Le 7 novembre 1917
106e anniversaire de la Grande Révolution socialiste d’Octobre
Le Corps expéditionnaire canadien en Sibérie : le rôle du Canada dans les tentatives de renversement de la Grande Révolution socialiste d’Octobre
Les élites dirigeantes des pays d’Europe, y compris la Grande-Bretagne et certaines de ses colonies anciennes et actuelles, et de pays comme les États-Unis, la Chine et le Japon ont envoyé des troupes en Russie soviétique de janvier 1918 à mai 1925, dans des tentatives militaires infructueuses pour renverser les bolcheviks et la Grande Révolution socialiste d’octobre.
La principale mission des forces interventionnistes était d’écraser la révolution bolchévique, mais d’autres intérêts guidaient également cette intervention, notamment garder la Russie dans la guerre contre l’Allemagne, récupérer la Réserve d’or impériale russe et protéger son transfert hors de la Russie pour payer les emprunts de guerre de la Russie – une dette qu’avait annulée le nouveau pouvoir populaire dirigé par Lénine.
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Le Canada participe à l’intervention en Sibérie qui débute en août 1918. Ce mois-là, il autorise la création du Corps expéditionnaire canadien en Sibérie (CECS), avec son contingent de 4 192 soldats. Commandé par le major général James H. Elmsley, il est envoyé à Vladivostok, en Russie, en décembre 1918 et revient au Canada entre avril et juin 1919.
En octobre 1918, alors que les troupes canadiennes étaient rassemblées à Victoria pour l’expédition de Sibérie, le Conseil privé a autorisé la formation d’une Commission économique canadienne en Sibérie, dirigée par le délégué commercial Dana Wilgress, qui comptait des représentants du Chemin de fer Canadien-Pacifique (CPR) et de la Banque royale du Canada. Certains disent que la commission a été fondée sur la conviction que la révolution bolchévique allait être un échec et conduirait à des opportunités commerciales et d’affaires.
L’opposition des travailleurs et du peuple canadiens à l’intervention contre la révolution russe s’est accrue, notamment à la suite de l’armistice du 11 novembre 1918 qui a mis fin à la Première Guerre mondiale. Un événement notable a eu lieu le 21 décembre 1918, lorsque des soldats du Québec, conscrits dans le CECS, se sont mutinés dans les rues de Victoria, en Colombie-Britannique. Ces jeunes hommes ont rompu les rangs alors qu’ils marchaient du camp Willows vers le navire de troupes Teesta, sur le point d’embarquer pour Vladivostok, en Russie.
L’historien canadien Benjamin Isitt, dans un article publié en 2006 par le Canadian Historical Review et intitulé « Mutiny from Victoria to Vladivostok, December 1918 », écrit :
« Les tirs de revolver résonnaient dans la ville, alors que les hommes obéissants recevaient l’ordre de ramener les mutins dans le rang. À la pointe des baïonnettes, la marche a remonté la rue Fort et traversé le centre-ville de Victoria jusqu’au quai extérieur. Vingt heures ont passé avant que les derniers dissidents soient rassemblés à bord du Teesta. Dans la cale du navire, avec vingt et une tonnes de matériel pour le YMCA et 1700 tonnes de munitions, une douzaine de meneurs sont détenus dans des cellules, les deux pires étant menottés ensemble. À 4 h 15 du matin, le 22 décembre 1918, le 259e bataillon du Corps expéditionnaire canadien en Sibérie mettait le cap sur Vladivostok. »
L’intervention du Canada en Sibérie a eu lieu pendant sa participation à la Première Guerre mondiale, une guerre inter-impérialiste pour le redécoupage du monde, en appui aux forces britanniques. L’opposition à la participation à la guerre est importante, surtout au Québec. À l’inverse, les travailleurs de tout le pays s’inspirent, dans leurs luttes pour les droits et l’émancipation, de la révolution russe victorieuse menée par les bolcheviks.
C’est dans ces circonstances que les cercles dirigeants au Canada ont décidé de participer à l’intervention en Sibérie pour s’enrichir, malgré leur incapacité à créer un sentiment public pour cette cause et le rejet inhérent des Canadiens de la classe ouvrière et surtout des Québécois à être envoyés à l’étranger pour combattre la Russie soviétique.
