Numéro 9
1er août 2023
La situation en Ukraine continue de se détériorer
Des signes dangereux que la Pologne veut occuper l’ouest de l’Ukraine
Lors d’une récente réunion avec les membres permanents du Conseil de sécurité russe, le directeur du Service des renseignements extérieurs de la Fédération de Russie, Sergueï Narychkine, s’est dit préoccupé par le fait que la Pologne envisage sérieusement de déployer des forces armées en Ukraine.
Sergueï Narychkine a fait remarquer que « Les autorités polonaises ont de plus en plus l’intention de prendre le contrôle des régions occidentales de l’Ukraine en y déployant leurs troupes. Il est prévu de présenter cette mesure comme le respect des obligations des alliés dans le cadre de l’initiative de sécurité polono-lituanienne-ukrainienne, dite du ‘Triangle de Lublin’. Nous constatons que les plans prévoient également une augmentation considérable des effectifs de la brigade commune lituano-polono-ukrainienne, qui opère sous les auspices de ce soi-disant Triangle de Lublin. Nous pensons qu’il est nécessaire de surveiller de près ces plans dangereux des autorités polonaises. » […]
Le président de Russie, Vladimir Poutine a répondu : « Je ne peux m’empêcher de commenter ce qui vient d’être dit et les reportages des médias qui ont fait état de plans visant à établir une sorte d’unité dite polono-lituanienne-ukrainienne. Il ne s’agit pas d’un groupe de mercenaires – il y en a déjà beaucoup là-bas et ils sont détruits — mais d’une unité militaire régulière bien organisée et équipée, destinée à être utilisée pour des opérations en Ukraine, notamment pour assurer la sécurité de l’Ukraine occidentale d’aujourd’hui — en réalité, pour appeler les choses par leur nom véritable, pour l’occupation ultérieure de ces territoires. L’avenir est clair : si les forces polonaises entrent, par exemple, à Lvov ou dans d’autres territoires ukrainiens, elles y resteront, et elles y resteront pour de bon. » […]
« Aujourd’hui, nous constatons que le régime de Kiev est prêt à tout pour sauver sa peau traîtresse et prolonger son existence. Il ne se soucie ni du peuple ukrainien, ni de la souveraineté ukrainienne ni des intérêts nationaux. […] Les autorités polonaises, qui nourrissent des ambitions revanchardes, cachent la vérité à leur peuple. La vérité est que la chair à canon ukrainienne ne suffit plus à l’Occident. C’est pourquoi il prévoit d’utiliser d’autres chair à canon — des Polonais, des Lituaniens et tous les autres dont ils se soucient peu. Je peux vous dire que c’est un jeu extrêmement dangereux, et les auteurs de tels plans devraient réfléchir aux conséquences. »
La réunion du Conseil de sécurité russe a été suivie d’une rencontre entre le président de la Russie, Vladimir Poutine, et le président de la Biélorussie, Alexandre Loukachenko, à Saint-Pétersbourg le 23 juillet 2023. Ils considèrent que le projet envisagé par la Pologne en particulier, avec la collaboration de la Lituanie et de l’Ukraine, de déployer des forces armées dans l’ouest de l’Ukraine, deviendrait une occupation permanente et la réalisation des objectifs des sections les plus réactionnaires de l’élite dirigeante polonaise, à savoir l’expansionnisme et la restauration de l’empire polonais.
Alexandre Loukachenko a déclaré : « C’est inacceptable pour nous. L’aliénation de l’Ukraine occidentale, le démembrement de l’Ukraine et le transfert de ses terres à la Pologne sont inacceptables. Si les habitants de l’Ukraine occidentale nous le demandent, nous leur apporterons notre soutien. Je vous demande (à vous Poutine) de discuter et de réfléchir à cette question. Naturellement, j’aimerais que vous nous souteniez à cet égard. Si le besoin d’un tel soutien se fait sentir, si l’Ukraine occidentale nous demande de l’aide, alors nous fournirons de l’aide et du soutien aux habitants de l’Ukraine occidentale. Si cela se produit, nous les soutiendrons de toutes les manières possibles ».
Vladimir Poutine n’a pas répondu publiquement mais s’est longuement exprimé sur le revanchisme polonais qui n’est dans l’intérêt ni de l’Ukraine ni de la Russie et qui fera beaucoup de mal à l’Europe.
Des hommes politiques russes ont été cités et ont clairement déclaré que toutes les options envisagées par les États-Unis et l’OTAN étaient pleines de dangers. Ils disent que le projet d’occupation de l’Ukraine occidentale par la Pologne (avec la Lituanie et le soutien de Volodymyr Zelensky), le projet de gel du conflit (et l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN), le projet de défaite de la Russie sur le terrain sont autant de chimères destinées à convaincre les naïfs que les États-Unis et l’OTAN ont d’autres intentions que de combattre la Russie jusqu’au dernier Ukrainien.
