Numéro 5
11 mai 2023
Abolissons la monarchie!
Non à la monarchie !
Honte aux cercles officiels canadiens !
Le samedi 6 mai en avant-midi, Radio-Canada a diffusé les célébrations qui ont eu lieu à Ottawa parallèlement au couronnement du monarque Charles III et son épouse Camilla en Angleterre.
Au nom du peuple canadien, des responsables ont présenté un nouveau timbre à l’effigie de Charles III et dévoilé une nouvelle pièce de monnaie portant l’image du roi. Un « emblème canadien du couronnement » pour « Sa Majesté le roi Charles III » a été créé pour marquer le premier couronnement d’un monarque en sept décennies. Le dessin d’une version dite « modernisée » de ce qu’on appelle la « couronne royale canadienne » a également été dévoilé. Elle s’apparente à la couronne royale anglaise de style Tudor, auquel Charles est revenu pour l’image royale qu’il veut projeter, tout en incorporant ce qu’on dit être des éléments canadiens distinctifs – la première, connue sous le nom de couronne de Saint Édouard, est représentée ici à gauche, et la couronne royale canadienne à droite[1]. Les symboles religieux (croix et fleur de lys) sont remplacés par des feuilles d’érable et un flocon de neige. Le cercle de la couronne est décoré d’un motif triangulaire représentant les montagnes et les vallées fluviales, tandis qu’une bande bleue ondulée évoque les rivières du pays et les océans qui le bordent.
Des discours de soumission à la couronne ont été prononcés. Tout au long de la cérémonie on a entendu parler de « notre souverain », « pour un changement de règne », « pour le couronnement de notre nouveau monarque » et de « notre sens d’appartenance ». Appartenance à quoi ? Voilà la question la plus pertinente et à ce sujet il n’y a pas de discussion officielle, seulement des éloges sur la pompe et la splendeur du couronnement et l’« importance de la tradition ».
L’hymne royal God Save the King a été interprété pour marquer « le lien qui unit le monarque et les Forces armées canadiennes », suivi du Ô Canada.
Rien n’a été épargné dans ce spectacle honteux pour bloquer et faire disparaître le besoin criant de renouveau. Ce fut un spectacle nauséabond. Il n’avait rien à voir avec les aspirations des peuples québécois et canadien et des peuples autochtones qui combattent tout ce qui est rétrograde, désuet, archaïque et anti-peuple, et qui avancent pour créer une société moderne qui défend les droits de toutes et tous.
Le jour du couronnement, le gouvernement du Canada a également fait don de 100 000 dollars à Conservation de la nature Canada (CNC). Ce don a été fait « en hommage à l’engagement de longue date de Sa Majesté en faveur de la protection et de la conservation de l’environnement ». Selon le Bureau du premier ministre, CNC est « le plus important organisme de conservation des milieux naturels du Canada, CNC a pour objectif de protéger les milieux naturels et les eaux douces d’un bout à l’autre du pays. De plus, l’organisme travaille souvent en étroit partenariat avec les peuples autochtones pour gérer ces priorités communes. » Faudrait voir ce que fait réellement CNC pour « protéger les milieux naturels et les eaux douces » et ce que signifie le « partenariat avec les peuples autochtones ». Tant que les relations entre les Canadiens et « la Couronne » signifient que les premiers n’ont pas leur mot à dire sur les décisions prises au nom de la seconde, ce sont les intérêts privés qui sont protégés, et non l’environnement naturel ou social.
Le symbolisme de « la nouvelle couronne royale, du drapeau royal, du timbre canadien et des pièces de monnaie de collection en l’honneur du couronnement de Sa Majesté » soulève également la question de savoir comment ces choses sont décidées et par qui. C’est la prérogative du Bureau du premier ministre – de faire toutes ces choses, mais le palais de Londres et les apparats du gouverneur général au Canada ont beaucoup à voir avec décider ce que les Canadiens « veulent ». Par exemple, l’Autorité héraldique du Canada (AHC) a été créée en 1988 « lorsque le gouverneur général du Canada a été autorisé, par lettres patentes, à exercer la prérogative royale en matière d’héraldique au Canada. Le gouverneur général est le chef de l’AHC et il nomme ses officiers (les hérauts) ». Et tout cela est censé être irréprochable puisque c’est « approuvé par Sa Majesté le Roi ». Bien entendu, ce sont les Canadiens qui paient.
Voici comment le communiqué du Bureau du premier ministre présente la pertinence de ces « symboles » coûteux pour le Canada.
