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Anniversaire de l’assassinat de Martin Luther King, 4 avril 1968
Réflexions, Dr. Isaac Saney
L’anniversaire de l’assassinat de Martin Luther King Jr. est l’occasion de réfléchir sérieusement à l’héritage qu’il a laissé. Le récit dominant et omniprésent fige la politique et la philosophie de Martin Luther King et ramène sa pensée au 28 août 1963, à la marche sur Washington et à son discours « J’ai fait un rêve ». Bien entendu, des citations sélectives du discours « J’ai fait un rêve » sont utilisées pour donner une version déradicalisée de Martin Luther King . L’évolution ultérieure – jusqu’à son assassinat le 4 avril 1968 – de ses opinions sur le capitalisme et l’impérialisme est ignorée.
Cette représentation de la politique de Martin Luther King s’accompagne de la construction d’une dichotomie apparemment infranchissable entre King et Malcolm X. Chacun est présenté comme l’antithèse de l’autre. Il convient de réfléchir à la façon dont King s’est rapproché de bon nombre des positions politiques que Malcolm avait adoptées et défendues dans les dernières années de sa vie. Malcolm a adopté un anti-impérialisme sans compromis, incarné par une critique acerbe de l’Occident. Les intérêts de l’Occident, a-t-il déclaré, sont inextricablement liés « à l’impérialisme, au colonialisme, à l’exploitation, au racisme. ». Il est allé encore plus loin dans sa réflexion nouvelle sur l’anti-impérialisme avec une critique acerbe du capitalisme, le système à la base de l’impérialisme occidental. Il a dit : « Vous ne pouvez pas avoir de capitalisme sans le racisme … Vous ne pouvez faire fonctionner le système capitaliste à moins d’être un vautour ; vous devez sucer le sang de quelqu’un d’autre pour être capitaliste. » Malcolm considérait que l’oppression et l’exploitation racistes des Afro-Américains étaient profondément enchevêtrées avec l’agression américaine à l’étranger et que cette oppression et cette exploitation ainsi que le bellicisme sont les produits du système capitaliste.
La compréhension de Martin Luther King de la nature de la société américaine évolue dans le même sens. Dans les années qui ont suivi la marche sur Washington, Martin Luther King a accompagné sa vision éloquente et émouvante de « I Have a Dream » (« J’ai fait un rêve ») d’une opposition de plus en plus profonde à la politique étrangère de Washington et au système économique qui engendre l’agression à l’étranger de même que l’inégalité et la pauvreté aux États-Unis. Martin Luther King s’oppose fermement à la guerre au Vietnam.
Son opposition à la guerre au Vietnam n’était pas simplement une puissante position morale mais une position qui a lié l’agression de Washington à un système qui engendre, maintient et exige de grandes disparités de richesse et de puissance entre un petit nombre de privilégiés et la vaste majorité privée de ses droits. Il a dit à ce sujet : « Quand les machines et les ordinateurs, la recherche du profit et les droits de propriété sont considérés comme étant plus importants que les gens, les triplets géants du racisme, du militarisme et de l’exploitation économique exercent leur toute puissance. »
Martin Luther King a compris que si le mouvement des droits civils avait remporté des victoires importantes, ces victoires ne pouvaient être permanentes tant et aussi longtemps que les racines structurelles sous-jacentes à l’inégalité, la pauvreté et le racisme ne sont pas fondamentalement corrigées. Bref, le capitalisme devait être radicalement transformé. Dans un discours prononcé en 1967 lors de la Southern Christian Leadership Conference, Martin Luther King a présenté cette analyse d’une façon sans équivoque :
« Un jour, nous devons nous poser la question : ‘ Pourquoi y a-t-il quarante millions de pauvres en Amérique ?’ Et quand vous commencez à poser cette question, vous soulevez des questions sur le système économique, au sujet d’une plus large répartition de la richesse. Lorsque vous posez cette question, vous commencez à remettre en question l’économie capitaliste. Et je dis simplement que de plus en plus, nous devons commencer à poser des questions au sujet de la société dans son ensemble. Nous sommes appelés à aider les mendiants découragés à l’intérieur de la réalité du marché. Il faudra bien un jour en arriver à voir qu’un édifice qui engendre des mendiants doit être restructuré. Cela signifie que des questions doivent être soulevées. Vous voyez, mes amis, lorsque vous traitez de ce problème, vous commencez à poser la question : ‘Qui possède le pétrole ?’ Vous commencez à poser la question : ‘Qui est propriétaire du minerai de fer ?’ Vous commencez à poser la question : ‘Pourquoi est-ce que les gens doivent payer des factures pour l’eau dans un monde qui est composé de deux tiers d’eau ?’ Ce sont des questions qui doivent être posées. »
La pratique et la stratégie politique de Martin Luther King reflètent sa nouvelle appréciation analytique de l’interconnexion entre le racisme, l’oppression, l’inégalité, le capitalisme et l’impérialisme. Dans la dernière année de sa vie, il a organisé la Campagne des pauvres, qui visait à bâtir une société plus juste et plus équitable par le biais d’un mouvement uni des travailleurs noirs et blancs, de tous les exploités et opprimés aux États-Unis. Si la campagne des pauvres visait une réforme pacifique du système capitaliste, elle a été un défi puissant à l’hégémonie idéologique et idéationnelle du capitalisme.
L’objectif – la Terre Promise – était la création d’un monde meilleur, un monde fait pour les êtres humains. Si la Terre promise n’a pas encore été atteinte, et pour certains n’est pas encore envisagée, la lutte pour un monde meilleur se poursuit.
(Archives du Centre de ressources Hardial Bains, No Harbour for War, 12 février, 2016)
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