Le Canada se joint à de vains efforts pour soutenir la guerre de procuration des États-Unis contre la Russie en Ukraine
Selon le Globe and Mail, le Canada participe à la création d’un centre de réparation en Pologne pour remettre en état le matériel militaire endommagé que l’OTAN a fourni à l’Ukraine. Le centre de réparation sera construit près de Rzeszow, à une centaine de kilomètres de la frontière ukrainienne.
Les représentants du gouvernement canadien nient toute « intention d’avoir une présence canadienne importante » au centre de réparation. Les autorités polonaises laissent entendre le contraire. Le 13 juin, le maire de Rzeszow, Konrad Fijolek, a déclaré au journal polonais Gazeta Wyborcza que l’OTAN allait installer une base permanente près de la ville, avec des troupes américaines, britanniques et canadiennes déployées en permanence.
Rzeszow est une plaque tournante logistique pour l’acheminement du matériel militaire de l’OTAN en Ukraine. Environ 1 700 soldats américains et des systèmes de défense aérienne de missiles Patriot sont stationnés à l’aéroport. En plus de la construction et de la gestion du centre de réparation par le Canada, les États-Unis et le Royaume-Uni, l’Allemagne a également annoncé qu’elle s’était entendue avec le gouvernement polonais sur l’établissement de centres de réparation pour les chars Leopard 2 utilisés en Ukraine. Les installations devraient être créées à Gliwice et à Poznan.
L’Ukraine ne pourrait continuer à jouer le rôle d’intermédiaire des États-Unis et de l’OTAN pour mener leur guerre contre la Russie sans les énormes injections de fonds des pays étrangers. La dernière injection en date a eu lieu le 26 juillet. Le budget de l’État ukrainien a reçu un financement concessionnel de 1,5 milliard de dollars américains, fourni sous la garantie du gouvernement japonais par l’intermédiaire d’un fonds fiduciaire de la Banque mondiale. Depuis le début de l’invasion russe, l’Union européenne a fourni une aide financière substantielle par le biais d’un instrument d’assistance macrofinancière (AMF). Quelque 25,2 milliards d’euros ont été engagés par le moyen d’AMF pour l’ensemble de 2022 et qui couvrent la période allant jusqu’à la fin de 2023. Jusqu’à présent, 16,2 milliards d’euros ont été déboursés.
En juin 2023, la Commission a proposé d’établir une facilité pour l’Ukraine comme cadre pour fournir un soutien financier (subventions, prêts et garanties) pour 2024-2027. Rien qu’en 2023, les États-Unis ont alloué plus de 45 milliards de dollars au maintien de l’Ukraine : 13,37 milliards de dollars pour soutenir les opérations du gouvernement de Kiev ; 9,3 milliards de dollars destinés à l’Initiative d’assistance à la sécurité de l’Ukraine pour une formation, des équipements, des armes, un soutien logistique, des fournitures et des services, des salaires et des allocations, un soutien et un appui en matière de renseignement à l’armée ukrainienne ; et 14,5 milliards de dollars pour des transferts d’équipements militaires. Sur ce dernier montant, 11,88 milliards de dollars serviront en fait à reconstituer les stocks américains d’équipements envoyés à l’Ukraine dans le cadre de l’autorisation présidentielle de décaissement.
Le Canada a engagé plus de 8 milliards de dollars pour soutenir l’Ukraine depuis le début de l’opération militaire spéciale de la Russie, dont plus de 1,5 milliard de dollars d’aide militaire. L’OTAN doit maintenir l’Ukraine à flot afin de disposer d’une figure de proue pour sa guerre par procuration contre la Russie. Il est clair que l’Ukraine ne s’en remettra jamais financièrement.
Par aillieurs, les médias ukrainiens indiquent que le 27 juillet le parlement a approuvé deux projets de loi prolongeant de 90 jours la loi martiale et la mobilisation générale. Ces deux mesures ont été prolongées à plusieurs reprises depuis le début de la guerre. Le président Volodymyr Zelensky a déclaré la loi martiale pour la première fois le 24 février 2022, au début de l’opération militaire spéciale russe. La nouvelle loi prolonge la loi martiale du 18 août, date d’expiration actuelle, jusqu’au 15 novembre. Sous la loi martiale, les élections sont annulées et les Ukrainiens âgés de 18 à 60 ans, à quelques exceptions près, ne sont pas autorisés à quitter le pays parce qu’ils pourraient être appelés au service militaire.
