Numéro 7
22 mai 2023
Abolissons la monarchie!
Rebaptisez la «Fête de la reine» Journée des patriotes
Célébrons les patriotes du peuple et mettons fin à l’ignominie des légendes monarchiques patriotiques
Une assemblée de quelque 6 000 patriotes du Québec, l’Assemblée des Six Comtés, se tient les 23 et 24 octobre 1837, bien que les assemblées publiques soient interdites par proclamation du gouvernement colonial britannique.
Le Parti communiste du Canada (marxiste-léniniste) demande que la « Fête de la reine » soit rebaptisée « Journée des patriotes ». L’objectif est d’engager tout le monde dans la discussion sur les patriotes du peuple et démystifier les légendes monarchiques patriotiques transmises aux jeunes générations pour les empêcher de conceptualiser une constitution et un processus démocratique qu’elles établiront elles-mêmes et qui leur ouvriront la voie à un avenir radieux. Dans cette optique, la célébration de la « Fête de la reine » Victoria est, pour le dire franchement, une humiliation nationale. Les Canadiens s’opposent à tout ce qu’elle représente. En fait, l’euphorie de l’empire a depuis longtemps été réduite en miettes dans les tranchées sanglantes de l’Europe de la Première Guerre mondiale.
Victoria est morte depuis longtemps, mais aujourd’hui encore elle est acclamée comme impératrice des Indes et louée d’innombrables façons. À travers les personnages des rois et reines, les conquêtes, les traités et les institutions établis en son nom et au nom de ses successeurs, à travers les crimes commis, tout consiste à insinuer dans la pensée l’idée qu’elle représente quelque chose de patriotique, quelque chose à saluer plutôt qu’à condamner. La Constitution imposée en son nom en 1867, puis son rapatriement au nom d’Élisabeth II en 1982, relègue les Canadiens au statut de sujets sous un pouvoir qu’ils ne se sont pas donné. Tout repose sur des légendes et des pratiques monarchiques patriotiques créées pour justifier et légitimer ce pouvoir.
Par exemple, on prétend que pour que le Canada rompe les liens avec la monarchie et devienne une république, « il faudrait un accord entre la Chambre des communes, le Sénat et les dix provinces ». C’est ce que stipule la Constitution, celle-là même qui a été rapatriée d’Angleterre en 1982 par le gouvernement de Pierre Elliot Trudeau avec l’incorporation d’une Charte des droits et libertés et d’une formule d’amendement. En dehors de la classe dirigeante, personne n’a jamais accepté l’imposition de la Constitution adoptée par le Parlement impérial en 1867. De même, l’ajout d’une Charte des droits et libertés et d’une formule d’amendement n’a jamais été accepté par les Canadiens et les Québécois. À ce jour, la nation québécoise n’a même pas signé la Constitution de 1982, bien qu’elle soit considérée comme un « peuple fondateur » du Canada. Le « Canada officiel » n’en présume pas moins que le Québec lui est soumis. Cette présupposition caractérise la matière intellectuelle d’une classe dirigeante et d’un système de domination et de gouvernance imposés par les Britanniques à l’époque coloniale. Elle trouve son origine dans la conquête de territoires qui étaient habités par des peuples autochtones, mais qui ont été déclarés possessions de l’Empire britannique par la force, la tromperie, le génocide culturel et l’imposition d’un pouvoir souverain représenté jusqu’à ce jour par un monarque étranger et ses représentants, non pas les représentants du peuple.
Présupposer, c’est tenir une idée fausse pour vraie et l’utiliser comme base pour d’autres idées. La Constitution imposée en 1867 et son « rapatriement » en 1982 sont la base des lois qui régissent ce pays. Il est présupposé que rien ne peut être fait en dehors de ces arrangements, même s’ils bloquent l’affirmation du peuple dans son pouvoir de décider de ses affaires, ce qui est nécessaire à l’ère moderne pour achever la révolution démocratique. Les prétentions des monarques étrangers et des premiers ministres étrangers au sujet de ce qui peut ou ne peut pas être fait, de qui peut ou ne peut pas gouverner, s’appuient sur cette présupposition et servent des intérêts précis.
Toutes sortes de notions viennent des présuppositions sorties des légendes monarchiques patriotiques. Cela inclut des absurdités sur ce que signifie être un Canadien ou un Québécois « légitime », ou la promotion de fauteurs de guerre racistes et misogynes en tant que héros, ou l’attribution de médailles sur le modèle des ordres de l’Empire britannique, etc. Tout cela est fait sans que les Canadiens ou les Québécois aient leur mot à dire. Il s’agit d’une violation fondamentale de leur droit de conscience, de leur droit de s’identifier eux-mêmes et de leur droit d’être. C’est un moyen de condamner la résistance et les patriotes qui s’y engagent. Il est temps de régler les comptes avec cette vieille conscience de la société et de mettre de l’avant la matière intellectuelle et les solutions apportées par tous les patriotes qui se sont battus au Canada et dans le monde pour leur droit d’être et pour le droit à la paix, à la liberté et à la démocratie.
