50e anniversaire du coup d’État au Chili
Justice pour le Chili et le peuple chilien !
Le Palais présidentiel de la Moneda, 11 septembre 1973
Le 11 septembre de cette année est le 50e anniversaire du coup d’État perpétré par les États-Unis au Chili. Des événements auront lieu en cette occasion pour commémorer toutes celles et tous ceux qui ont souffert du coup d’État et pour demander des comptes aux États-Unis, et le PCC(M-L) appelle tout le monde à se joindre à ces commémorations pour en assurer le succès.
Le 11 septembre 1973, l’armée, sous le commandement du général Augusto Pinochet, prend le pouvoir. Le palais présidentiel de la Moneda est bombardé et le président constitutionnel du Chili, Salvador Allende, est assassiné. Une junte militaire est mise en place et, dans les premiers mois qui suivent, des milliers de personnes sont tuées ou portées disparues. Le stade national du Chili est transformé en lieu de détention de masse : 40 000 prisonniers politiques y sont détenus et torturés. Au cours des trois premières années qui ont suivi le coup d’État, plus de 130 000 personnes ont été arrêtées. On estime que 200 000 personnes ont fui le pays pendant la dictature, qui a duré jusqu’en 1990.
Des photos de victimes du coup d’État de Pinochet recouvrent les murs du musée de la mémoire et des droits humains à Santiago du Chili.
Le coup d’État de 1973 au Chili a été suivi de l’opération Condor, une campagne soutenue de terrorisme d’État des États-Unis contre le peuple chilien et les peuples d’Amérique du Sud. Il s’agit d’une campagne d’assassinats politiques et de répression officiellement créée en 1975 à Santiago du Chili par les cercles dirigeants du Chili, d’Argentine, d’Uruguay et du Brésil dans le but d’éradiquer l’influence et les idées socialistes et communistes et d’éliminer les mouvements d’opposition aux gouvernements de ces pays. Les États-Unis ont proposé le plan de l’opération Condor pour la première fois en 1968, appelant à « l’utilisation coordonnée de forces de sécurité intérieure dans les pays d’Amérique latine ». L’opération Condor a fait au moins 60 000 morts, 30 000 « disparus » et 400 000 prisonniers. Elle est à l’origine de ce que l’on a appelé les « guerres sales » en Amérique centrale et dans les Caraïbes.
Salvador Allende s’est présenté à la présidence du Chili contre Eduardo Frei en 1964, puis à nouveau en novembre 1970 et a remporté cette élection. Les États-Unis se sont opposés à sa candidature, car Allende, un socialiste déclaré, cherchait à mettre les richesses naturelles et l’économie du Chili à la disposition du peuple et de ses besoins et à les soustraire aux intérêts étrangers privés. Le 27 juin 1970, Henry Kissinger, alors conseiller à la Sécurité nationale du président Richard Nixon, a soumis la question du Chili au Comité 40, l’organe interagences qu’il dirigeait et qui était responsable d’approuver les opérations secrètes de la CIA. À cette réunion, Kissinger a déclaré : « Je ne vois pas pourquoi nous devrions rester sans rien faire pendant qu’un pays sombre dans le communisme à cause de l’irresponsabilité de son peuple. »
Le département d’État des États-Unis avait un plan, appelé Track I, pour empêcher Allende d’accéder au pouvoir après avoir remporté les élections. Kissinger et la CIA avaient également créé Track II, chargé de trouver des officiers de l’armée qui soutiendraient un coup d’État, que la CIA pourrait ensuite appuyer. Un câble d’octobre 1970 du groupe Track II aux agents de la CIA au Chili indiquait : « Notre politique est ferme et constante : [le gouvernement démocratiquement élu d’]Allende doit être renversé par un coup d’État. […] Nous devons continuer d’exercer une pression maximale à cette fin avec toutes les ressources appropriées. Il est impératif que ces actions soient mises en oeuvre clandestinement et en toute sécurité afin que le GEU [gouvernement des États-Unis] et les mains américaines soient bien dissimulées. »
Après l’élection d’Allende, les États-Unis et d’autres pays ont cherché à étrangler le Chili sur le plan économique. C’est ce qu’a expliqué l’ambassadeur des États-Unis au Chili, qui a rapporté à Henry Kissinger qu’il avait envoyé un câble au président sortant Eduardo Frei pour le persuader de participer à un coup d’État. « Pas un écrou ou un boulon n’atteindra le Chili sous Allende. Une fois Allende au pouvoir, nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour condamner le Chili et tous les Chiliens au dénuement et à la pauvreté les plus extrêmes », avait écrit l’ambassadeur des États-Unis, Edward Korry, à Eduardo Frei.
Le peuple chilien lutte depuis 50 ans pour que les responsables du coup d’État rendent des comptes, alors que de plus en plus de faits sont révélés qui montrent clairement l’implication et la responsabilité des États-Unis dans le coup d’État. Daniela Serrano et Luis Cuello, deux députés du Parti communiste du Chili, ont remis le 8 septembre à l’ambassadrice des États-Unis au Chili, Bernadette Meehan, une lettre adressée au président des États-Unis, Joe Biden, demandant la création d’un fonds pour les victimes de la dictature.
