18 juillet 1936
Début de la guerre civile espagnole
Célébrons la résistance antifasciste de la guerre civile espagnole !
Le 18 juillet 2022 marque le 86e anniversaire du déclenchement de la guerre civile espagnole, un combat mené entre les forces populaires, connues sous le nom de loyalistes ou républicains, qui étaient représentées par le Front populaire démocratiquement élu, et les forces fascistes « nationalistes », dirigées par le général Francisco Franco. Les forces populaires, aidées par des volontaires antifascistes du monde entier, dont des Canadiens du bataillon Mackenzie-Papineau de la XVe brigade internationale de l’armée républicaine espagnole, ont combattu héroïquement. Franco était ouvertement soutenu par l’Allemagne nazie et l’Italie fasciste. La guerre civile, qui a fait 500 000 victimes, a officiellement pris fin le 1er avril 1939 avec la prise du pouvoir par Franco. La lutte du peuple espagnol contre la dictature fasciste de Franco s’est poursuivie sans relâche jusqu’à sa mort non regrettée en 1975.
En février 1936, le résultat des élections était très favorable au Front populaire, un regroupement de différentes forces progressistes, et cela en dépit du fait que plusieurs dirigeants des forces populaires avaient été emprisonnés ou exilés au cours des « deux années noires » de répression de l’État pour tenter de supprimer le mouvement antidictatorial dirigé contre le gouvernement réactionnaire de Gil Robles. Près de 40 000 Espagnols ont été emprisonnés et des milliers ont dû quitter le pays. Le nouveau parlement élu en 1936 était composé de 268 membres du Front populaire et de 140 membres des forces de l’extrême-droite. Les débats parlementaires devenaient de plus en plus mouvementés, en particulier sur la question de la réforme agraire visant à mettre fin aux vieilles propriétés féodales de l’aristocratie espagnole. Les fascistes ont tenté d’assassiner et mené à bien des assassinats contre des représentants officiels, tandis que l’Allemagne et l’Italie incitaient l’aile droite à agir. Certains industriels qui appuyaient les fascistes ont mis les travailleurs en lockout pour contribuer au chaos. Le 18 juillet a marqué le début d’un soulèvement militaire dans tout le pays contre le gouvernement.
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Les fascistes espagnols, dirigés par le général Francisco Franco, étaient soutenus par les grands propriétaires, dont le duc d’Alba, l’Église catholique et les puissants capitalistes comme Juan March, et ils voulaient tous maintenir leurs profits et leurs privilèges. Des monopoles étrangers, tels que Rio Tinto contrôlé par les Rothschild, appuyaient aussi Franco. En août 1936, la région minière de Rio Tinto est tombée entre les mains des forces de Franco. L’administrateur britannique de Rio Tinto est allé à Londres pour dire au gouvernent britannique de faire affaire avec Franco. En 1937, les troupes de Franco ont directement assisté Rio Tinto à brutalement écraser la grève des mineurs aux mines Huelva de la compagnie en Andalousie. À la réunion générale annuelle de la compagnie en 1937, le président de Rio Tinto, sir Auckland Geddes (dont le gendre était un prince allemand) a annoncé d’un air triomphant : « Depuis que la région minière est occupée par les forces du général Franco, il n’y a plus de problèmes ouvriers … les mineurs accusés de méfait sont traînés devant la cour martiale et fusillés. »
Les fascistes espagnols ont grandement bénéficié de la politique non interventionniste honteuse des cercles dirigeants du Royaume-Uni, de la France et des États-Unis, qui espéraient ainsi inciter les nazis allemands et les fascistes italiens à attaquer ensuite l’Union soviétique. En fait, 27 pays, y compris l’Allemagne et l’Italie, ont conclu une entente bidon de non-intervention en septembre 1936. Malgré tout, l’Allemagne et l’Italie continuaient de fournir de l’aide militaire à Franco sous forme de personnel, d’avions, de chars d’assaut, de camions et d’autres matériels. Le 26 avril 1937, la légion Condor de la Lustwaffe allemande a entrepris le désormais tristement célèbre bombardement de la ville paisible de Guernica, l’un des premiers raids aériens contre une population civile sans défense, un crime de guerre immortalisé par le célàbre tableau de Picasso. Les États-Unis avaient déclaré leur « neutralité » pendant la guerre, mais les compagnies américaines comme Texaco, General Motors et Ford ont fourni du combustible et de l’équipement aux forces de Franco. La Grande-Bretagne et la France ont officiellement reconnu l’administration de Franco en février 1939 alors que l’Allemagne et l’Italie l’avaient déjà reconnue en novembre 1936.
