2 novembre 1917
106e anniversaire de la Déclaration de Balfour
L’acte le plus odieux
Extrait du livre de Stuart Littlewood Despicable Balfour : A Story of Betrayal
La Déclaration Balfour de 1917 a été et continue d’être l’acte le plus odieux jamais commis par l’empire britannique. À l’occasion de son anniversaire, Stuart Littlewood souligne que cette déclaration « marque le début de la colonisation qui se poursuit toujours de la Palestine et a semé les germes d’un cauchemar interminable pour les Palestiniens, ceux qui ont été forcés de fuir sous la menace des armes et ceux qui ont réussi à rester dans les restes déchiquetés de leur patrie sous occupation militaire brutale d’Israël ».
Stuart Littlewood analyse les événements qui ont préparé le terrain pour un siècle de nettoyage ethnique et de déni des droits des Palestiniens. LML publie des extraits de son article qui explique cette tragédie qui « a bouleversé la vie des Palestiniens ».
* * *
Pendant des siècles, longtemps notre terre asservie
par les rois turcs aux lames aiguisées.
Nous avons prié pour en finir avec la malédiction du Sultan,
le Britannique est venu et a dit ce verset.
« C’est la Première Guerre mondiale, si vous êtes d’accord
pour lutter avec nous, nous allons vous libérer. »
Dans la guerre que nous avons menée aux côtés de la Grande-Bretagne,
notre sang a été versé pour la fierté arabe.
À la fin de la guerre les Turcs furent battus,
notre seul gain, les mensonges de la Grande-Bretagne.
le Britannique est venu et a dit ce verset.
« C’est la Première Guerre mondiale, si vous êtes d’accord
pour lutter avec nous, nous allons vous libérer. »
Dans la guerre que nous avons menée aux côtés de la Grande-Bretagne,
notre sang a été versé pour la fierté arabe.
À la fin de la guerre les Turcs furent battus,
notre seul gain, les mensonges de la Grande-Bretagne.
notre sang a été versé pour la fierté arabe.
À la fin de la guerre les Turcs furent battus,
notre seul gain, les mensonges de la Grande-Bretagne.
Ces vers simples de Stephen Ostrander percent la montagne de rhétorique et vont à la source du conflit arabo-israélien.
Il y avait un État juif en Terre Sainte, il y a quelque 3 000 ans, mais les Cananéens et les Philistins étaient là les premiers. Les Juifs, l’un de plusieurs groupes d’envahisseurs, sont partis et sont revenus plusieurs fois et ont été expulsés par l’occupation romaine en l’an 70 de notre ère puis en 135. Depuis le VIIe siècle, la Palestine a été principalement arabe. Au cours de la Première Guerre mondiale, le pays a été « libéré » du joug turc ottoman après que les puissances alliées, dans une lettre de Sir Henry McMahon à Hussein ibn Ali, chérif de La Mecque en 1915, aient promis l’indépendance aux dirigeants arabes en échange de leur aide pour vaincre l’allié de l’Allemagne.
Cependant, un nouveau mouvement politique juif, connu sous le nom de sionisme, trouvait la faveur de l’élite dominante à Londres, et le gouvernement britannique a été persuadé par le porte-parole principal des sionistes, Chaim Weizman, de leur livrer la Palestine pour établir leur nouvelle patrie juive. L’engagement antérieur donné aux Arabes, qui occupaient et possédaient cette terre depuis 1 500 ans, plus longtemps, disent certains historiens, que les Juifs l’ont jamais fait, semblait avoir été oublié.