Isitt explique cette situation :
« Alors que les derniers canons tonnaient sur le front occidental, plus de quatre mille soldats canadiens se rassemblaient à Victoria, New Westminster et Coquitlam pour être déployés en Sibérie. Conçu lors d’une réunion du Cabinet de guerre impérial à Londres, en juillet 1918, le CECS était condamné dès le départ par le flou de ses objectifs. Un mois après que le gros des troupes fut arrivé à Vladivostok, l’ordre parvint d’Ottawa de commencer les préparatifs de l’évacuation. Très peu de soldats du CECS ont réellement été au feu. Les ambiguïtés de la stratégie des Alliés ont empêché qu’ils soient déployés en Sibérie, dans « l’intérieur du pays » sur le front de l’Oural, où les troupes des Russes blancs et des Tchécoslovaques combattaient l’Armée rouge. L’essentiel de leur temps se passait à former des officiers russes blancs et à exécuter des gardes de routine et des opérations de sécurité aux alentours de Vladivostok — pour contenir les pillages, les vols, les voies de fait et les meurtres dans la cité portuaire. La menace d’une insurrection bolchevique et un mouvement partisan naissant entraînèrent des contre-mesures précipitées de la part du commandement canadien et le déploiement de troupes en petit nombre dans le village de Chkotovo. Une tentative de faire passer un corps de troupes par le Transsibérien fut contrecarrée par une grève des cheminots russes, tandis qu’un autre train, qui transportait les chevaux et les hommes de la Royal North-West Mounted Police (RNWMP), déraillait près d’Irkoutsk. En juin 1919, hormis une poignée d’hommes, toutes les troupes étaient rentrées au Canada.
« L’expédition sibérienne faisait partie d’une campagne alliée de plus grande envergure destinée à infléchir le cours de la Révolution russe et à installer un gouvernement ami en Russie. De Mourmansk et Arkhangelsk jusqu’à Bakou et Vladivostok, les troupes canadiennes se joignaient à des soldats venus de treize pays dans une stratégie d’encerclement à multiples fronts conçue pour isoler et vaincre le régime bolchevik de Moscou — un « cordon sanitaire », selon les propres termes de Winston Churchill. En Sibérie et dans l’Extrême-Orient russe, les Canadiens se portèrent à l’appui d’une succession de gouvernements russes blancs, à la tête desquels se trouvaient les généraux Dimitri Horvath et Grigori Semionov et, enfin, Alexandre Koltchak, ancien amiral de la Flotte du tsar en mer Noire, qui s’était emparé du pouvoir à Omsk en novembre 1918. L’Armistice sur le front de l’Ouest libéra les forces alliées en leur permettant de se battre contre l’État soviétique émergent. Le British Columbia Federationist (ci-après BC Federationist), journal de la Confédération du travail de la Colombie-Britannique, citait G.W. Tschitcherin, commissaire soviétique aux Affaires étrangères, qui donnait l’interprétation bolchevique de ce conflit.
« Une poignée de capitalistes désireux de s’emparer à nouveau des usines et des banques qui leur ont été enlevées au nom du peuple ; une poignée de propriétaires terriens qui veulent reprendre aux paysans la terre qu’ils détiennent à présent ; une poignée de généraux qui veulent à nouveau apprendre aux ouvriers et aux paysans la docilité à coups de fouet… ont trahi la Russie au nord, au sud et à l’est au profit d’États étrangers impérialistes, en faisant venir des baïonnettes étrangères de partout où ils ont pu en trouver.
« L’échec du Canada et de ses alliés dans leur guerre contre les bolcheviks a relégué cet épisode aux marges de l’histoire, bien loin derrière l’héroïsme des corps canadiens dans les tranchées de France et des Flandres.