– « La nouvelle couronne royale canadienne arbore des éléments propres au Canada, dont des feuilles d’érable stylisées et une bande ondulée bleue qui représente les terres et les cours d’eau du pays. Le concept comprend également une allusion aux enseignements autochtones sur l’importance de l’eau et du territoire et les liens entretenus avec eux. La couronne a été créée par l’Autorité héraldique du Canada comme symbole de la monarchie canadienne et approuvée par Sa Majesté le Roi.
– « Le roi Charles III a également approuvé récemment le nouveau drapeau du souverain. Il s’agit d’une représentation rectangulaire de l’écu des armoiries du Canada alliant des feuilles d’érable et les emblèmes royaux du Royaume-Uni et de la France. Le drapeau met en évidence que les armoiries royales du Canada sont également les armoiries du monarque du Canada et qu’elles serviront pour tout prochain souverain. Le drapeau a été créé par l’Autorité héraldique du Canada.
– « Le premier timbre courant du Canada en l’honneur du roi Charles III sera dévoilé par Postes Canada et s’inscrit dans la tradition perpétuée depuis 170 ans qui consiste à émettre des timbres à l’effigie des monarques canadiens. Un portrait du roi Charles alors qu’il était prince de Galles, pris par le photographe Alan Shawcross, figurera sur le nouveau timbre.
– « Des pièces de collection spéciales seront émises aujourd’hui par la Monnaie royale canadienne pour célébrer le couronnement de Sa Majesté. Le monogramme royal de Sa Majesté y figure en guise de symbole pour commémorer ce moment historique. »
Le Bureau du premier ministre indique également qu’il a « demandé à la Monnaie royale canadienne de concevoir les pièces de circulation canadiennes à l’effigie de Sa Majesté le roi Charles III. La Monnaie royale canadienne frappe des pièces de monnaie canadiennes à l’effigie du monarque en titre depuis son inauguration en 1908 ». Il a également « obtenu de la part de la Banque du Canada la confirmation que le portrait de feue la reine Elizabeth II qui figure sur les billets de 20 $ sera remplacé par le portrait de Sa Majesté le roi Charles III au cours du prochain processus de conception ». Comme si cela justifiait d’avoir le portrait du roi ou de la reine sur les billets de banques du Canada, on nous dit que « le monarque en titre est représenté sur les billets de banque canadiens depuis que la Banque du Canada a commencé sa production en 1935 ».
Pour ajouter l’insulte à l’injure, le Bureau du premier ministre dit dans son communiqué que « le Commonwealth est maintenant dirigé par Sa Majesté le roi Charles III » et poursuit en faisant des déclarations qui nient délibérément le rôle des peuples dans l’histoire. En ce qui concerne le Commonwealth, le Bureau du premier ministre déclare :
« Les pays membres continueront de travailler ensemble afin de faire avancer la démocratie, la paix et la prospérité – des valeurs qu’ils partagent. Ces pays collaborent pour améliorer la vie des populations et favoriser la représentation des petits États vulnérables sur la scène internationale. Le Commonwealth a réalisé des progrès importants dans la promotion de la gouvernance démocratique, la protection environnementale, l’éducation et le développement durable. »
Quoi qu’il en soit, l’abolition de la monarchie est à l’ordre du jour. S’opposer à ce qu’elle représente, en particulier le système de représentation appelé démocratie représentative, en faveur d’un renouveau démocratique, ouvrira la voie à une société moderne qui confère au peuple le pouvoir de décider de toutes les questions qui le concernent.
Note
1. La couronne de saint Édouard présentée ci-dessus dans sa forme héraldique est « la pièce maîtresse du couronnement des monarques en Angleterre depuis plus de 350 ans », depuis le couronnement de Charles II en 1661, après la restauration de la monarchie à la suite de la république d’Oliver Cromwell, qui a duré 10 ans. La couronne de saint Édouard a remplacé une version médiévale qui remonterait au règne d’Édouard le Confesseur, au XIe siècle, et qui a été fondue par Cromwell en 1649.
La couronne de saint Édouard est constituée d’un cadre en or massif serti de rubis, d’améthystes, de saphirs, de grenats, de topazes et de tourmalines, tous volés par l’empire britannique. Elle est ornée de quatre croix pattées et de quatre fleurs de lys. Elle est coiffée d’un bonnet de velours avec une bande d’hermine. Charles III portait également « la couronne d’État impériale » lors de son couronnement. La promotion de l’Empire est une constante dans tout ce que fait la monarchie, comme les joyaux qu’elle porte et les honneurs qu’elle accorde, tels que l’Ordre de l’Empire britannique de différents rangs porté par les personnes présentes lors du couronnement.