Les sionistes, nourris de l’idée qu’une ancienne prophétie biblique leur en donnait les droits, ont cherché à expulser les Arabes en implantant des millions de juifs d’Europe orientale. Ils avaient déjà créé des collectivités agricoles et fondé une nouvelle ville, Tel-Aviv, mais en 1914, la population juive n’était que de 85 000 et la population arabe de 615 000. L’infâme Déclaration Balfour de 1917, en fait une lettre du ministre britannique des Affaires étrangères, Lord Balfour, à l’éminence de la communauté juive en Angleterre, Lord Rothschild, était une promesse d’aide à la cause sioniste au mépris manifeste des conséquences pour la majorité indigène. Se disant une « déclaration de sympathie à l’adresse des aspirations juives et sionistes », cette déclaration se lit :
« Le gouvernement de Sa Majesté envisage favorablement l’établissement en Palestine d’un foyer national pour le peuple juif, et emploiera tous ses efforts pour faciliter la réalisation de cet objectif, étant clairement entendu que rien ne sera fait qui puisse porter atteinte ni aux droits civils et religieux des collectivités non juives existant en Palestine …. »
Balfour, un sioniste converti, a écrit plus tard :
« Pour ce qui est de la Palestine, nous ne proposons aucunement de consulter les souhaits des habitants actuels du pays… Les quatre grandes puissances sont engagées vis-à-vis du sionisme, et le sionisme, qu’il soit juste ou faux, bon ou mauvais, représente beaucoup plus en tradition séculaire, en besoins actuels, en futurs espoirs, que le désir et les préjudices des 700 000 Arabes qui habitent aujourd’hui cette terre. »
Il y avait de l’opposition. Lord Sydenham a fait cette mise en garde :
« Le mal causé par le débarquement d’une population étrangère sur un pays arabe… [est un mal] auquel on pourrait ne jamais remédier… Ce que nous avons fait, par des concessions faites, non pas au peuple juif, mais à une section extrémiste sioniste, est d’initier une véritable plaie à l’Est, et personne ne peut dire jusqu’où s’étendra cette plaie. »
La Commission américaine King-Crane de 1919 a jugé qu’il s’agissait d’une violation flagrante de principe. « Aucun des officiers britanniques que la Commission a consultés n’a pensé que le programme sioniste pourrait être appliqué sans avoir recours à la force des armes. Ce qui en soi est une preuve d’un profond sentiment de l’injustice du programme sioniste. »
Il y avait d’autres raisons pourquoi les Britanniques se dirigeaient vers une catastrophe. Un accord secret, appelé les accords Sykes-Picot, avait été conclu en 1916 entre la France et la Grande-Bretagne, avec l’aval de la Russie, pour redessiner la carte des territoires du Moyen-Orient pris à la Turquie. La Grande-Bretagne devait prendre Haïfa, l’Irak et la Jordanie. La région maintenant appelée la Palestine a été déclarée une zone internationale. Les accords Sykes-Picot, la Déclaration Balfour et les promesses faites plus tôt dans les lettres de Hussein-McMahon se recoupent tous.[…]
L’Organisation sioniste a demandé la permission de soumettre sa proposition pour la Palestine à la Conférence de paix de Paris de 1919, profitant de la demande britannique de se faire accorder un mandat sur la Palestine afin de mettre en oeuvre la Déclaration Balfour. Les sionistes ont présenté un mémoire dans lequel ils affirmaient que « la terre elle-même a besoin de rédemption. Une grande partie de celle-ci est déserte. Son état actuel est un reproche permanent. Deux choses sont nécessaires pour cette rédemption, un gouvernement stable et éclairé et un complément à la population actuelle qui doit être énergique, intelligent, dévoué au pays et soutenu par les importantes ressources financières qui sont indispensables au développement. Une telle population, seuls les juifs peuvent la fournir. »
Des juifs américains influents se sont opposés à cette déclaration et ont remis au président Woodrow Wilson une contre-déclaration contre le plan des sionistes et lui ont demandé de la présenter à la Conférence de paix. Dans cette déclaration, ils disaient que le plan de réorganiser les juifs comme une entité nationale avec une souveraineté territoriale en Palestine « non seulement dénature la tendance de l’histoire des Juifs, qui ont cessé d’être une nation il y a 2 000 ans, mais implique la limitation et l’annulation possible de revendications plus larges des juifs pour obtenir la pleine citoyenneté et les droits humains dans tous les pays et terres où ces droits ne sont pas encore garantis. Pour la simple raison que l’ère nouvelle dans laquelle le monde est entré vise à établir partout des gouvernements fondés sur les principes d’une véritable démocratie, nous rejetons le projet même d’un foyer national pour le peuple juif en Palestine ».