« La dissension dans les troupes, qui éclata au grand jour dans la mutinerie du 21 décembre 1918 à Victoria, nous donne un aperçu incontournable des tensions persistantes dans la société canadienne — tensions qui s’exacerbèrent au feu de la guerre. L’antagonisme historique entre Français et Anglais, renforcé par la question de la conscription, se combina au radicalisme politique de la classe ouvrière de la Colombie-Britannique. Les conscrits canadiens-français qui arrivèrent à Victoria avaient été recrutés dans les districts environnant les villes de Québec et de Montréal, là où s’étaient déroulées les émeutes de protestation contre la Loi du service militaire ; dans la capitale de la Colombie-Britannique, ils rencontrèrent un mouvement socialiste énergique qui se sentait en accord avec les objectifs de la Révolution russe et qui lançait des campagnes déterminées pour empêcher leur déploiement en Sibérie. Dans des réunions au coin des rues ou dans des auditoriums bondés, les dirigeants de la classe ouvrière du Parti socialiste du Canada et du Federated Labor Party (Fédération du Parti travailliste) donnaient une voix à la critique, qui transformait le mécontentement latent des hommes de troupe en résistance collective. C’étaient à la fois leur classe sociale et leur ethnicité qui incitaient les conscrits à la mutinerie ; mais ces deux éléments ne suffisent pas à expliquer les motivations complexes à l’arrière-plan d’un évènement que les censeurs militaires et de la presse s’étaient efforcés de dissimuler à l’époque. À la jonction de ces forces sociales — les intérêts convergents de la classe ouvrière québécoise et des socialistes de la Colombie-Britannique — une violente éruption sociale se produisit à Victoria. »
Issit soulève la question « Pourquoi la Sibérie ? ». Il l’explique ainsi :
« Pour comprendre la réaction de la classe ouvrière et le mécontentement grandissant dans les troupes, il est essentiel de comprendre la raison d’être de l’Expédition sibérienne. Dès le début, les objectifs du Canada en Russie étaient complexes, confus, et manquaient de consistance. La stratégie militaire, la diplomatie internationale, l’opportunisme économique et l’idéologie influencèrent la décision du Canada et de ses alliés d’intervenir dans la guerre civile russe. Sur le plan militaire, l’Expédition sibérienne doit se comprendre dans le contexte de la transition qui a fait de l’allié de confiance qu’était la Russie un ennemi de fait. En mars 1917, alors que l’agitation croissait à Saint-Pétersbourg et que les trois cents ans de règne des Romanov touchaient à leur fin, un groupe d’officiers canadiens voyageaient en Russie et rencontraient le tsar Nicolas II et d’autres personnalités russes. ‘La Russie est à présent abondamment fournie en munitions, rapportait le Daily Times de Victoria, les gigantesques armées du tsar sont préparées… les industries et les transports sont intégralement organisés… tout est prêt pour une grande offensive, conjointement à un mouvement similaire des Alliés occidentaux.’
Moins d’une semaine après ce rapport optimiste, le tsar abdiquait. En novembre, sous Lénine, le Parti bolchevik avait supplanté le gouvernement provisoire, partisan de la guerre, pour entamer des négociations avec l’Allemagne et d’autres nations belligérantes, qui aboutirent à ce que la Russie se retire de la guerre — et à ce que les Allemands puissent consacrer leurs forces au front de l’Ouest. Le Conseil de guerre suprême des Alliés, qui se réunit à Londres en décembre 1917, plaida en faveur des éléments russes qui s’étaient engagés à poursuivre la guerre contre l’Allemagne. Tout était en place pour une intervention alliée.
« Dans un discours prononcé devant le Canadian Club et le Women’s Canadian Club à l’hôtel Victoria Empress, à Victoria, en septembre 1918, le président du Conseil privé, Newton Rowell, qualifia la défection de la Russie de ‘surprise la plus tragique’ de la guerre. L’Expédition sibérienne était nécessaire, disait-il, ‘pour rétablir le front de l’Est’ et pour ‘soutenir les éléments et les gouvernements du peuple russe qui se battent contre les forces armées et les intrigues des Allemands’. Ce thème de l’influence allemande sur les bolcheviks tapait en plein dans la peur généralisée de l’agression des ‘Huns’ et faisait allusion à la fameuse traversée de l’Allemagne par Lénine dans un wagon plombé ; il fournissait une justification à l’ouverture de nouveaux fronts bien éloignés de l’Allemagne et à la poursuite des combats après la reddition de celle-ci. Les allégations d’atrocités commises par les bolcheviks, y compris la supposée ‘nationalisation des femmes’, étaient exagérées afin d’alimenter le soutien du public à la campagne de Sibérie. La dernière composante de ce raisonnement militaire était la présence en Sibérie de la Légion tchécoslovaque, corps exceptionnel de six mille hommes de troupe qui avait été laissé à lui-même en Russie de 1917 à 1920 et qui, en une tentative désespérée de s’attacher une reconnaissance nationale, avait constitué l’avant-garde de la campagne alliée.
