L’anniversaire de la grève générale de Winnipeg 1er mai-25 juin 1919
La plus grande révolte sociale de l’histoire du Canada
La grève générale de Winnipeg, qui a eu lieu du 1er mai au 25 juin 1919, est devenue la plus grande révolte sociale de l’histoire du Canada. Elle a fait l’objet de nombreuses études non seulement sur le rôle du gouvernement et des forces de police mais également celui joué par les syndicats, les communistes, les socialistes et les partis politiques traditionnels. La grève reste d’une grande importance pour le développement ultérieur du mouvement émancipateur de la classe ouvrière canadienne.
Au moment de la grève, la Première Guerre mondiale avait pris fin, mais elle n’avait pas mis fin à la cupidité des hommes assoiffés de pouvoir qui l’avaient déclenchée en premier lieu. Au Canada, la guerre a été un prétexte pour réprimer la résistance à la guerre impérialiste et l’objection de conscience contre la participation à cette guerre, ainsi que pour attaquer les syndicats et la politique révolutionnaire. La Loi sur les mesures de guerre est restée en vigueur pendant plus d’une année après la fin de la guerre et a été utilisée contre les organisateurs de la grève générale de Winnipeg de 1919.
Après la guerre, l’armée canadienne et les armées de 14 autres pays, à l’instigation de la Grande-Bretagne et de la France, ont également été envoyées pour envahir la Russie soviétique dans une vaine tentative de maintenir les privilèges du régime tsariste renversé par la création du premier État socialiste du monde. En même temps, les soldats qui avaient survécu à la guerre des tranchées, dont beaucoup étaient revenus invalides, avaient été gazés par le gaz moutarde et souffraient des effets non reconnus du stress post-traumatique, étaient accablés par l’inflation et le chômage d’après-guerre. La grippe espagnole a également causé des millions de morts.
Dans cette conjoncture, les ouvriers de l’industrie de la construction et de la métallurgie de Winnipeg sont entrés en grève ; ils exigeaient des salaires plus élevés et la réduction des heures de travail. Ils ont été rejoints par des travailleurs du fer qui luttaient pour la reconnaissance de leur syndicat, le Conseil des métiers de la métallurgie. Le 15 mai, avec l’appui massif de ses 12 000 membres, le Conseil des métiers et du travail de Winnipeg déclenche la grève générale. Trente mille travailleurs syndiqués et non syndiqués débrayent. Les téléphonistes de la ville ont été parmi les premières à entrer en grève. Des grèves de solidarité ont été organisées à Edmonton et à Calgary pour appuyer la grève générale de Winnipeg.
Les ouvrières ont eu un rôle important dans la grève. Elles sont entrées en grève et ont appuyé les autres travailleurs en grève. Elles ont mis en place des cuisines populaires tout en prenant soin de leurs familles. Les téléphonistes en grève ont débranché les lignes téléphoniques, sont descendues dans la rue pendant les manifestations et ont affronté les briseurs de grève. Des femmes étaient membres du Comité central de grève ainsi que de la Ligue ouvrière des femmes. En fait, les femmes ont entamé la grève générale de solidarité en soutien aux travailleurs de la métallurgie et de la construction déjà en grève. Lorsque 500 téléphonistes, dont 90 % étaient des femmes, ont quitté le travail à la fin de leur quart de travail à 7 h, aucun autre travailleur n’est venu les remplacer. Winnipeg a été privé de service téléphonique pendant une semaine. Le 20 mai, le Western Labour News a annoncé une réunion d’organisation d’une journée pour toutes les travailleuses.
Le contexte de cette grève était la grave crise économique dans laquelle la Grande-Bretagne et, par extension, le Canada étaient plongés après la Première Guerre mondiale, ainsi que le traitement inadmissible des travailleurs à leur retour de la guerre des tranchées dans laquelle des milliers d’entre eux ont été utilisés comme chair à canon dans l’euphorie de l’empire qui a précédé la guerre. La guerre a détruit rapidement cette euphorie et mis le Canada à la croisée des chemins, non seulement en proie aux affres d’une économie dont les anciennes bases avaient été brisées par la guerre mais également sans but qui reposait sur l’ancienne édification d’empire. L’asservissement des gouvernements aux intérêts étrangers et au moloch du capital auquel les travailleurs ne s’identifiaient absolument pas pesait lourdement sur la capacité des gouvernements à maintenir la paix sociale.
Le gouvernement du Canada ainsi que le gouvernement provincial du Manitoba craignaient clairement une révolution semblable à celle qui venait d’avoir lieu en Russie. Ils ont répandu le mensonge que les « immigrants » étaient à l’origine de la grève. Le gouvernement du Canada a modifié la Loi sur l’immigration pour que même les immigrants nés en Grande-Bretagne qui, à l’époque, avaient automatiquement des droits de citoyenneté puissent être expulsés. Le gouvernement a mobilisé les forces de police contre les grévistes et a eu recours à la violence pour écraser la grève. La réaction du gouvernement à la situation terrible dans laquelle se trouvaient les travailleurs à cette époque et la répression des luttes des travailleurs qui avaient fait tant de sacrifices dans la guerre des tranchées de la Première Guerre mondiale a montré clairement le rôle de l’État.
En juin, les autorités fédérales ont officiellement recouru aux menaces d’expulsions pour réprimer la politique de la classe ouvrière, bien qu’elles aient tenté de tromper le public en évitant le mot « politique » dans leurs accusations. Les amendements à l’article 41 de la Loi sur l’immigration définissaient un « immigrant interdit » comme « toute personne intéressée à renverser un gouvernement organisé soit dans l’Empire (au niveau provincial également au Canada) ou en général, soit par la destruction de biens ou par la promotion d’émeute ou de désordre publics, ou qui est membre d’une organisation secrète qui tente de contrôler des personnes par la menace ou le chantage [1]. » Après près d’un mois de grève, le maire de Winnipeg a demandé l’intervention de gendarmes spéciaux dont la présence a attisé la résistance des grévistes. Les dirigeants de la grève ont été arrêtés. La Police à cheval du Nord-Ouest (qui est devenue la Gendarmerie royale du Canada en 1920) et les gendarmes spéciaux ont tiré sur les travailleurs, tuant deux hommes. Trente-quatre autres personnes ont été blessées et 80 arrêtées. Quelques jours plus tard, le 21 juin, la grève a pris fin avec une manifestation organisée par les anciens combattants.
Note
1. Barbara Roberts, Whence They Came : Deportation from Canada (Ottawa : Presse de l’Université d’Ottawa, 1988), p. 84.
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