C’est « le peuple » qui doit définir « le peuple », et non l’État établi par l’Empire britannique d’autrefois, perpétué par ceux qui bénéficient des structures de pouvoir et de privilège qu’il a établies. Pour perpétuer leur pouvoir, ceux qui bénéficient des structures de pouvoir et des privilèges de l’État, qui est une monarchie constitutionnelle dont le chef d’État est un monarque étranger, s’appuient sur la déclaration qu’ils sont légitimes et que quiconque ils n’approuvent pas est illégitime. Ils imposent ainsi un ensemble de valeurs et de normes et qualifient ceux qui ne les acceptent pas de « marginaux » ou d’« extrémistes ». Qui fixe les normes et les valeurs est un « mystère d’État » — cela se fait par le biais des prérogatives du souverain et de ceux que l’on dit habilités à exercer le pouvoir souverain, et aujourd’hui personne ne peut dire en toute sincérité qu’il s’agit des assemblées législatives et des parlements ! Les présuppositions engendrées par les légendes monarchiques et patriotiques donnent lieu à la célébration de la Fête de la reine qui est, franchement, une humiliation nationale pour le pays appelé Canada qui ne jouit même pas formellement de la souveraineté comprise comme appartenant au peuple selon la forme républicaine de gouvernement.
C’est également le cas du Québec, une nation au sein du pays appelé Canada, dont le statut de nation n’est pas reconnu sous la forme d’un droit à l’autodétermination pouvant aller jusqu’à la sécession si elle le souhaite. Réduire les questions de principe à des politiques de division comme on en voit couramment aujourd’hui, qui portent toutes sur des questions d’identité et de droit d’être, cause un grand tort à celles et ceux dont les luttes sont soumises aux limites permises par la conception du monde et la définition des droits engendrées par l’empire britannique.
Pour les nations des peuples autochtones, les rapports de nation à nation doivent être respectés. Or, tant que ce principe est soumis à la décision finale de la Couronne du fait de la Constitution qui l’impose, des décisions génocidaires continuent d’être prises au nom de grands idéaux. Les gouvernants ne reconnaissent pas, et n’ont jamais en fait reconnu, l’essence des rapports établis par les traités et issus des droits ancestraux des peuples autochtones.
Comme toute union, le Canada ne peut être fort que s’il est une union librement constituée et conclue, et cette union ne peut être considérée comme librement constituée que si les parties constitutives du Canada, y compris le Québec et les peuples autochtones, ne sont pas soumises à la force ou à une « persuasion » économique, politique et culturelle indue.
L’utilisation des prérogatives de l’Empire britannique et de son Parlement impérial pour imposer l’Acte d’Union en 1840 puis la Confédération en 1867, la création de la Police montée du Nord-Ouest en 1873 pour conquérir le Nord-Ouest au nom de l’Empire britannique contre l’expansion nordique des États-Unis d’Amérique, l’utilisation des prérogatives de la fonction de premier ministre du Canada et de la reine d’Angleterre pour rapatrier la Constitution – tous ces éléments sont fondés sur des légendes monarchiques patriotiques dont le seul but est de perpétuer la forme de pouvoir établie à l’origine par l’empire britannique et qu’elles engendrent à leur tour.
Sous cette forme de gouvernement et ses institutions, le peuple n’a en fait pas son mot à dire dans le processus de prise de décision, y compris le processus électoral qui est censé être une forme de représentation. Ce n’est pas le peuple qui décide des candidats, des campagnes de dénigrement, de l’ordre du jour, de l’absence d’un vote informé, des divisions encouragées, de l’argent dépensé, et certainement pas du résultat. Tout cela représente n’importe qui sauf le peuple.
La forme de représentation représente en fait ce que défend le souverain qui manie le pouvoir suprême, et non ce que le peuple défend. C’est une forme de pouvoir qui a soumis les peuples autochtones à un vaste génocide dans le passé, afin de leur voler leurs territoires et d’en faire des peuples assujettis, et qui continue de le faire dans le présent. La résistance héroïque et permanente à cette tentative de les éliminer en tant que peuples est la seule chose qui sépare leur survie de leur extinction en tant que peuples.
