Hardial Bains
15 août 1939 – 24 août 1997
Hardial Bains, un homme d’action révolutionnaire
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Le 15 août, nous célébrons la naissance, la vie et l’oeuvre de Hardial Bains, fondateur et dirigeant du Parti communiste du Canada (marxiste-léniniste). Hardial Bains était, par-dessus tout, un homme d’action révolutionnaire. Arrivé au Canada de l’Inde en 1959 en tant que jeune homme, il s’est immédiatement intégré à la vie des travailleurs de la Colombie-Britannique et a fait siennes les luttes de la jeunesse étudiante avec laquelle il a partagé bonheurs et malheurs.
Le regretté Charles Boylan, qui était également jeune étudiant à l’Université de la Colombie-Britannique (UCB) à l’époque où Hardial a obtenu un diplôme en sciences, a écrit ce qui suit sur les conditions de l’époque.
« Imaginez la situation. Le monde, y compris l’ensemble des écoles de pensée idéologiques et théoriques, était bloqué par le dogme de la guerre froide. La désinformation et les informations erronées étaient la norme, qu’elles viennent des écoles de l’impérialisme euro-américain ou des écoles du communisme euro-soviétique. Il y avait un effort concerté contre les réalisations historiques du communisme, de la révolution et de la libération nationale. Toutes les voies de l’analyse et de la pensée indépendantes étaient interdites en pratique sinon dans la loi. Pourtant le sentiment que ‘le monde ne va pas rester comme ça’ occupait le coeur et l’esprit de la jeunesse. La nécessité du changement s’imposait. Qu’est-ce qui manquait, qu’est-ce qu’il fallait qui n’était pas là ? Quelle serait la clé permettant de libérer cette dialectique du changement ?
« En 1963, Hardial Bains était un étudiant diplômé de 23 ans à l’UCB qui avait immigré quatre ans pls tôt du Pendjab pour étudier la microbiologie au Canada. Au Pendjab, Hardial avait acquis une très bonne réputation de militant communiste et de scientifique avec une pensée solide et on disait que son militantisme politique et son investigation scientifique avaient commencé dès le jeune âge. Mais que faire de ce monde dans la forteresse impérialiste et à l’étranger, dans des conditions aussi complexes, où la notion même d’un front prolétarien de la révolution avait été déclarée chose du passé par la plupart des partis communistes ?
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« La guerre froide suffoquait tout le monde au point où le droit de conscience était interdit. Hardial Bains s’est insurgé contre le blocage de la pensée et a lancé l’appel aux étudiants et aux professeurs de se défendre et d’exprimer leur droit de conscience par des actions avec analyse. Un de ses premiers actes publics a été de s’opposer courageusement au terrorisme psychologique de l’anticommunisme maccarthyste qui avait pour slogan ‘Better Dead Than Red’ (‘Mieux vaut être mort qu’être rouge’). À une assemblée de démocratie de masse, debout sur une caisse sur l’esplanade devant la bibliothèque de l’UCB, Hardial a répondu à l’individu hystérique en arrière qui hurlait : ‘C’est un communiste !’ en rétorquant : ‘Et fier de l’être !’
« Se remémorant cet incident plus tard, Hardial a dit que cette réponse avait été un tournant historique, dans le sens que ‘c’en était fait de la lâcheté des communistes de l’époque’. Le refus de défendre son droit de conscience était chose du passé. Les communistes devaient être ouverts et fiers de leurs points de vue et des réalisations du mouvement communiste. ‘C’est le début du nouveau. Plus personne ne peut arrêter ce mouvement’, fut sa conclusion de cette expérience. Mais le nouveau était petit, comme la cellule d’un organisme qui s’éveille à la vie. »
Hardial avait la capacité d’entendre et de répondre à l’appel de l’histoire d’organiser pour réaliser les changements nécessaires pour ouvrir la voie au progrès de la société en ciblant toujours l’obstacle principal à l’avancement. Il a fondé son action sur ce que révélait la situation dans les conditions et les circonstances particulières en veillant toujours à mettre sur pied l’organisation pouvant rassembler tous ceux qui ont intérêt à apporter les changements nécessaires. Il a toujours suivi en cela le principe d’unir la force avancée pour mobiliser le milieu et isoler l’arrière. Il s’assurait que le conflit entre les conditions et l’autorité soit résolu de manière à favoriser les intérêts des travailleurs ici et à l’étranger et la cause des peuples et des nations en lutte pour la paix, la liberté et la démocratie.