« La diplomatie a également façonné la politique canadienne vis-à-vis de la Russie. Les bolcheviks avaient outragé les chefs alliés en décembre 1917 en publiant les termes des traités secrets signés par l’ancien tsar et dans lesquels la Russie, la Grande-Bretagne, la France, l’Italie, la Serbie, la Roumanie et le Japon devaient se partager les dépouilles des empires allemand et ottoman. Les chefs politiques et militaires canadiens cherchaient à acquérir davantage de pouvoir et d’indépendance au sein de l’empire britannique. Ainsi que le déclara Rowell dans son discours au Canadian Club, les faits d’armes des troupes canadiennes lors de la guerre avaient permis au pays d’acquérir ‘une nouvelle place entre les nations’, obligeant le Canada à faire sa part sur la scène mondiale. Il informa le Parlement que, après avoir refusé une requête du Bureau britannique de la guerre d’envoyer un autre contingent en France, les autorités canadiennes se sentaient obligées d’envoyer une brigade en Sibérie. Borden souligna ce motif diplomatique dans une lettre à un collègue sceptique, au moment où montait l’opposition à l’Expédition sibérienne : ‘Je pense que nous devons poursuivre dans cette voie comme nous avons accepté de le faire… Cela nous vaudra une certaine distinction, que toutes les forces britanniques en Sibérie se trouvent sous le commandement d’un officier canadien.’
« Plus importante encore que la motivation diplomatique, cependant, il y avait la motivation économique. Durant des décennies, les investisseurs canadiens, américains, japonais, britanniques et allemands avaient eu des visées sur les abondantes ressources de l’Extrême-Orient russe et sur le marché des consommateurs de la région. La compagnie allemande Kunst und Albers avait implanté un vaste réseau de magasins de gros et de détail dans l’Extrême-Orient russe avant la guerre, entreprise similaire à celle de la Compagnie de la Baie d’Hudson au Canada. Lorsque le gouvernement provisoire russe ordonna la vente de cette compagnie, un officier de renseignement canadien y vit ‘une occasion magnifique pour le Canada’. Des commissaires commerciaux avaient été délégués à Saint-Pétersbourg et à Omsk en 1916, et une délégation commerciale russe s’installa au Canada ; les exportations vers la Russie se montaient à 16 millions de dollars, ce qui en faisait le septième marché pour les produits canadiens. En juin 1917, le consul général russe en Grande-Bretagne, le baron Alphonse Heyking, qualifiait la Russie de ‘grenier du monde’ et ajoutait : ‘laissez entrer le capitalisme. Il s’y développera vite’. La Révolution bolchevique interrompit ces efforts de développer l’économie russe sur le modèle capitaliste. Plutôt que d’accueillir favorablement le commerce et les investissements étrangers, le nouveau régime nationalisa les biens des Russes et des étrangers. ‘Ce grand pays est dans une position très précaire sur le plan des échanges et du commerce, prévenait Rowell. Il a besoin de capitaux et d’être guidé par des experts dans son travail de reconstruction… Des relations plus intimes pourraient s’avérer extrêmement bénéfiques au Canada et à la Sibérie.’ En octobre 1918, alors que les troupes canadiennes se rassemblaient à Victoria, le Conseil privé autorisa la constitution d’une commission économique canadienne en Sibérie, qui comptait des représentants du Chemin de fer Canadien-Pacifique (CPR) et de la Banque royale du Canada (cette dernière ouvrit une succursale à Vladivostok au début de 1919).
« Les Alliés avaient également tout intérêt, sur le plan financier, à la défaite de Lénine. Les bolcheviks avaient renié, en janvier 1918, les emprunts de guerre russes pour un montant estimé à 13 millions de roubles. Cela avait causé de sérieuses inquiétudes ‘aux voleurs de la classe dirigeante’ notait le BC Federationist, qui se félicitait de ce geste dans l’espoir que ‘l’entière superstructure des tromperies et des escroqueries de la bourgeoisie s’écroulerait par terre’. Mais, nonobstant cette dette faramineuse, il y avait la Réserve d’or impériale russe, qui renfermait la plus grande quantité de ce métal précieux au monde. Évalué à plus de 1,6 milliard de roubles or, un quart de cet or avait été transporté par bateau de Vladivostok à Vancouver en décembre 1915, juin 1916, novembre 1916 et février 1917, en tant que garantie des prêts britanniques. Cet or avait ensuite été transporté par le CPR et conservé plusieurs mois dans la salle des coffres de la Banque d’Angleterre à Ottawa. La part de cet or qui restait en Sibérie avait elle aussi connu une curieuse histoire, passant d’un train à l’autre, et de ville en ville, au rythme de la retraite vers l’est du tsar et d’un aréopage de généraux ‘blancs’. Ainsi que le déclara un officier lors d’une réunion du Federated Labor Party à Victoria, en décembre 1918 : ‘D’après ce que je sais, nous allons en Sibérie parce que la Grande-Bretagne a prêté une immense somme d’argent à la Russie. Je ne sais pas combien, et les bolcheviks ont renié le prêt. Cet argent est autant le nôtre que celui de n’importe qui, et nous partons là-bas pour le récupérer.’