Prévoyant l’avenir avec une précision étonnante, ils poursuivaient : « nous nous réjouissons des propositions annoncées de la Conférence de la paix d’appliquer concrètement les principes fondamentaux de la démocratie. Le principe, qui affirme l’égalité des droits de tous les citoyens d’un État, sans distinction de croyance ou d’origine ethnique, devrait s’appliquer de manière à exclure toute ségrégation que son origine soit nationaliste ou autres. Cette ségrégation va créer inévitablement des différences entre les parties de la population d’un pays. Un tel plan de ségrégation est nécessairement réactionnaire dans sa tendance, antidémocratique en esprit et va entièrement à l’encontre des pratiques de gouvernement libre, comme le montre particulièrement l’exemple de notre propre pays. »
La contre-déclaration citait Sir George Adam Smith, un érudit biblique renommé et un expert reconnu sur la région, qui a déclaré : « Ce n’est pas vrai que la Palestine est le foyer national du peuple juif et d’aucun autre peuple… Il n’est pas non plus exact d’appeler ses habitants non juifs ‘ arabes ‘, ou de dire qu’ils n’ont laissé aucune image de leur esprit et n’ont pas d’histoire, la Grande Mosquée mise à part… Ni nous ne pouvons éluder le fait que les communautés chrétiennes ont été [là] plus longtemps que les juifs l’ont jamais été… Ce sont des questions légitimes, nourries par les revendications du sionisme, mais les sionistes n’ont pas encore eu à les confronter pleinement. »
L’Amérique, l’Angleterre, la France, l’Italie, la Suisse et toutes les nations les plus avancées du monde, poursuit la contre-déclaration, sont composées de représentants de plusieurs races et religions. « Leur gloire réside dans la liberté de conscience et des cultes, dans la liberté de pensée et de coutumes qui lient les disciples de nombreuses religions et civilisations dans les liens communs de l’union politique… Un État juif implique des limitations fondamentales quant à la race et à la religion, ou alors le terme ‘ juif ‘ ne signifie rien. Unir l’église et l’État, de quelque façon que ce soit, comme dans le cadre de l’ancienne hiérarchie juive, serait un bond en arrière de deux mille ans.
« Nous demandons à ce que la Palestine constitue un État libre et indépendant, gouvernée par un gouvernement démocratique qui ne fait aucune distinction de croyance, de race ou d’origine ethnique et possède une puissance adéquate pour protéger le pays contre l’oppression de tout genre. Nous ne souhaitons pas voir la Palestine, maintenant ou à tout moment dans l’avenir, organisée comme un État juif. »
Mais apparemment Wilson n’a pas présenté le document à la Conférence.
En 1922, la Société des Nations a placé la Palestine sous mandat britannique, qui a intégré les principes de la Déclaration Balfour. L’immigration juive serait facilitée « dans des conditions appropriées » et une loi sur la nationalité permettrait aux juifs qui s’installent définitivement en Palestine d’acquérir la citoyenneté palestinienne (ce qui contraste fortement avec la loi actuelle pour juifs seulement d’un Israël dominant). Mais le haut commissaire a vite recommandé un arrêt de l’immigration des juifs de crainte que cela ne crée une classe de paysans arabes sans terre. La même année le gouvernement britannique, conscient des craintes arabes à l’effet que la Déclaration Balfour était interprétée de façon « exagérée » par les sionistes et leurs sympathisants, a publié un Livre blanc afin de clarifier sa position.