Hardial Bains a répondu à l’appel de Engels qui disait que le marxisme n’est pas un dogme mais un guide pour l’action. Il a adopté dans toute la profondeur du sens le principe Pas d’enquête, pas droit à la parole pour insister sur la nécessité d’aller au fond des choses en tout temps afin de bien identifier la marche à suivre et de concevoir, comme partie intégrante de la marche à suivre, la tactique nécessaire pour atteindre le but visé. Il donnait ainsi l’exemple de ce que signifie s’opposer au rôle désinformateur de l’État, qui est de priver le peuple de sa propre conception du monde et de sa capacité d’établir les points de vue qui lui donnent l’avantage et d’agir d’une manière à favoriser ses intérêts.
De tous les écrits et documents que Hardial Bains a produits durant sa vie, le plus significatif est l’analyse de la nécessité de changement. Celle-ci tirait les conclusions qui s’imposaient de la dégénérescence culturelle et des conditions imposées à la jeunesse par l’influence impérialiste anglo-américaine des années soixante et la campagne anticommuniste. Sur la force de cette analyse, Hardial a tiré la conclusion que la compréhension nécessite un acte de participation conscience de l’individu, l’acte de découvrir.
Pour reprendre la phrase célèbre de la brochure Nécessité de changement, qui s’est vendue à des milliers d’exemplaires parmi la jeunesse, les étudiants et les forces révolutionnaires des années soixante, cet appel place l’action révolutionnaire au centre de tout ce que nous entreprenons. Ce n’est que lorsque l’individu est dans le feu de l’action, engagé dans la bataille, et qu’il a pour but d’humaniser l’environnement social et naturel dans les circonstances données, que la ligne de marche se révèle. Ce n’est que sur cette base, qui consiste à placer l’action révolutionnaire au centre de nos préoccupations, que l’on peut se dire digne de s’appeler marxiste-léniniste, a souligné Hardial.
En portant attention à ce qui est continuellement en train de naître et en voie de disparaître, ce que nous appelons l’ensemble des relations entre humains et entre les humains et la nature, la nécessité de changement se révèle comme étant la nécessité pour les peuples d’établir leur propre pouvoir politique en réglant leurs comptes avec la vieille conscience de la société. Alors seulement, écrit Hardial Bains, la préhistoire de l’humanité fera-t-elle place à l’histoire. Les êtres humains deviendront les créateurs de l’histoire. Rompant avec l’ancien, ils parleront enfin en leur propre nom et de leur propre voix au lieu de laisser d’autres agir en leur nom et utiliser leur voix.
De nombreuses réalisations importantes ont été accomplies à chaque étape sous la direction du camarade Bains, y compris :
– l’unification des marxistes-léninistes en une seule organisation basée sur le marxisme-léninisme et le centralisme démocratique à la fin des années 1960 ;
– la fondation du Parti communiste du Canada (marxiste-léniniste) en 1970 en tant qu’instrument nécessaire pour forger l’unité de la classe ouvrière et lui permettre d’accomplir sa mission de bâtisseuse de la nation qui investit le peuple du pouvoir souverain ;
– la prise de positions audacieuses à la défense de tous quand l’État a lancé des attaques racistes contre les étudiants afro-canadiens ainsi que les autochtones et les gens d’origine sud-asiatique et antillaise à la fin des années soixante et au début des années soixante-dix ; et
– l’établissement d’une base profondément anti-impérialiste pour le mouvement de solidarité au Canada avec les peuples d’Asie, d’Afrique, d’Amérique latine et des Caraïbes dans leur lutte de libération.
Cela comprend le soutien militant qu’il a organisé pour l’indépendance de Cuba contre l’invasion de la baie des Cochons et lors de la soi-disant crise des missiles et pour la libération nationale du Vietnam et des autres pays de la péninsule indochinoise contre l’agression impérialiste américaine.
Il a également dirigé la réorganisation du Parti hindustani ghadar à l’étranger en 1969, sur la base du centralisme démocratique, pour perpétuer les traditions des Ghadri Babas et pour les luttes de libération en Inde.
Les autres contributions importantes de Hardial comprennent la défense du marxisme-léninisme et l’élaboration de la pensée marxiste-léniniste contemporaine. Son travail dans les domaines de la philosophie et des sciences sociales comprend notamment l’attention de premier plan portée à la relation cruciale entre la forme et le contenu et à l’étude du marxisme-léninisme parmi les jeunes et l’avancement du mouvement pour les idées éclairées. Il a dirigé la construction de la presse du Parti et de la presse sans parti ainsi que de la base technique du travail du Parti sur tous les fronts. Sa contribution à l’étude de la constitution des États-nations européens et de la manière dont on a investi une personne fictive de l’État de la souveraineté pour priver le peuple du pouvoir décisionnel a conduit à l’important programme d’opposition à l’eurocentrisme, d’appui de chaque peuple sur son propre matériel de pensée et du renouveau démocratique et à son appel à rompre avec ce passé et à aller vers d’autres sommets.