La « contre-offensive » ukrainienne n’avance pas
Le New York Times et d’autres médias qui font de la propagande pour la guerre par procuration en Ukraine pour aussi longtemps qu’il le faudra pour vaincre la Russie disent que l’Ukraine a entamé sa soi-disant grande contre-offensive. Comme d’habitude, c’est un message optimiste malgré les énormes pertes pour l’Ukraine, que ces mêmes sources ont dû reconnaître il y a seulement quelques semaines. L’une d’elle, Politico.eu, écrivait récemment : « L’avance cette semaine pourrait être le début d’une première véritable percée pour les forces ukrainiennes dans leur contre-offensive ». De hauts responsables du Pentagone ont reconnu que la contre-offensive était plus lente que certains l’avaient espéré mais on prétend que Kiev attend son heure. Le Pentagone et les propagandistes pro-OTAN s’inventent des histoires, prétendant que l’Ukraine ne mène présentement que des « actions exploratoires » à la recherche des points faibles de la défensive russe, et tout en gardant ses forces les mieux entraînées en réserve pour sa « contre-offensive majeure ».
Le Kyiv Post du 27 juillet a confirmé informations russes antérieures selon lesquels l’Ukraine a repris son « offensive majeure » entreprise au début de juin, mais a reculé après des pertes massives. Dans la dernière semaine de juillet, les sources russes ont annoncé que la grande offensive de l’Ukraine avait recommencé sur la ligne de contact, mais avec des résultats dévastateurs pour l’Ukraine. Le président de Russie, Vladimir Poutine a déclaré : « Je peux vous dire sans exagérer que nos soldats et officiers ont fait preuve d’héroïsme collectif à tous les niveaux. L’ennemi a eu recours à un grand nombre de blindés en envoyant 50 pièces de matériel militaire au combat. De ce nombre, 39 pièces d’équipement, dont 26 chars et 13 véhicules blindés de transport de troupes, ont été détruites. Le personnel des unités dont j’ai fait mention en ont détruit 60 %, tandis que nos pilotes de combat ont détruit l’autre 40 %. »
L’analyste militaire américain à la retraite possédant une vaste expérience, Scott Ritter, rejette les prétentions du Pentagone/OTAN voulant que l’Ukraine ne mène que des « actions exploratoires ». Il écrit que l’OTAN a choisi ses deux brigades les mieux formées au combat et les mieux équipées pour lancer l’offensive de l’Ukraine le 8 juin. Ces deux brigades ont été formées par les États-Unis en tactiques de groupe interarmes et avaient la mission de lancer toutes leurs forces le long de la ligne de contact. On a fait croire délibérément aux soldats ukrainiens que les troupes russes devant ces deux unités déguerpiraient ou se rendraient dès les premiers signes de combats violents.
Scott Ritter dit que l’OTAN a rejeté la responsabilité de l’échec de l’offensive sur les officiers ukrainiens qui n’ont pas mis en pratique correctement les tactiques apprises à Grafenwoerhr. « Un rapport fuité du renseignement allemand a souligné comment l’Ukraine avait mis de côté ses attaques de formation de masse de véhicules blindés pour passer à des attaques d’infanterie à moindre échelle, abandonnant totalement les opérations de groupe interarmes enseignées par l’OTAN. Ce que le rapport allemand oublie de mentionner est qu’en réalité l’OTAN a tenté d’enseigner en quelques semaines un art militaire qui ne peut être maîtrisé qu’après plusieurs mois, voire plusieurs années. »
Rien n’a changé au cours du mois et des semaines qui se sont écoulés depuis qui puisse changer le résultat d’une nouvelle « offensive majeure » des forces ukrainiennes, selon Scott Ritter. Celles-ci n’ont toujours pas la supériorité aérienne ni l’artillerie ni les missiles nécessaires pour supprimer les forces russes et espérer en sortir victorieuses. En fait, c’est tout le contraire, puisque tant que les forces russes contrôlent l’espace aérien et détiennent une supériorité massive au niveau de l’artillerie, sans parler de leurs lignes défensives bien fortifiées, tous les efforts de l’Ukraine pour obtenir les résultats exigés par l’OTAN sont suicidaires, dit-il.
Selon Scott Ritter, à moins que l’Ukraine ne puisse démontrer qu’elle a la volonté et la capacité de l’emporter sur la Russie, l’« Occident » n’aura d’autre choix que de chercher une « porte de sortie diplomatique » à la guerre. Une telle entente négociée pourrait contraindre l’Ukraine à accepter la perte de territoires actuellement revendiqués par la Russie, ce que le gouvernement de Zelensky rejette catégoriquement.
