Numéro 8
3 juin 2023
Le couronnement de Charles III
Échec d’une tentative de quadrature du cercle
Le couronnement de Charles III en tant que « roi du Royaume-Uni et de ses autres royaumes » a été une tentative ratée de résoudre la quadrature du cercle. Le souverain, en tant que personne d’État, est censé représenter le peuple, ses valeurs et l’unité autour de ces valeurs. Outre le fait que ces valeurs ont toujours été celles de l’empire, qui ne représente en aucun cas le peuple, l’étalage de la richesse et du pouvoir que représente la « tradition » rend aujourd’hui la tâche très ardue. Les riches s’enrichissent en usurpant de plus en plus directement le pouvoir de décision des États. Les formes de gouvernance conçues pour contenir les conflits entre les individus et les collectifs et entre les factions rivales de la classe dirigeante ne parviennent plus à maîtriser la situation. Cela donne lieu à des guerres civiles à l’intérieur et à des guerres de conquêtes à l’extérieur, ainsi qu’à d’autres graves dangers pour l’humanité, comme les famines, l’appauvrissement à des échelles toujours plus grandes et les catastrophes climatiques.
Compte tenu de ces développements dans le monde, le message de « service » que le roi et son archevêque ont présenté lors du couronnement est une tentative de perpétuer un ordre constitutionnel qui est anachronique et qui doit faire place à un ordre moderne et démocratique. Cette quête irrationnelle et intéressée en étalage lors du couronnement rappelle en fait l’importance d’abolir la monarchie une fois pour toutes afin d’ouvrir la voie au progrès de la société. Telle est la vérité en ce qui concerne ce couronnement.
Les valeurs que la monarchie et les cercles dirigeants épousent – que l’on dit données par Dieu – n’effaceront pas les crimes qu’ils ont commis dans le passé, qui sont innombrables, ni leurs crimes présents, qui sont également innombrables. Cela ne passera pas.
Plus les cercles officiels canadiens reproduiront l’image de Charles III sur les pièces de monnaie, les timbres, les billets de 20 dollars et les portraits, plus les gens mépriseront la monarchie, car ces images leur rappelleront qu’il est grand temps qu’ils s’investissent eux-mêmes du pouvoir souverain.
Lettres à la rédaction
Sur le changement de nom de la «Fête de la reine» Victoria à «Journée des patriotes»
Un appel opportun
L’appel du PCC(M-L) à rebaptiser la « Fête de la reine » Victoria « Journée des patriotes » est une bonne idée. Le moment est bien choisi pour tout le Canada et la proposition est présentée de manière réfléchie — que c’est une occasion d’amener dans le domaine public la discussion sur qui étaient les patriotes et ce qu’ils représentaient. Cela permet de défaire les mythes de l’empire et de réfléchir au genre de constitution et de processus politique qu’il faut aujourd’hui. Il est important de souligner que la célébration d’un monarque étranger issu d’un contexte colonial est une humiliation et qu’il faut y mettre un terme.
Les mythes sur le Canada et son histoire ne correspondent pas à la réalité
Renommer la « Fête de la reine » Journée des patriotes donne l’initiative au peuple, que ce soit les Canadiens de longue date ou ceux qui sont nouvellement arrivés. La mise en évidence du génocide des peuples autochtones, avec la découverte de tombes anonymes, montre déjà que les mythes du Canada et de son histoire ne correspondent pas à la réalité dans la conscience de beaucoup de gens.
Qui étaient les patriotes canadiens ?
Il est opportun de demander aujourd’hui que la Fête de la reine Victoria soit renommée parce que la mort d’Élisabeth II et le couronnement de Charles III ont ouvert la conversation et les gens réfléchissent déjà à la place de ces institutions médiévales dans le monde d’aujourd’hui. L’appel souligne que les peuples canadien et québécois n’ont jamais eu leur mot à dire lorsque ces arrangements constitutionnels ont été imposés, sans parler de la nation québécoise et des peuples autochtones qui ont été soumis à la conquête et à la domination coloniales.
Renommer la « Fête de la reine » Victoria « Journée des patriotes » nous amènerait à examiner consciemment qui ont été les patriotes à différentes périodes de l’histoire du Canada — ceux dont les paroles et les actes correspondaient aux besoins du peuple à leur époque. Il s’agit d’attirer l’attention du public sur les patriotes du Bas et du Haut-Canada, sur le rôle de dirigeants comme Riel, Dumont et Big Bear et sur les chefs autochtones qui ont lutté pour leur souveraineté. Mais aussi beaucoup d’autres, comme les Acadiens qui ont été expulsés par les Britanniques qui se sont emparés de leurs terres, tous les travailleurs qui se sont battus pour établir les syndicats, d’abord au début du siècle, puis après la guerre, et ceux qui ont combattu en Espagne, Norman Bethune qui est mort en Chine, tous ceux qui ont combattu contre le fascisme durant la Deuxième Guerre mondiale et toutes les femmes qui se sont battues pour leurs droits et les droits de tous et pour s’opposer à l’engagement du Canada sur la voie de la guerre.
Il s’agit d’ouvrir un espace pour rejeter les mythes officiels qui disent ce que signifie être un Québécois, un Canadien ou un Autochtone et d’établir notre propre ligne de marche. D’innombrables images nous viennent immédiatement à l’esprit ! Laissons la parole au peuple pour qu’il nous dise qui sont les patriotes et pourquoi, et nous apprendrons beaucoup de choses. Et nous verrons comment définir une nouvelle identité du Canada en tant que Canada populaire.