Marche pour l’indépendance de l’Écosse à Glasgow et autres manifestations d’opposition
Environ 20 000 personnes ont participé à une marche pour l’indépendance de l’Écosse à Glasgow le 6 mai et ont condamné le couronnement de Charles III. L’ancien premier ministre Alex Salmond s’est adressé aux manifestants et a déclaré : « L’Écosse indépendante que nous recherchons sera fondée sur l’égalité et non sur l’aristocratie, sur le talent et les capacités humaines et non sur le droit de naissance. » « Nous ne regardons pas en arrière avec la Grande-Bretagne, mais vers l’avant, vers une meilleure Écosse », a-t-il ajouté.
À Édimbourg, Our Republic, une organisation qui s’oppose à la monarchie et réclame un chef d’État élu, a rassemblé environ 500 personnes qui ont scandé « Pas mon roi ». L’un des orateurs a indiqué que 3 000 militants avaient déjà signé la « Déclaration de Calton Hill » en faveur d’un chef d’État élu démocratiquement et non d’un monarque.
En même temps, à Liverpool, lors d’un match de football, alors que le club jouait God Save the King à la demande de la Premier League avant son match de Premier League contre Brentford, les supporteurs de Liverpool ont bruyamment hué l’hymne national, le noyant sous des chants de « Liverpool ». Les journaux ont dit que les supporters de Liverpool « ont une longue tradition de huer l’hymne national et d’exprimer leur manque de respect pour la monarchie ». Ils avaient également fait connaître leur point de vue lors du match de Liverpool contre Fulham le 3 mai, où la foule a chanté « you can shove your coronation into you’re a**e » (vous pouvez vous coller votre couronnement dans le c*l).
Rassemblement sur Calton Hill, Édimbourg, 6 mai 2023
Demande de restitution des pierres précieuses et des artéfacts volés détenus par la Couronne
L’Afrique du Sud multiplie les pétitions et les demandes de restitution de la « Grande Étoile d’Afrique » (également connue sous le nom de « Première Étoile d’Afrique »), le plus gros diamant taillé au monde. Il a été découvert en 1905, à une époque où les intérêts miniers britanniques prenaient des mesures pour former une administration coloniale unifiée. C’est également l’année de la publication du rapport de la Commission intercoloniale des affaires indigènes sud-africaines, chargée d’apporter des réponses globales à la « question indigène ». Ce rapport proposait une séparation territoriale entre les Noirs et les Blancs, une ségrégation urbaine systématique par la création de « localités » noires, l’expulsion des « squatters » noirs des terres volées par les propriétaires blancs, etc.
La Grande Étoile d’Afrique, qui appartient légitimement au peuple sud-africain, n’a pas été restituée parce que les cercles officiels britanniques affirment qu’elle a été « offerte » par l’administration coloniale d’Afrique du Sud au roi Édouard VII à l’occasion de son 66e anniversaire. Il a été taillé en plusieurs morceaux, dont le plus gros est sur le sceptre que Charles tenait lors de son couronnement. Un autre gros morceau orne le devant de la couronne d’État impériale, et les autres ont été offerts à d’autres membres de la famille royale.
Plus de 8 000 personnes ont signé une pétition en ligne demandant à Charles III de restituer le diamant, découvert à la mine Premier No. 2 de Cullinan, en Afrique du Sud, le 26 janvier 1905. Nommé d’après le magnat de l’industrie minière Thomas Cullinan, il pesait 3 106 carats (621,20 g) avant d’être taillé et sa valeur est aujourd’hui estimée à plus de 2 milliards de dollars américains.
![]() Le diamant Grande Étoile d’Afrique |
« Le diamant doit revenir en Afrique du Sud. Il doit être un signe de notre fierté, de notre héritage et de notre culture », a déclaré Mothusi Kamanga, avocat et militant à Johannesburg à l’origine de la pétition à l’agence de presse Reuters. « Je pense que de manière générale, les Africains commencent à réaliser que décoloniser, ce n’est pas seulement laisser aux gens certaines libertés, c’est aussi reprendre ce qui nous a été exproprié », a-t-il ajouté.
Vuyolwethu Zungula, qui dirige l’African Transformation Movement, un parti d’opposition, a déclaré que le diamant appartenait au peuple sud-africain. « Des gens ont dû mourir, du sang a dû être versé pour que ces diamants trouvent leur chemin vers la Grande-Bretagne », a-t-il dit à l’agence de presse AFP le 4 mai.