« Il [le gouvernement britannique] désire attirer l’attention sur le fait que les termes de la déclaration précitée n’envisagent pas que la Palestine dans son ensemble sera convertie en un Foyer national juif mais qu’un tel foyer sera établi en Palestine. À ce sujet, on a remarqué avec satisfaction que dans une réunion du Congrès sioniste qui est l’assemblée exécutive suprême de l’Organisation sioniste, réunion tenue à Carlsbad en septembre 1921, une résolution fut votée donnant une expression officielle du but poursuivi par les sionistes, soit la détermination du peuple juif à vivre avec le peuple arabe dans l’unité et le respect mutuel et en collaboration avec lui pour faire du foyer commun une communauté florissante, dont l’édification peut assurer à chacun de ses peuples un développement national non perturbé…
« Il convient également de souligner que la commission sioniste, devenue l’exécutif sioniste de Palestine, n’a jamais eu le désir d’avoir une part dans l’administration générale du pays. La situation très particulière attribuée à l’Organisation sioniste à l’Article IV du projet de mandat pour la Palestine n’implique pas ces fonctions. Cette position spéciale se rapporte aux mesures qui devront être prises en Palestine concernant la population juive. On envisage que l’Organisation sioniste pourra contribuer au développement général du pays mais elle n’aura aucun titre à prendre dans son gouvernement.
« En outre, il est prévu que tous les citoyens de Palestine seront palestiniens, il n’y aura pas d’intention qu’ils, ou toute autre section d’entre-eux, devraient posséder un autre statut juridique.
« Il faut que la communauté juive de Palestine puisse se développer numériquement par l’immigration, déclare avec ambiguïté magistrale le Livre blanc. Cette immigration ne saurait toute fois dépasser en volume la capacité d’absorption économique du pays, quelle qu’elle puisse être au moment envisagé. Il est indispensable de veiller à ce que les immigrants ne soient pas une charge pour l ‘ensemble de la population de la Palestine et qu’ils ne privent pas la population actuelle de ses possibilités de travail. »
Cependant, le Livre blanc nie catégoriquement qu’une promesse a été faite aux arabes avant la Déclaration Balfour.
« Il n’est pas exact, comme cela a été présenté par la délégation arabe, que, au cours de la guerre, le Gouvernement de sa Majesté se soit engagé à ce qu’un gouvernement national indépendant soit immédiatement établi en Palestine. Cette représentation repose principalement sur une lettre datée du 24 octobre 1915, de Sir Henry McMahon, alors haut-commissaire de sa majesté en Égypte, au chérif de la Mecque, maintenant le roi Hussein du Royaume du Hijaz. Cette lettre est invoquée comme contenant la promesse faite au chérif de la Mecque de reconnaître et de favoriser l’indépendance des Arabes sur les territoires indiqués dans sa proposition. Mais cette promesse était accompagnée dans la même lettre d’une réserve déclarant que cette promesse ne s’appliquait pas, entre autres territoires, à la partie de la Syrie située à l’ouest du district de Damas. Le Gouvernement de Sa Majesté a toujours considéré que cette réserve s’étendait au vilayet de Beyrouth et au sandjak indépendant de Jérusalem. La promesse de Sir H. McMahon ne s’appliquait donc pas à toute la Palestine située à l’ouest du Jourdain.
« Néanmoins, l’intention du Gouvernement de sa Majesté est de favoriser la mise en place d’une autonomie gouvernementale complète en Palestine. Mais il est d’avis que, dans les circonstances particulières de ce pays, cela devrait se faire par étapes progressives… »
Dès lors, la situation est allée de mal en pis. […]
En 1937, la Commission Peel a déclaré que les promesses britanniques faite aux Arabes et aux sionistes étaient inconciliables et impraticables. Trop tard, la Grande-Bretagne a abandonné son engagement envers les sionistes et a commencé à parler d’un État palestinien ayant une majorité arabe garantie et une protection pour les minorités.
Les sionistes ont réagi de manière furieuse. Leur aile militaire clandestine, la Haganah et d’autres groupes armés, ont déclenché un règne de terreur à l’approche de la Seconde Guerre mondiale. Ils ont poursuivi leurs attaques contre les Britanniques après la guerre et ont tenté d’amener des centaines de milliers de réfugiés juifs.