Les obstacles à la discussion
L’article qui parle de la nécessité de démystifier les légendes monarchiques patriotiques colportées par les cercles officiels au Canada traite des obstacles créés par les cercles dirigeants pour empêcher la discussion sur la nécessité d’abolir la monarchie et de nous doter d’une constitution moderne et d’institutions modernes répondant aux besoins de l’époque. Cela remet en cause les limites imposées à la discussion par ceux qui parlent d’une formule d’amendement et du besoin d’un consensus entre la Chambre des communes, dix provinces et trois territoires. C’est la même constitution dépassée qui nous donne un roi étranger comme chef d’État qui fixe ces conditions – et nous n’avons demandé ni l’une ni l’autre.
Une autre légende coloniale est la présomption que, d’une manière ou d’une autre, la monarchie devrait être conservée parce que la relation avec la Couronne est « importante » pour les peuples autochtones. Il est vrai que la Couronne est responsable des traités, qui ne peuvent être abolis par opportunisme, mais elle a également été l’instrument de la colonisation et de la négation de la souveraineté autochtone. Il est fondamental pour l’avenir du Canada de discuter de comment garantir la souveraineté autochtone et faire en sorte qu’elle ne relève plus de la « Couronne » mais des peuples autochtones eux-mêmes. C’est possible !
Des arguments convaincants pour renommer la fête de Victoria
Le PCC(M-L) présente des arguments convaincants pour renommer la Fête de la reine « Journée des Patriotes ». Ce que le Parti appelle les légendes monarchiques patriotiques qui sont répétées depuis le jour où nous naissons ou venons au Canada, par lesquelles nous devons prêter serment d’allégeance à un monarque étranger pour acquérir la citoyenneté, forment une conception du monde qui nous empêche de voir l’essence des rapports que nous entretenons d’humain à humain et d’humains à la nature. Ces légendes monarchiques patriotiques sont créées pour nous empêcher de nous renouveler et d’avoir notre mot à dire sur ce qui peut être fait pour faire avancer la société.
La relique d’un monarque étranger est un obstacle à la conceptualisation d’une démocratie moderne
Toute la conception de la démocratie que l’élite dirigeante du Canada veut faire accepter au peuple est fondée sur une interprétation monarchiste de l’histoire du Canada et sur l’acceptation inconditionnelle de ce que le Parti appelle les légendes monarchiques patriotiques, selon lesquelles le Canada est le meilleur pays du monde, le plus pacifique et le plus démocratique, et qu’il ne faut pas le bousculer.
La mythologie créée par les légendes monarchiques patriotiques et le symbolisme de la couronne sert à masquer la soumission abjecte à ce que représente la couronne. Tout porte le nom du roi, même la « loyale opposition » de Sa Majesté ! Les institutions, tribunaux, assemblées législatives et la constitution elle-même définissent les limites dans lesquelles nous pouvons agir et montrent de façon convaincante que la révolution démocratique au Canada doit être achevée bien au-delà de la notion biaisée de gouvernement autonome.
La relique d’un monarque étranger comme chef d’État, et tout ce que cela représente historiquement et dans le présent, est un obstacle à la conceptualisation d’une démocratie moderne dans laquelle c’est le peuple qui décide. Il est important de parler de nos patriotes. Leur contribution est importante. Il est nécessaire de rejeter les héros de la conquête du Canada – ceux qui ont commis le génocide contre les peuples autochtones et réprimé les rébellions qui tentaient de former la République du Canada dans le Haut-Canada et la République du Québec dans le Bas-Canada et qui ont hissé le drapeau à deux étoiles et le drapeau tricolore, ainsi que ceux qui ont brutalement réprimé les Métis qui luttaient pour leur identité nationale.
Décider nous-mêmes qui sont les patriotes et les héros à imiter
La proposition de renommer la Fête de la reine « Journée des patriotes » ouvre la discussion sur les héros et les symboles qui expriment la nation canadienne moderne et les aspirations de ses peuples pour le Canada et pour le monde. Elle élève le niveau de la discussion au-delà des limites de l’impossibilité d’amender ce qui existe déjà parce que la formule d’amendement rend impossible l’obtention d’un consensus et que « nous avons mieux à faire ». Tout cela masque le fait que la Constitution a pour fondement l’exclusion du peuple de tout droit de regard sur la gouvernance et qu’elle entre dans le domaine de la conceptualisation des besoins d’une démocratie moderne. Dans le Canada d’aujourd’hui, l’élimination des légendes monarchiques patriotiques qui perpétuent l’assujettissement du peuple comme une chose immuable supprime une entrave qui perpétue notre humiliation en tant que peuple. Nous pouvons décider nous-mêmes qui sont les patriotes et les héros à imiter en nous affranchissant du poids de la vieille société et du processus de pensée qu’elle impose.
Engager la discussion
La proposition du Parti de renommer la Fête de la reine Victoria présente un argument clair sur le comment et le pourquoi de la demande de mettre fin à l’ignominie des légendes monarchiques patriotiques, en particulier la célébration de la Fête de la reine, et de l’abolition de la monarchie. Nous devrions tous reprendre cette discussion et déboulonner les mythes qui créent une conception du monde qui restreint nos luttes à un cadre juridique qui bloque tout progrès.
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