« La dernière motivation à l’arrière-plan de l’Expédition sibérienne était de nature idéologique. Dans tous les pays industrialisés, les évènements de 1917 avaient amplifié les divisions entre les classes sociales. Alors que se manifestaient de plus en plus au Canada les griefs contre les profiteurs de guerre et la conscription — les syndicalistes exigeaient une « conscription de la richesse » —, la Révolution russe fournissait un puissant symbole de résistance. C’est la peur de la révolution qui avait dès le début inspiré la politique des Alliés. Un éditorial du BC Federationist résumait le sentiment grandissant parmi les ouvriers britanno-colombiens : ‘À l’horizon social, aucun autre signe n’indique le chemin de la paix que le mouvement qui se manifeste à présent chez les bolcheviks russes. Que les dirigeants et les voleurs saluent son avènement par des glapissements apeurés et que les âmes bourgeoises tremblent de terreur devant son triomphe probable. Car avec ce triomphe prendra fin leur règne de pillage et de brigandage.’ Pour les sections les plus radicales du Parti travailliste de la Colombie-Britannique, l’insurrection bolchevique était célébrée comme une réponse audacieuse au double fléau de la guerre et du capitalisme : elle devenait le cadre de référence par lequel les ouvriers britanno-colombiens pouvaient se situer en tant que classe. Mais au sein de l’élite canadienne, cependant, la Révolution bolchevique fut accueillie avec une grande méfiance, car elle était considérée comme un catalyseur de l’agitation domestique et un exemple du radicalisme des mouvements laissés à eux-mêmes. Le Siberian Sapper, journal du CECS, lançait cet avertissement : ‘Les missionnaires bolcheviques diffusent leur doctrine dans tous les pays du monde… Il y a un chien enragé qui vagabonde entre toutes les nations, et il semble que ce soit le devoir des nations de le maîtriser, comme on le fait habituellement pour les chiens enragés.’ Cette peur du bolchevisme au sein de la nation était encore intensifiée par des déclarations telles que celle de Joseph Naylor, président de la Fédération du travail de la Colombie-Britannique et dirigeant socialiste des mineurs de l’île de Vancouver : ‘N’est-il pas grand temps que les travailleurs du monde occidental entreprennent des actions semblables à celles des bolcheviks russes et qu’ils se débarrassent de leurs maîtres, ainsi que ces braves Russes sont en train de le faire ?’
« Cet assemblage complexe de motivations — militaires, diplomatiques, économiques, idéologiques — des Canadiens se reflète dans une lettre secrète, envoyée au Conseil du commerce et du travail de Victoria par le sous-ministre de la Milice et de la Défense à Ottawa, qui donnait ‘accusé de réception d’une lettre du Conseil s’opposant à l’expédition sibérienne’.
« ‘Le Ministère ne considère pas que le Canada soit en guerre avec le peuple russe, mais qu’eux-mêmes, les membres du gouvernement du Canada, soutiennent certains gouvernements de Russie, tels que ceux qui se sont organisés à Omsk et à Arkhangelsk, lesquels gouvernements se trouvent être, en passant, tout à fait socialistes. Le gouvernement du Dominion ne souhaite à aucun prix une agression, plutôt un développement économique.’
« Cette profession de foi officielle de la politique canadienne, en dépit de sa syntaxe un peu confuse, révèle non seulement une opposition implicite à la diffusion du socialisme, mais aussi l’intention très claire de dissiper les craintes du mouvement travailliste, que le Canada n’agisse qu’en fonction de motifs purement idéologiques. »
Pour lire l’article d’Isitt au complet, cliquez ici.
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