En 1946, ils ont fait sauter l’aile sud de l’hôtel King David à Jérusalem, qui abritait le siège du gouvernement britannique mandaté, tuant 91 personnes. Cette action terroriste a été ordonnée par David Ben-Gourion en représailles à l’arrestation des membres de la Haganah, de l’Irgun et de Stern soupçonnés d’attaques contre les Britanniques. Puis il a mieux réfléchi et a annulé l’opération ; mais Menachem Begin qui dirigeait l’Irgun est allé de l’avant. Ben-Gourion et Begin, dont la tête avait été mise à prix en tant que terroriste recherché, sont devenus des premiers ministres israéliens.
Tout au long de cette période, les États-Unis ont été réticents à permettre aux Juifs fuyant l’Europe d’entrer dans les espaces vides de l’Amérique du Nord, préférant jouer la carte sioniste et les voir s’engouffrer en Palestine. En 1945, le nouveau président américain, Harry Truman, a offert cette excuse aux Arabes : « Je suis désolé, messieurs, mais je dois répondre à des centaines de milliers de personnes qui souhaitent ardemment le succès du sionisme ; je n’ai pas des centaines de milliers d’Arabes parmi mes électeurs. »
Toutefois, Truman a été fréquemment exaspéré par le lobby sioniste et une délégation a été expulsée un jour de la Maison-Blanche pour son comportement grossier. Il a écrit : « Je crains beaucoup que les Juifs soient comme tous les laissés pour compte. Quand ils arrivent au sommet, ils sont tout aussi intolérants et cruels que ceux qui l’étaient avec eux lorsqu’ils étaient opprimés. »
L’auteur américain Gore Vidal a écrit quelque chose de très intéressant. « Vers la fin des années 1950, ce potineur de renommée mondiale et historien d’occasion qu’était John F. Kennedy m’a raconté qu’en 1948, Harry S. Truman était quasiment abandonné de tous lorsqu’il s’est présenté à la présidence. Un sioniste américain lui a alors apporté deux millions $ en espèces, dans une valise, à bord de son train de campagne qui sillonnait le pays. ‘ C’est pourquoi notre reconnaissance d’Israël a été faite si rapidement.’ Ni Jack ni moi n’étions antisémites (contrairement à son père et à mon grand-père). Nous avons pris cela comme une anecdote drôle de plus à propos de Truman et de la corruption sans remords de la politique américaine. »
À ce moment-là, ce monstre auquel la Grande-Bretagne avait insufflé de la vie était hors de contrôle. Les Arabes, trompés et dépossédés, ont été outrés. Depuis ce temps, l’impact a été mortellement dommageable aux relations entre l’Occident et l’Islam. Cette escalade de la violence a poussé Gandhi à déclarer que « la Palestine appartient aux Arabes dans le même sens que l’Angleterre appartient aux Anglais … Ils [les Juifs] ont erré sérieusement en cherchant à s’imposer à la Palestine avec l’aide de l’Amérique et de la Grande-Bretagne, et maintenant celle du terrorisme ouvert ».
Alors que le mandat allait se terminer en 1948, une Grande-Bretagne épuisée a remis le problème aux Nations unies et s’est préparée à quitter la Terre sainte, laissant un baril de poudre avec la mèche allumée. Les Nations unies nouvellement formées ont pensé qu’elles sauveraient la situation en divisant la Palestine en États arabe et juif et en faisant de Jérusalem une ville internationale. Mais cela a donné aux Juifs 55 % de la Palestine alors qu’ils représentaient seulement 30 % de sa population. La Ligue arabe et les Palestiniens l’ont évidemment rejetée.
La partition de la Palestine par les Nations unies n’a jamais fait l’objet d’un examen minutieux. À l’époque, comme l’ont souligné certains commentateurs, les membres de l’ONU ne comprenaient pas les États africains, et la plupart des États arabes et asiatiques étaient encore des régimes colonialistes. L’ONU était essentiellement un club de colonialistes blancs. Les Palestiniens eux-mêmes n’avaient aucune représentation et ils n’étaient même pas consultés.
