétique devenue ennemie du Canada à cause du pacte de non-agression ont commencé au moment de sa signature. En janvier 1948, ils ont pris la forme d’une véritable propagande nazie sur une soi-disant « alliance » germano-soviétique. La publication par les États-Unis de documents tirés des journaux intimes de fonctionnaires hitlériens, en collaboration avec les ministères des Affaires étrangères britannique et français, a déclenché une nouvelle vague de calomnies et de mensonges en rapport avec le pacte de non-agression Molotov-Ribbentrop. Nous sommes censés fermer les yeux sur le fait que les documents allemands ont tous été rédigés du point de vue du gouvernement hitlérien et n’ont fait l’objet d’aucune vérification indépendante. Il s’agissait d’une campagne délibérée de guerre froide contre l’Union soviétique par les États-Unis et leurs alliés pour dissimuler les infamies qu’ils ont eux-mêmes commises dans l’après-guerre.
L’Union soviétique n’a pas pris ces mensonges à la légère. Le Bureau d’information soviétique les a réfutés presque immédiatement dans un document très important intitulé : « Falsificateurs de l’histoire » [3]. Ces mensonges sur le pacte Molotov-Ribbentrop ne devraient pas non plus être traités avec indifférence aujourd’hui. Ils visent à présenter comme des valeurs canadiennes les valeurs de ceux qui sont motivés par des convictions idéologiques étroites. En fait, les partisans de la journée du Ruban noir sont les descendants des mêmes forces nazies qui ont semé la mort et la destruction en Europe. Ils présentent leurs ancêtres comme des combattants de la liberté. Ces soi-disant combattants de la liberté dont le Canada se fait le champion étaient des nazis et des collaborateurs nazis qui ont envoyé les Juifs, les Polonais, les Roms, les communistes, les résistants, ceux qu’ils appelaient les « déviants » et bien d’autres encore à la mort dans des camps de concentration. Leurs valeurs ne sont pas des « valeurs canadiennes ».
|
Un monument qui épouse ces valeurs basées sur des croyances idéologiques anticommunistes étroites n’a pas sa place dans un espace appelé Jardin des provinces et des territoires à Ottawa ou ailleurs. C’est précisément contre ces valeurs que les Canadiens ont combattu pendant la Deuxième Guerre mondiale pour vaincre les nazis. Ils ont sacrifié leur vie pour la liberté, la démocratie et la paix. Leurs fils et filles n’avaient que de l’admiration pour les sacrifices des communistes dirigés par l’Union soviétique. Déclarer que nous avons besoin d’un monument aux « victimes du communisme » et non aux victimes des génocides et des crimes contre l’humanité perpétrés au Canada à l’époque coloniale et depuis, ou aux victimes du fascisme et du nazisme et des guerres d’agression impérialistes des États-Unis, de leurs coups d’État, de leurs sanctions et de leurs crimes contre l’humanité au XXe siècle, est indigne du Canada et de ce que les Canadiens défendent.
Si la signature d’un pacte de non-agression en 1939 revenait à « aider Hitler », alors les Britanniques et les Français avaient déjà « aidé Hitler » en signant de tels pactes un an plus tôt et la Pologne « aidait Hitler » depuis 1934. La Grande-Bretagne et la France ont publié une déclaration commune de non-agression avec l’Allemagne en 1938, sans parler d’un « pacte d’accord et de coopération » signé en 1933 lorsque Hitler est arrivé au pouvoir. La Pologne a signé un pacte de non-agression avec les nazis en 1934, cinq ans avant l’Union soviétique, mais ce pacte n’est jamais mentionné comme cause de la guerre. De toutes les grandes puissances d’Europe, l’Union soviétique a été la toute dernière à accepter un pacte avec les Allemands, une décision à laquelle elle a été contrainte en raison du rejet par la Grande-Bretagne et la France de l’entente de sécurité collective avec l’Union soviétique.
Il est également significatif que ces mêmes réactionnaires ne mentionnent jamais le rôle pronazi répugnant de sociétés américaines comme Ford, General Motors, Standard Oil, Texaco, Dupont et IT&T qui ont fourni à la machine de guerre nazie des équipements et du matériel essentiels qui ont rendu possible leur invasion de l’Europe[4].
Les événements de 1938, avant et après l’occupation de l’Autriche par Hitler, en mars, montrent que, comme elle l’avait fait quelques années plus tôt, l’Union soviétique a fait de nombreux efforts pour persuader l’Angleterre et la France de maintenir une assistance mutuelle collective, et en particulier de prendre des mesures pour défendre la Tchécoslovaquie contre une agression. L’Union soviétique était non seulement disposée à se joindre à la France pour défendre la Tchécoslovaquie, si la France tenait sa parole, mais aussi, dans le cas d’un refus de la France, elle était prête à défendre seule la Tchécoslovaquie [5].
Tous les efforts de l’Union soviétique pour construire la sécurité collective ont été rejetés par les Britanniques, les Français et les Américains. La Grande-Bretagne et la France ont refusé de signer tout pacte d’assistance mutuelle collective avec l’Union soviétique parce que leurs dirigeants espéraient toujours que l’Allemagne attaquerait et détruirait l’Union soviétique.
Les réactionnaires ne veulent jamais discuter du refus des gouvernements britannique et français de signer le traité d’assistance mutuelle proposé par l’Union soviétique, car il s’agissait d’une trahison flagrante des peuples du monde. Il est incontestable que face à la trahison britannique et française, l’Union soviétique n’avait d’autre choix que de prendre toutes les mesures possibles pour se défendre et défendre la cause de la paix.
Références
1. Winston S. Churchill, La deuxième guerre mondiale, Tome I, Édition Service, S.A. Genève.
2. Ibid.
3. Falsificateurs de l’histoire, Bureau soviétique d’information auprès du Conseil des ministres de l’U.R.S.S., Moscou, 1948
4. Voir par exemple Black, Edwin, Nazi Nexus : America’s Corporate Connections to Hitler’s Holocaust, Dialogue Press, Washington DC, 2009, et Pauwels, Jacques, Big Business and Hitler, James Lorimer, Toronto,2009
5. Staline « avait prévu déployer un million de soldats contre Hitler si la Grande-Bretagne et la France acceptaient le pacte » : Staline était « prêt à envoyer plus d’un million de soldats soviétiques à la frontière allemande pour dissuader l’agression hitlérienne juste avant la Deuxième Guerre mondiale », Nick Holdsworth, Telegraph, Londres, 18 octobre 2008.
(Archives du Centre de ressources Hardial Bains)
|
|
[RETOUR]