Manifestation à Santiago, Chili, le 8 septembre 2013, à l’occasion du 40e anniversaire du coup d’État
« Les États-Unis ont l’obligation d’accorder des réparations au Chili », a déclaré Luis Cuello, ajoutant que toute excuse pour l’intervention et l’ingérence doit s’accompagner d’une compensation économique. Il a averti que la violation du droit international ne pouvait rester impunie et déclaré qu’il espérait que tous les secteurs politiques soutiendraient cette proposition. La députée Daniela Serrano a rappelé que des dossiers récemment déclassifiés montraient comment les États-Unis avaient torpillé le gouvernement démocratiquement élu de Salvador Allende. Elle a déclaré qu’il était clair qu’il y a eu ingérence étrangère et « nous sommes fermement convaincus que les États-Unis doivent indemniser les victimes du terrorisme d’État ».
Le 30 août, le gouvernement chilien a lancé le Plan national de recherche des détenus disparus. Il commencera par intégrer le travail réalisé par les commissions de vérité, les tribunaux, les parents des victimes et les gouvernements précédents. Lors d’une rencontre avec la presse étrangère, le ministre de la Justice, Luis Cordero, a expliqué que l’objectif est de connaître les conditions et les circonstances dans lesquelles les détentions et les disparitions forcées se sont produites pendant la dictature de Pinochet. Le ministre Cordero a affirmé que le plan est une forme de réparation non seulement pour les familles des victimes, mais aussi pour la société. Un an auparavant, le 11 septembre 2022, le président Gabriel Boric avait déclaré que l’on ignorait toujours où se trouvaient 1192 détenus disparus sous la dictature de Pinochet.
Le 29 août, la Cour suprême du Chili a prononcé une sentence définitive pour l’enlèvement et le meurtre de deux des gardes du corps du président Allende et de neuf autres personnes pendant le coup d’État. Elle a cassé l’arrêt de la cour d’appel et condamné à titre posthume le général de l’armée de l’air Vicente Rodriguez Bustos, décédé en septembre 2020. La Cour suprême a également ordonné à l’État chilien d’indemniser financièrement les proches des victimes pour des montants allant de 5825 USD à 98 200 USD
Le Canada a joué un rôle dans les pressions économiques exercées sur le gouvernement Allende et a ensuite soutenu la junte militaire après le coup d’État. Le gouvernement de Pierre Elliott Trudeau a soutenu le gouvernement d’Eduardo Frei avec diverses formes d’aide économique après sa victoire aux élections de 1964 contre Salvador Allende. Lorsque Frei a été battu par Allende à l’élection de 1970, cette aide a été coupée et les banques canadiennes se sont retirées du Chili. En 1972, le Canada a emboîté le pas aux États-Unis en votant l’arrêt du financement du Fonds monétaire international.
Après le coup d’État, l’ambassadeur du Canada au Chili a communiqué avec le gouvernement de Pierre Elliott Trudeau pour l’informer : « Les représailles et les perquisitions ont créé un climat de panique qui touche particulièrement les expatriés, notamment la racaille de la gauche latino-américaine à laquelle Allende a donné asile […] Le pays a connu une frénésie politique prolongée sous le gouvernement élu d’Allende et la junte a assumé la tâche probablement ingrate de dégriser le Chili. » Le gouvernement Trudeau a reconnu le gouvernement putschiste de Pinochet peu de temps après sa prise de pouvoir malgré les exhortations de diverses organisations canadiennes à ne pas le faire.
Les Canadiennes et les Canadiens ont exercé des pressions soutenues sur le gouvernement pour qu’il offre un refuge aux personnes qui fuyaient la junte militaire au Chili. L’historien Jan Raska souligne que les considérations anticommunistes étaient au premier plan pour le gouvernement canadien, et non l’humanisme :
« Au départ, les responsables canadiens avaient une approche prudente en ce qui concerne la réinstallation des réfugiés chiliens au Canada. Ils étaient préoccupés par l’éventuelle sympathie gauchiste des réfugiés chiliens et n’ont offert que peu de planification gouvernementale et d’aide pour les personnes qui fuyaient le régime militaire répressif de droite. Comme le gouvernement canadien était conscient que le nouveau gouvernement de Pinochet était appuyé par les Américains et qu’il était incertain de l’affiliation politique des réfugiés susmentionnés, il a agi lentement pendant près d’un an avant de mettre en place un filtrage de sécurité ferme afin d’empêcher les sympathisants communistes de venir au Canada.
« Peu de temps s’est écoulé avant que le gouvernement canadien ne soit critiqué pour son inaction vis-à-vis l’accueil de réfugiés chiliens au pays. Grâce aux efforts accrus de sensibilisation de la part du public et du lobbying de la part du UNHCR, d’Amnistie internationale, des Églises canadiennes et des organismes de services bénévoles, le gouvernement fédéral a assoupli ses critères de sélection et ses mesures d’exclusion, permettant à près de 7 000 réfugiés du Chili de venir au Canada. »
Aujourd’hui, quelque 40 000 personnes d’origine chilienne vivent au Canada et, en cette occasion, le PCC(M-L) se joint à elles pour commémorer les victimes du régime de Pinochet et de l’opération Condor. Il se joint à toutes les personnes éprises de paix et de justice au Chili et dans le monde pour exiger que de tels crimes ne soient plus jamais permis.
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