Le premier vote n’a pas atteint la majorité des deux tiers requise : 25 pour la partition, 13 contre et 19 abstentions. Pour assurer le succès au second vote, beaucoup de pression a été exercée sur les petits pays, mais en vain. À la troisième tentative, la France a été persuadée de « se rallier » après que les États-Unis aient menacé de retirer l’aide d’après-guerre désespérément nécessaire. Le 29 novembre l’ONU a voté pour diviser la Palestine en trois parties : un État juif s’étendant sur 14 000 km carrés avec quelque 558 000 Juifs et 405 000 Arabes palestiniens ; un État arabe de 11 500 km carrés avec environ 804 000 Arabes palestiniens et 10 000 Juifs ; et Jérusalem, qui comprenait les principaux sites religieux, qui serait un « corpus separatum », administré internationalement.
Ce découpage ridicule a été rapidement suivi par des incidents honteux à Deir Yassin, Lod et Ramle. Des centaines de milliers d’Arabes palestiniens ont été déracinés de leurs foyers et de leurs terres et, à ce jour, ils n’ont pas le droit de revenir. Ils n’ont reçu aucune compensation et, après leur expulsion, les milices juives ont rasé des centaines de villages et de villes arabes. Dès que la Grande-Bretagne eut plié bagages, Israël a déclaré son État le 14 mai 1948 et s’est immédiatement mise à étendre son contrôle sur toute la Palestine.
Le lendemain, le 15 mai, est commémoré par les Palestiniens comme la Journée d’al-Nakba (la catastrophe), qui a vu le début d’une campagne de terreur militaire qui a forcé trois quarts de million de Palestiniens à quitter leur patrie pour faire de la place à un nouvel État juif. On dit que quelque 34 massacres ont été commis dans le cadre de la poursuite des ambitions territoriales d’Israël.
Un événement qui est gravé à jamais dans la mémoire palestinienne est le massacre de Deir Yassin par des groupes terroristes sionistes, l’Irgoun et la bande de Stern. Un matin d’avril 1948, 130 de leurs commandos ont effectué un raid à l’aube sur ce petit village arabe avec une population de 750 personnes, à l’ouest de Jérusalem. L’attaque a été d’abord repoussée et c’est seulement lorsqu’un commando de la Haganah est arrivé avec des mortiers que les villageois arabes ont été submergés sous l’assaut. L’Irgoun et la bande de Stern, réalisant l’embarras d’avoir dû faire appel à de l’aide, ont entrepris une opération de « nettoyage » durant laquelle ils ont systématiquement assassiné et exécuté au moins 100 résidents, principalement des femmes, des enfants et des personnes âgées. L’Irgoun a ensuite exagéré le nombre, le faisant passer à 254, pour effrayer d’autres villes et villages arabes. La Haganah a minimisé sa part dans le raid et a ensuite déclaré que le massacre « a déshonoré la cause des combattants juifs de même que les armoiries juives et le drapeau juif ».
Deir Yassin a marqué le début sinistre d’un programme délibéré d’Israël de dépeupler les villes et villages arabes, et de détruire les églises et les mosquées, pour faire de la place aux survivants de l’Holocauste et à d’autres Juifs. Dans n’importe quelle langue, il s’agissait d’un exercice de nettoyage ethnique dont les répercussions ont créé aujourd’hui environ 4 millions de réfugiés palestiniens.
En 1949, les sionistes s’étaient maintenant emparés de près de 80 % de la Palestine, provoquant une réaction de résistance dont ils se plaignent si amèrement aujourd’hui. Beaucoup de Juifs condamnent la politique sioniste et ont honte de ce qui a été fait en leur nom.
La résolution 194 des Nations unies avait demandé à Israël de laisser les Palestiniens retourner sur leurs terres. Elle a été adoptée de nouveau à maintes reprises mais Israël ne la respecte toujours pas. Les Israéliens sont également accusés de violation de l’article 42 de la Convention de Genève du fait qu’ils amènent des colons dans les territoires palestiniens qu’ils occupent, et du viol du droit international par leur occupation de la bande de Gaza et de la Cisjordanie.
Mais l’expulsion et le transfert ont toujours été un élément clé du plan sioniste. Selon l’historien Benny Morris, aucun dirigeant sioniste d’envergure n’a pu concevoir une future coexistence sans une séparation physique claire entre les deux peuples. David Ben-Gourion, le premier des premiers ministres israéliens, aurait dit : « Avec le transfert obligatoire, nous avons une vaste région (pour la colonisation) … Je soutiens le transfert obligatoire. Je n’y vois rien d’immoral ».
