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Numéro 46 mai 2023
Le couronnement de Charles III
Un jour de couronnement au Royaume-Uni
(Photos: Republic, Corbyn project, European Republican, Dr. Farbod, J.F Sky, H. Craven, S. Ward, Mark, P. Davies, J. Gordon, G.B. Ecology, Ungagged, K. Nevens, I. Magara, S. Berry, N. Walters, G. Swanson, Liberty Action, Sudden Beth, Mr. A., AMS, B. Hays, Sparkels40, Outsider Sue, Eastbourne Solidarity, I. Claudia, C. Boad, JM Shewbery)
Le personnage que Charles envisage pour lui-même
Le samedi 6 mai, le couronnement du roi Charles III a eu lieu à l’abbaye de Westminster. Charles Windsor, prince de Galles, a accédé au trône le 8 septembre 2022, à la mort de sa mère Élisabeth II. L’ensemble de la cérémonie et du processus est présenté comme légitime car il est censé apporter stabilité et prévisibilité.
Bien que beaucoup considèrent la monarchie comme une manifestation honteuse et élitiste et comme un arrogant étalage de richesse et de médiévalisme, depuis la mort de la reine et sa proclamation comme roi, Charles cherche à créer et à formuler une fiction de ce qu’il représente. Lui-même une personne immensément riche, il tente d’entrer dans le rôle de la personne fictive de l’État établie au début des années 1650 et dont le rôle est de résoudre le problème des aspirations démocratiques de « la foule », que ce soit sous le Protectorat de Cromwell ou, plus tard, sous une monarchie restaurée.
On dit que dans ce rôle de personne fictive de l’État, il n’est qu’un symbole, une force bienveillante qui ne détient aucun pouvoir réel. On a dit d’Élisabeth II qu’elle faisait bien son devoir, qu’elle était apolitique et agissait comme une force bienveillante. Elle représentait un lien avec le passé, en particulier avec l’histoire de la Grande-Bretagne et sa « victoire glorieuse » pendant la Deuxième Guerre mondiale. Elle est considérée comme une figure historique qui a su unifier les factions, apaiser les peuples d’Écosse, du Pays de Galles et d’Irlande et créer un certain sentiment de satisfaction. À la fin de sa vie, on l’a vue prendre le thé au palais de Buckingham avec l’ours Paddington, la mascotte des soi-disant valeurs britanniques de multiculturalisme et de diversité. L’image de la reine comme « grand-mère » ou « arrière-grand-mère » de tout le monde était impossible à manquer.
L’idée véhiculée par la Reine était que, quoi qu’il arrive dans la société et dans la vie des gens, chez eux et à l’étranger, voilà ce que la Grande-Bretagne représente et vous serez en sécurité, vous pouvez avoir l’esprit tranquille. Tout finirait par s’arranger quoi qu’il arrive. Elle était perçue comme faisant son devoir envers la société quoi qu’il arrive. Elle projetait l’image de celle qui sait partager bonheurs et malheurs avec le peuple au-delà de ses épreuves et tribulations personnelles. Elle était nous. C’était la fiction d’Élisabeth II et aujourd’hui Charles doit créer un récit fictif de ce qu’il représente et qui soit perçu comme représentatif de ce que nous voulons tous. En Charles, nous sommes censés nous voir nous-mêmes et nous réjouir d’être entre de si bonnes mains.
C’est un défi de taille. Seules les rares personnes susceptibles de bénéficier de ce qu’on appelle les oeuvres de bienfaisance du roi et de ses entreprises et projets personnels ont intérêt à se voir représentées par l’image que le roi donne de lui-même et de ce qu’il représente. Le couronnement est un élément central de la création d’un personnage pour Charles qui soit à la fois le chef d’État qui représente le pouvoir souverain, appelé à guider les décisions de l’État britannique sous toutes ses formes, et celui à qui tous doivent rendre hommage en tant que sujets. Lorsque l’archevêque de Canterbury oint le roi, il recrée le pacte avec le Tout-Puissant, le fiat, le commandement de Dieu que tous doivent obéir au roi qui est son médiateur en matière de crime et de punition, de guerre et de paix. En tant que défenseur de la foi, il représente les valeurs chrétiennes du Royaume-Uni et de tous ses royaumes et territoires. L’inclusion de représentants de différentes églises et confessions sert à renforcer l’idée que les valeurs chrétiennes sont des valeurs universelles qui s’appliquent aux citoyens de tous les pays, quelles que soient leurs croyances personnelles.
Cette idée ne sera pas facile à faire accepter et, en fait, elle a commencé à se découdre même avant le couronnement.
Lettre à la rédaction
La cérémonie du couronnement
Avec ce couronnement, on a tenté de présenter Charles comme un roi moderne, ouvert à la diversité et au multiculturalisme. L’inclusion dans la cérémonie de diverses minorités, de femmes (permises pour la première fois à certains aspects de la cérémonie) et de chefs ou représentants d’autres religions rappellent l’image que le gouvernement Trudeau a voulu projeter après l’élection de 2015. Le nouveau conseil des ministres était composé majoritairement de femmes et il comprenait : une procureure générale autochtone qui a fini par rejeter le rôle qui lui avait été confié de superviser la dépossession des peuples autochtones avec leur consentement ; une sympathisante néonazie au poste de ministre des Affaires étrangères pour aider à organiser un coup d’État néonazi en Ukraine, renforcer l’OTAN et finalement engager le Canada dans la guerre par procuration des États-Unis et de l’OTAN en Ukraine dans l’espoir d’écraser la Russie ; et un ministre de la défense pendjabi (qui avant cela avait même servi dans l’armée américaine), pour diriger l’effort de guerre des États-Unis et de l’OTAN en Afghanistan, qui s’est soldé par un échec majeur en matière de politique étrangère lorsque les États-Unis ont finalement abandonné leurs « partenaires » et laissé l’Afghanistan se débrouiller tout seul, après avoir volé toutes ses réserves.
Ici au Canada nous avons notre propre expérience de ces tentatives de créer une fiction dans laquelle nous sommes censés nous voir représentés dans le gouvernement et la monarchie. L’idée étant que, puisque nous nous voyons représentés, nous n’avons pas besoin de délibérer sur les grandes questions de guerre et de paix, de crime et de punition. Nous pouvons compter sur les prérogatives policières que le système de la monarchie constitutionnelle génère pour assurer notre sécurité et défendre nos intérêts. Si notre répugnance à être gouvernés par ceux qui profitent de leur position de pouvoir et de leurs privilèges pour acquérir de grandes richesses est considérée comme justifiée, il faut faire confiance à ceux qui « nous ressemblent » pour nous représenter puisqu’ils « sont comme nous ». Ceux qui « nous ressemblent » deviennent « comme nous », puis, par un tour de passe-passe, ils deviennent « nous » ! C’est une farce.
Malgré l’inclusion de diverses minorités et de représentants de diverses dénominations religieuses, il y a une chose qui ne change pas : c’est qui gouverne et par quelle autorité. Un système alambiqué de représentation nous impose la domination des puissants et des privilégiés pour nous maintenir dans l’impuissance. Plus le roi et tous ses courtisans tenteront de présenter une institution dépassée comme une affaire moderne et plus le roi adopte un personnage moderne fictif, plus son caractère réactionnaire est révélé. Les conditions matérielles et les besoins de l’humanité ont largement dépassé ce qu’ils sont et ce qu’ils représentent.
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