Les exploits de Hardial Bains sont en effet légendaires par leur audace. Il était intrépide face aux conséquences que lui vaudrait son défi de l’autorité anglo-américaine qui, au nom des libertés démocratiques, permet toute activité mais seulement dans la mesure où elle peut imposer ce que l’élite dirigeante appelle des « limites raisonnables ». Nos camarades ont passé beaucoup de temps en prison et beaucoup ont perdu leur emploi et ont vu leur carrière ruinée parce que des forces qui existent au-dessus du peuple décident de ce qui est « raisonnable ».
De même, les peuples autochtones, les travailleurs et les minorités et toutes les forces combattantes subissent les répercussions de la division de la société entre ceux qui dirigent et ceux qui doivent se soumettre. Ceux qui gouvernent tolèrent tout sauf la remise en cause de leur pouvoir. Sur cette base, ils définissent ce qui est acceptable et inclusif et ce qui est marginal et extrémiste et par conséquent inacceptable sous leur domination.
Les positions audacieuses du camarade Bains ont fait ressortir le véritable visage des institutions libérales dites démocratiques que les cercles dirigeants s’efforcent désespérément de préserver et de perpétuer. Ce désespoir devient de plus en plus hystérique et irrationnel avec toutes les preuves montrant que les conditions qui ont donné naissance aux États-nations créés depuis la guerre civile anglaise du XVIIe siècle n’existent plus et que les institutions démocratiques libérales établies pour résoudre les contradictions au sein des cercles dirigeants et entre les cercles dirigeants et le peuple afin d’éviter la guerre civile ne fonctionnent plus.
Or, l’importance de l’oeuvre de Hardial Bains ne peut être établie en additionnant les contributions ou en décidant laquelle de ces contributions est la plus importante. Lorsque nous parlons d’importance et de signification, nous parlons de choses qui importent ou qui sont signifiées par les événements qui se déroulent et se révèlent. En français, nous disons, « l’importance de l’oeuvre de Hardial Bains », ce qui est la même chose que la signification de son oeuvre. Autrement dit, nous voulons parler de comment son oeuvre « nous importe », en quoi c’est pertinent pour nous. Dans ce sens, l’oeuvre de Hardial Bains nous importe parce que c’est une base pour nous attaquer au monde aujourd’hui et à ce que veut dire être révolutionnaire.
Par exemple, l’importance de la fidélité à l’ensemble des relations humaines réside dans le fait qu’au coeur de la société moderne se trouve un pouvoir qui sert de médiateur entre les forces productives humaines et l’association politique existante. Guidés par la fidélité à l’ensemble des relations humaines, nous nous intéressons à la structure sociale, à l’ordre et à la mesure de la structure sociale, pour pouvoir faire des prédictions.
Il ne s’agit pas de prédire des événements, comme la date de la fonte de l’Arctique ou combien d’années il reste avant l’avènement d’une catastrophe climatique irréversible ou la fin du monde. L’importance de la fidélité, non pas à la personne de l’État et à la mythologie politique, mais à l’ensemble des relations humaines, est que vous pouvez faire des prédictions qui permettent d’établir le plan d’action, la tactique et l’organisation nécessaires pour aborder les problèmes auxquels vous êtes confrontés. Vous ne pouvez pas le faire sans être guidés par le rapport entre les parties et le tout.
Réfléchissant à l’état du mouvement communiste après l’effondrement de l’Union soviétique, qui a marqué le début du repli de la révolution que nous vivons aujourd’hui caractérisé par une multiplication des crimes contre l’humanité, le camarade Bains a dit : « Si vous êtes révolutionnaires mais non marxistes-léninistes, vous pouvez devenir marxistes-léninistes. Mais si vous êtes marxistes-léninistes mais non révolutionnaires, là il y a un problème. »
Suivant l’exemple que nous a donné le camarade Bains, que signifie alors être révolutionnaire ?
Selon le PCC(M-L), être révolutionnaire, c’est assumer à chaque période les tâches dont la réalisation va réellement changer ou révolutionner la situation. Cela s’oppose à donner de bonnes descriptions de la situation ou à se cacher derrière des phrases « correctes ».
(D’abord publié le 25 août 1929 à l’occasion du 80e anniversaire de naissance de Hardial Bains. Centre de ressources Hardial Bains)
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