À une autre occasion, il a fait preuve d’une candeur étonnante lorsqu’il a déclaré : « Si j’étais un dirigeant arabe, je n’aurais jamais de relations avec Israël. Nous nous sommes emparés de leur pays. Bien sûr, Dieu nous l’a promis, mais qu’est-ce que cela veut dire pour eux ? Notre dieu n’est pas le leur. C’est vrai que nous sommes originaires d’Israël, mais il y a 2 000 ans de cela, et en quoi cela les intéresse-t-il ? Il y a eu l’antisémitisme, les nazis, Hitler, Auschwitz mais est-ce leur faute ? Ils ne voient qu’une chose : nous sommes venus ici et avons volé leur pays.
Le général Moshe Dayan, le héros de la Guerre des Six Jours (1967), a fait savoir aux Palestiniens vivant dans les territoires occupés que « vous allez continuer à vivre comme des chiens et quiconque voudra quitter pourra le faire et nous verrons où ce processus nous mènera ». Cela semble avoir été l’attitude générale depuis ce temps-là.
En 1967, Israël a perçu un certain nombre de menaces arabes visant à contrer les ambitions sionistes, y compris un blocus de son port de la mer Rouge. Dans une série d’attaques préventives contre l’Égypte, la Syrie, la Jordanie et l’Irak, Israël a réussi à doubler la superficie des territoires sous son contrôle.
En effet, lors de la Guerre des Six Jours de 1967, Israël a confisqué plus de 52 % des terres en Cisjordanie et 30 % de la bande de Gaza, violant à la fois le droit international et la Charte des Nations unies qui affirment qu’un pays ne peut légitimement faire des gains territoriaux par la guerre. On a rapporté qu’Israël a démoli 1338 maisons palestiniennes en Cisjordanie et arrêté quelque 300 000 Palestiniens sans procès.
L’ONU a adopté la résolution 242 du Conseil de sécurité, soulignant « l’inadmissibilité de l’acquisition de territoires par la guerre » et demandant « le retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés au cours du récent conflit ». Elle a été largement ignorée ce qui n’a fait qu’accroître la discorde au sein de la région.
Le plus notoire des premiers ministres israéliens, Ariel Sharon, a acquis sa réputation en 1953 lorsque son escadron de la mort clandestin, l’unité 101, a dynamité des maisons et massacré 69 civils palestiniens, la moitié d’entre eux des femmes et des enfants, à Qibya en Cisjordanie. Ses troupes ont par la suite détruit 2 000 foyers dans la bande de Gaza, déraciné 12 000 personnes et déporté des centaines de jeunes Palestiniens vers la Jordanie et le Liban.
Puis, en 1982, il a planifié et dirigé l’invasion israélienne du Liban, ce qui a entraîné un nombre massif de morts parmi les Palestiniens et les Libanais, en grande partie des enfants. Un tribunal israélien l’a trouvé indirectement responsable du massacre des Palestiniens dans les camps de réfugiés de Sabra et Shatila et l’a démis de ses fonctions. Mais il n’est pas demeuré longtemps à l’arrière-scène.
À la fin de 1967, il n’y avait que trois colonies juives illégales en Cisjordanie et à Jérusalem. À la fin de 2005, le total était de 177. « Lorsque nous aurons colonisé la terre », a déclaré le chef d’état-major d’alors des forces de la défense israélienne, Rafael Eitan, en 1983, « tout ce que les Arabes seront capables de faire est de courir un peu partout comme des coquerelles prisonnières dans une bouteille ».
En 2015, il y avait 196 colonies israéliennes illégales en plus de 232 colonies servant d’avant-poste en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, selon l’Institut de recherche appliquée à Jérusalem, et plus de 750 000 colons qui y résident.[…]
(Stuart Littlewood, « Despicable Balfour : A Story of Betrayal », le 29 octobre 2016)
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