Seul le gouvernement soviétique a fourni de l’aide matérielle aux vaillantes forces républicaines, dont 1 000 aéronefs, 900 chars d’assaut, 1 500 pièces d’artillerie, 300 chars blindés, 15 000 mitraillettes, 30 000 armes automatiques, 30 000 obus de mortier, 500 000 carabines et 30 000 tonnes de munitions. L’Union soviétique avait signé en septembre 1936 un traité de non-intervention, mais le 26 octobre l’ambassadeur soviétique pour l’Espagne a déclaré dans un message au représentant britannique, le ministre lord Plymouth, qu’elle ne pouvait plus respecter cette entente à la lumière de l’intervention allemande et italienne. Dans son message, il était expliqué que l’Union soviétique avait appuyé la non-intervention afin de restreindre l’approvisionnement d’armes, réduire le nombre de victimes et mettre fin à la guerre. Cependant, il était devenu évident que « l’entente a été systématiquement violée par plusieurs participants » et que « l’approvisionnement d’armes aux rebelles (les forces de Franco) se fait impunément ». Entre-temps, le « gouvernement légitime de l’Espagne est tombé sous le joug d’un boycottage, privé de la possibilité d’acquérir des armes à l’extérieur de l’Espagne pour la défense du peuple espagnol ».
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Plus tard dans la guerre, les Soviétiques enverront des troupes et des armes. Le parti communiste et la presse soviétiques ont mené des campagnes de masse et des manifestations ralliant le peuple derrière le slogan adressé au peuple espagnol : « Souviens-toi que tu n’es pas seul, nous sommes avec toi. » Joseph Staline a déclaré dans un télégramme au parti communiste espagnol : « Les travailleurs d’Union soviétique […] sont conscients que la libération de l’Espagne du jour des réactionnaires facistes n’est pas l’affaire privée des Espagnols, mais la cause commune de toute l’humanité avancée et progressiste[1]. »
C’est dans cet esprit – à savoir que la lutte de l’Espagne contre la réaction fasciste est celle de l’humanité – que les forces populaires en Espagne ont été renforcées par des volontaires antifascistes du monde entier. Des dizaines de milliers de travailleurs, de syndicalistes et d’étudiants progressistes se sont mobilisés et se sont rendus en Espagne pour prendre les armes. Le nombre de combattants étrangers qui se sont battus dans ce qu’on a appelé les Brigades internationales a été estimé à 40 000, les volontaires affluant de 53 pays. Outre le soutien de l’Union soviétique, cela inclut, entre autres, des contingents de France (9 000 personnes), d’Allemagne (4 000), de Pologne (3 000), d’Italie (3 000), des États-Unis (2 800), de Grande-Bretagne (2 500), du Canada (1 600), du Costa Rica, d’Albanie, de Grèce, de Cuba, d’Argentine, de Finlande, d’Irlande, d’Afrique du Sud, de Bulgarie et de Chine.