Le diamant Koh-i-Noor est un autre joyau volé pendant le Raj britannique. Le parti au pouvoir en Inde, le BJP, a clairement fait savoir que tout projet qui verrait Camilla le porter lors du couronnement rappellerait des « souvenirs douloureux du passé colonial », a ajouté Deutsche Welle. Les autorités britanniques affirment qu’elles l’ont obtenu légitimement lorsque le maharaja Duleep Singh a été séquestré par la Compagnie des Indes orientales à la suite de la conquête britannique du Pendjab, en 1849. Il a ensuite été emmené en Angleterre où il a dû se convertir au christianisme. La reine Victoria « se prit d’affection pour lui et l’appela affectueusement ‘mon prince noir’. Les archives montrent qu’il devint une présence exotique lors des fêtes royales et qu’il passa même des vacances avec la souveraine et son consort, le prince Albert. » C’est la notion britannique d’une acquisition « légitime » du diamant.
Le palais a annoncé qu’afin de ne pas heurter les « sensibilités politiques », la reine Camilla ne porterait pas le Koh-i-Noor dans sa couronne lors du couronnement.
Les Britanniques se donnent beaucoup de mal pour faire valoir devant les tribunaux que le Royaume-Uni et la Couronne ont des droits légitimes sur les pierres précieuses et les objets qu’ils ont acquis par le pillage et la conquête. La position officielle sur ces objets est qu’ils appartiennent au passé et n’ont rien à voir avec le présent et qu’ils ont été acquis légalement et de façon légitime. Le verdict des peuples du monde est très différent et ils continueront à exiger la restitution de ce qui leur appartient de droit jusqu’à ce qu’ils leur soient retournés.
(Avec des informations de Deutsche Welle)
Lettres à la rédaction
Des images de Londres
Les images provenant de Londres le jour du couronnement où l’on voit des policiers retirer les pancartes sur lesquelles est écrit : « Pas mon roi », si c’est ce qu’ils font, montrent que c’est ce message qu’il veulent étouffer.
Une entrevue à la CBC
Adrienne Arsenault de la CBC a réalisé une entrevue avec la princesse royale. Un des sujets abordés par Anne est que la monarchie et ses traditions sont importantes pour garantir la stabilité de l’ordre constitutionnel. Les cercles officiels répètent cela constamment, mais il n’y a pas de discussion sur comment cela se fait. Tout au plus on répond par des déclarations équivalentes, comme dire que la tradition assure la continuité et ainsi de suite. C’est admettre que la monarchie n’est pas un symbole sans contenu et qu’elle est perpétuée pour maintenir le statu quo du pouvoir et des privilèges entre les mains d’une minorité.
Les remarques de Justin Trudeau corroborent ce point de vue, puisqu’il dit qu’il est d’accord pour qu’on parle d’abolir la monarchie, mais parce qu’il n’y a pas d’unanimité sur ce que serait l’alternative, rien ne peut être fait. En attendant, la monarchie est maintenue afin de préserver la stabilité. Il a dit la même chose à propos de la réforme électorale, ce qui revient à dire qu’à moins que les partis ne se mettent d’accord sur une alternative qui les maintienne au pouvoir, aucun changement ne peut se produire. Il ne tolérerait aucun changement autre que celui qu’il a défendu au nom d’une section d’intérêts particuliers au détriment d’une autre, d’où l’absence d’unanimité !
Nouvelle couronne « canadienne »
Les autorités canadiennes ont dévoilé une nouvelle couronne royale canadienne qui « s’apparente à la couronne royale anglaise de style Tudor, auquel Charles est revenu pour l’image royale qu’il veut projeter ».
Si c’est ce que Charles espère réaliser, ça montre une arrogance incroyable. Au XVIe siècle, ses ancêtres Tudor, notamment Henri VIII, régnaient par la dictature absolue et détenaient le pouvoir de vie et de mort, à tel point qu’Henri ordonnait des décapitations selon ce qui lui convenait, y compris la décapitation de deux de ses épouses. Les Stuart n’ont pas eu la même chance. Au XVIIe siècle, Charles Ier a dû faire face à une insurrection armée et a lui-même été jugé et décapité et c’est ce qui a mis fin au « style Tudor » du régime absolutiste.
Il est dégoûtant que des représentants de l’élite canadienne présentent une Couronne dans le « style Tudor » comme un objet d’idolâtrie et laissent entendre que cela tient d’une pensée moderne. C’est un affront aux Canadiens qui cherchent constamment les moyens de s’investir de ouvoir et ont besoin d’une pensée moderne pour concevoir une société démocratique qui corresponde au niveau d’avancement actuel de la société. L’abolition de la monarchie archaïque serait un pas en avant.
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