Manifestation antiguerre à Budapest
Une manifestation de plus de 200 personnes a eu lieu à Budapest le 26 juillet pour faire entendre « la volonté antiguerre de la majorité saine d’esprit » et pour exiger la paix en Ukraine, que cessent l’envoi d’armes et l’escalade ininterrompue du conflit contre la Russie. Le mouvement citoyen Forum pour la paix, une coalition de dix organisations politiques et sociales et une initiative toute récente de la Communauté hongroise pour la paix, a dit qu’il entend arrêter « ceux qui mettent le profit avant la vie des autres et qui sont prêts à sacrifier la paix du monde entier à l’autel de leur quête égoïste du pouvoir ». Leur communiqué se lit : « Nous déclarons que le peuple hongrois n’a pas l’intention de se sacrifier pour la soif de pouvoir de la clique dépravée de Kiev qui opprime le peuple et se sert de ses compatriotes comme chair à canon, ni pour ceux qui veulent la maintenir au pouvoir. »
Le Forum pour la paix a lancé l’appel à une prise de position sans compromis et cohérente envers la Russie. « Le gouvernement doit se décider si la Russie est un agresseur, ou s’il reconnaît la légitimité de ses demandes en matière de sécurité. Aussi doit-il prôner une politique de neutralité qui favorise la réconciliation avec la Russie » peut-on lire dans la déclaration. « La confrontation ne nous intéresse pas. Nous voulons plutôt de bonnes relations avec les pays de l’est et de l’ouest. Ici, au coeur de l’Europe, dans ces lieux de guerres historiques, ce qui nous est primordial, c’est la coopération pacifique avec les pays de l’ouest, avec qui nos échanges commerciaux sont de l’ordre de 80 %, et avec la Russie, qui répond à 80 % de nos besoins énergétiques. Ce qui nous intéresse avant tout, c’est la paix et le progrès. » Selon la déclaration, la Hongrie doit cesser d’offrir de l’aide financière à l’Ukraine et doit veiller à ce que ces fonds aient comme objectif d’aider le peuple hongrois, qui lui-même connaît son lot de difficultés en raison du conflit et des sanctions de l’Union européenne contre la Russie.
Avant la création du Forum pour la paix, un appel public a été lancé sur les médias sociaux par la Communauté hongroise pour la paix invitant « tous les individus, toutes les communautés et organisations sociales et politiques qui considèrent que la paix en Hongrie ainsi que ses relations harmonieuses avec les pays de l’est et de l’ouest sont d’intérêt national, à faire une déclaration commune pour faire connaître leur volonté de protéger la paix dans notre pays. »
Dans l’appel, on explique l’objectif de base du Forum pour la paix comme suit : « Nous protégeons la paix en Hongrie ! Nous nous opposons à quiconque, peu importe les raisons ou les prétextes, cherche à plonger notre pays dans une guerre contre la Russie ou contre qui que ce soit, et refusons que le sang hongrois soit à nouveau versé pour des intérêts étrangers ; nous voulons vivre en paix et en bons termes avec les pays de l’est et de l’ouest. Pour y arriver, nous devons reconnaître ce que veut la Russie et nous devons exiger que nos alliés occidentaux fassent de même en respectant les principes de garantis réciproques et de l’indivisibilité de la sécurité. Conformément aux exigences du respect, de l’égalité et de la coopération pacifique, favorisons la création d’un ordre mondial de coopération en érigeant des ponts permettant à la Hongrie de vivre et de s’épanouir dans la paix et dans la sécurité. Nous sommes prêts à écouter le point de vue des autres et à organiser des actions communes coordonnées. Le Forum pour la paix veut que les objectifs communs que nous avons définis se concrétisent par des actions en consultation avec les organisations partenaires ! Nous voulons que notre travail se fasse dans un esprit d’égalité, de respect réciproque, tout en réfléchissant et en agissant ensemble dans un but bien précis ! »
La majorité des parlementaires hongrois boycottent le vote sur l’adhésion de la Suède à l’OTAN
Le lundi 31 juillet, les membres du parti hongrois Fidesz, qui détient une majorité des deux tiers au parlement hongrois, ont boycotté un vote crucial au parlement, reportant ainsi la décision sur l’adhésion de la Suède à l’OTAN. L’échec du vote signifie que la question devra être réexaminée à une date ultérieure. La Hongrie et la Turquie n’ont pas encore donné leur accord à l’adhésion de la Suède à l’OTAN. En tant que membres de l’OTAN, ces deux pays sont soumis à une forte pression pour approuver l’adhésion de la Suède.
Le premier ministre de la Hongrie, Viktor Orban, souhaitait reporter le vote au mois de septembre, à la fin des vacances parlementaires. Viktor Orban et son cabinet n’acceptent pas le discours de l’OTAN sur la poursuite du soutien militaire à l’Ukraine « aussi longtemps qu’il le faudra ». La Hongrie appelle au contraire à des pourparlers de paix inconditionnels, rappelant le coût des hostilités pour toutes les parties concernées, y compris les membres de l’Union européenne qui ont souffert de leurs propres sanctions contre la Russie.
L’Assemblée nationale turque doit également examiner l’adhésion de la Suède à l’OTAN à l’automne.
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