Les forces populaires ont combattu vaillamment contre un ennemi puissant. Le lendemain de la révolte des généraux fascistes, la dirigeante communiste Dolores Ibarruri a lancé le désormais célèbre slogan « No pasaran ! » (Ils ne passeront pas !) qui a servi d’inspiration à la résistance antifasciste en Espagne et partout dans le monde. L’une des batailles les plus célèbres est celle du siège de Madrid par Franco, qui a débuté le 8 novembre 1936 et a duré jusqu’au 28 mars 1939 grâce à la défense acharnée de la ville. Peu après le début du siège, un nouveau gouvernement républicain est entré en fonction et a armé les syndicalistes de fusils (malheureusement un certain nombre de ces fusils étaient en mauvais état) . Après un premier échec de Franco à prendre Madrid, ses forces ainsi que les forces italiennes ont encerclé la ville. Pendant ce temps, mais les forces républicaines largement inférieures en nombre ont remporté des victoires dans les batailles de Jarama et de Guadalajara en février et mars 1937. Les forces républicaines se sont emparés de grandes quantités de matériel et d’équipement dont elles avaient grandement besoin. Le siège s’est poursuivi et le principal problème des forces populaires dans la ville était qu’elles n’avaient pas d’avions pour se défendre contre les attaques aériennes. Les nazis allemands et les fascistes italiens fournissaient une couverture aérienne et des unités de blindés pour l’offensive de Franco contre Madrid, alors que la légion Condor de la Luftwaffe attaquait directement sous commandement nazi.
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L’Allemagne et l’Italie ont refusé de respecter l’entente de neutralité qu’elles avaient signée et ont combattu activement du côté de Franco. Julio Alvarez del Vayo, le ministre espagnol des Affaires étrangères du gouvernement républicain pendant une grande partie de la guerre civile, a bien résumé la situation : « …la saga de la non-intervention… a été le plus bel exemple de l’art de remettre les victimes entre les mains des États agresseurs, tout en préservant les bonnes manières de gentlemen et en laissant entendre que la paix est l’unique objectif et l’unique considération. »
Un des principaux groupes au Canada qui préconisaient la « neutralité », mais qui dans les faits appuyaient Franco était les industriels canadiens qui avaient des intérêts financiers en Espagne. Il y avait entre autres la Barcelona Traction Light and Power Company (BTLP), constitué du magnat du Canadien Pacifique William Mackenzie et son ingénieur Frederick Pearson, ainsi que des capitalistes belges. En 1948, le bailleur de fonds de Franco, le multimillionnaire Juan March, s’est taillé une place à la tête de la BTLP.
Une autre force pro-Franco importante au Canada était la hiérarchie réactionnaire de l’Église catholique. Le gouvernement libéral de Mackenzie King, qui exerçait le pouvoir au nom des monopoles, était prosterné devant ses vieux maîtres en Grande-Bretagne et ses nouveaux maîtres aux États-Unis, les deux ayant adopté des législations de « neutralité » dans l’intérêt de leurs propres industriels qui avaient des investissements en Espagne. En 1953, le gouvernement des États-Unis a conclu un pacte pour fournir une aide importante au régime Franco en échange de la mise en place de bases américaines en Espagne.
La guerre civile espagnole n’était pas qu’une guerre au sein de l’Espagne, c’était une des batailles annonciatrices de la Deuxième Guerre mondiale. Les deux principales puissances européennes de l’Axe, l’Allemagne et l’Italie, ont combattu du côté des rebelles fascistes avec leurs propres objectifs, c’est-à-dire, entre autres, un accès aux ressources de l’Espagne, la capacité de menacer la France à partir d’une nouvelle frontière ennemie et un meilleur accès à la Méditerranée. La guerre civile espagnole a été précédée en 1936 par l’annexion italienne de l’Éthiopie et a été suivie de nouvelles agressions des puissances de l’Axe — l’Allemagne, l’Italie et le Japon — en Mandchourie, en Rhénanie, en Tchécoslovaquie et en Albanie. Mais c’est en Espagne que la bataille contre le fascisme a d’abord fait rage et qu’il était encore possible d’arrêter l’Allemagne nazie, l’Italie fasciste, et leurs collaborateurs. Cependant, la victoire de Franco en Espagne, facilitée par l’inaction délibérée du Royaume-Uni, mais aussi du Canada, de la France et des États-Unis, a incité les nazis et les fascistes à intensifier leurs agressions et déclencher une guerre mondiale sanguinaire. La défaite tragique des forces antifascistes héroïques en Espagne a marqué le début de l’invasion nazie et de l’occupation de l’Europe et de la Deuxième Guerre mondiale qui, pendant six ans, a massacré des millions de personnes.
Viva la Quince Brigada
Note
1. Staline, « Télégramme au Comité central du PCE », Rundschau, no. 24, 4 mai 1938
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