La monarchie britannique s’est enrichie grâce à l’asservissement brutal des peuples. Pourtant, les Canadiens sont appelés à être loyaux envers le roi et le système de gouvernance qui porte son nom, car, nous dit-on, c’est ridicule de ne pas vouloir laisser le passé au passé. L’interprétation de l’histoire selon laquelle les crimes commis par l’empire britannique appartiennent au passé et ne sont pas perpétués au présent par l’ordre constitutionnel qui a permis de les commettre, et qui les glorifie aujourd’hui, est également une légende monarchique patriotique à laquelle il faut mettre un terme une fois pour toutes. La conception du monde fondée sur ces légendes perpétue le pouvoir constitutionnel qui fait de chacun de nous le « loyal sujet » d’un monarque étranger aujourd’hui, avec tout ce que cela implique quant au lieu du pouvoir de décision suprême.
La présupposition tacite est que ces légendes rendent fidèlement ce qui s’est passé dans le passé, alors qu’elles imprègnent les événements d’une interprétation basée sur l’édification d’empire qui a présidé à la création d’un Canada à leur image. Leur interprétation des événements fait passer ceux que les Canadiens considèrent comme des patriotes pour des traîtres, alors que les rois et les reines, leurs gouverneurs généraux, la police et les personnalités qu’ils considèrent comme dignes sont appelés des héros. Ils reçoivent des récompenses et des titres et sont présentés comme des personnes que les Canadiens devraient imiter.
C’est le cas de toute classe dirigeante quand le peuple n’a pas son mot à dire sur le modus operandi de ceux qui prennent les décisions. Au Canada en particulier, l’interprétation des faits est le fruit d’un processus de pensée monarchique patriotique qui imprègne d’absurdités les cerveaux des générations successives. Les dispositions constitutionnelles nous condamnent à rester dans ce domaine de la pensée. Les présuppositions doivent être acceptées puisque la Confédération a imposé une constitution adoptée par le Parlement impérial en 1867, puis rapatriée en bloc en 1982, avec l’ajout d’une Charte des droits et libertés et d’une formule d’amendement. Les arrangements fondamentaux à la base de la Constitution ne sont jamais discutés. Les livres d’histoire les décrivent mais n’en discutent pas. Ils ne sont jamais adoptés. Le Québec, dit nation fondatrice du Canada, n’est même pas signataire de la Constitution de 1982.
Sur la base de la matière intellectuelle victorienne, l’expérience réelle et la mémoire des peuples sont effacées, reléguées aux oubliettes. Nous sommes censés accepter le tabou sur la discussion et les limites imposées par la conception des droits et des libertés engendrée par une société civile fondée sur les idéaux victoriens du devoir, de l’ordre et de la civilisation.
Le statut actuel du Canada en tant que monarchie constitutionnelle, avec un monarque étranger comme chef d’État, est une humiliation nationale, un embarras, mais cela est supplanté par l’acceptation des légendes monarchiques patriotiques. Le personnage fictif qu’on dit représenté par notre chef d’État, Charles III, incarnerait les valeurs qui unifient la nation. Comment des valeurs auxquelles nous n’adhérons pas peuvent-elles unifier la nation ? C’est une présupposition ridicule que nous sommes censés accepter parce que nous sommes censés accepter qu’il n’y a rien que nous puissions faire à ce sujet. Nous sommes impuissants. L’objectif de la fabrication de cette personne fictive de l’État est de cacher les rapports réels entre les humains et entre les humains et la nature et ce qu’ils révèlent, à savoir la nécessité d’investir le peuple du pouvoir. Aujourd’hui, l’appel de l’histoire est d’achever la révolution démocratique en s’assurant que les arrangements constitutionnels confèrent le pouvoir suprême au peuple, et non aux intérêts privés étroits qui gouvernent la société pour des gains privés.
Rebaptiser la « Fête de la reine » Journée des patriotes ne suffira pas à abolir la monarchie, mais cela contribuera à démystifier ces légendes monarchiques patriotiques qui servent à nous maintenir liés à l’ordre existant et tous ses pièges et apparats. Dans tout le pays, les travailleurs et les gens de tous les milieux expriment leurs propres revendications, lesquelles nécessitent de nouvelles dispositions adaptées aux conditions actuelles. Une société moderne émerge des exigences des conditions matérielles d’aujourd’hui, et non pas d’un remaniement des légendes monarchiques patriotiques du passé et des institutions qui en découlent.
Il est grand temps que le Canada règle ses comptes avec cette vieille conscience de la société en ramenant à l’avant la matière intellectuelle et la direction prosociale et pro-peuple créées par tous ces patriotes qui ont combattu au Canada et dans le monde pour le droit d’être, la paix, la liberté et la démocratie. Rebaptisons la « Fête de la reine » en Journée des patriotes en célébrant nous-mêmes nos patriotes, les patriotes que les peuples autochtones et les peuples du monde entier qui habitent cette terre considèrent comme leurs héros. Ce sont ces contributions que nous jugeons dignes d’être célébrées et commémorées, gravées sur des timbres, des pièces de monnaie et des billets de banque, et non celles représentées par les images des rois et des reines et de ceux qui les imitent, quels qu’ils soient.
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